« Chiyo ? »

Un instant qui s’arrête et le cœur de suspendre son envol.

Est-ce Chiyo ?

Est-ce Chiyo qui se découvrira derrière Yumi quand elle recouvrera la vue, aidée par ses petites mains sournoises en qui elle n’a plus confiance ? Elle frémit à l’idée de rencontrer le regard des jeunes filles moqueuses, rieuses, qui n’ont de cesse de balbutier sa feinte malédiction.

« Chiyo ! » bredouille-t-elle dans l’ombre de sa voix, comme au travers d’un ventriloque caché au loin des choses visibles : une partition gutturale qu’elle ne reconnaît pas.

Hélas, le visage qui se découvre à elle est d’une autre poupée : la jolie Miya dont on dit qu’elle sera geisha aux traits purs de son visage, à la finesse de sa peau, à la beauté céleste de sa mère qui lui ressemble comme au travers d’un miroir sans âge.

« Miya ? » s’étrangle-t-elle, anéantie.

Par un étrange maléfice, sa voix peine à articuler ces malheureuses syllabes, qu’elle sent dans la bouche une inflexion nouvelle se dessiner, une nouvelle voie. La parole qu’elle produit n’est qu’un jappement glaireux, terreux, d’une hideur absolue, sous laquelle se terre, informe, la parole des humains.

Et pire encore, les six filles se mettent à hurler de concert, comme possédées !