Les petites cellules grises d'Agatha Petipois

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 Clarisa venait d’apporter à table une nouvelle fournée de pains perdus. Il s’agissait du plat préféré de sa fille qui, d’habitude, se jetait dessus pour les faire disparaître à sa manière. Pourtant, cette fois-ci, il en restait encore un dans son assiette et elle maintenait sa fourchette en l’air, dans la lune. Sa mère s’assit en face et lui jeta un regard soucieux. Elle dut l’appeler trois fois par son nom afin de la sortir de sa rêverie.

 — Tu ne manges pas ? Je les ai faits exprès pour toi…

 — Si si, désolée, je réfléchissais, c’est tout ! s’excusa la petite sorcière avant de fourrer son dernier mets en entier dans sa bouche.

 — Il s’est passé quelque chose à l’école ? Ou avec Lisa et Romulus ?

 — Non, c’est toujours mon enquête, tu sais bien, maman !

 — Ah, tu n’as pas encore trouvé la solution ?

 Agatha soupira avant de remplir son assiette de nouveaux pains perdus en se servant de sa baguette-loupe pour les faire léviter jusqu’à elle. Celle de Clarisa fit en sorte que le sucrier les saupoudre de sucre fin tandis qu’elle-même prenait les victuailles que sa fille lui avait laissées. La petite sorcière fixa son repas puis tourna la tête en direction de toutes ses fiches.

 Depuis dimanche, elle avait eu l’occasion de bien les remplir. Elle en avait même ajouté deux, le gérant du Broc à jouets et Franck, plus des témoins que des suspects. Malgré tout son travail d’investigation, elle avait encore trop d’hypothèses possibles en tête et aucun moyen pour en sortir une du lot. Elle en avait longtemps parlé ce vendredi avec Romulus et Lisa. Ceux-ci, depuis leur visite chez les Carotide, n’avaient plus la moindre idée de ce qu’il s’était passé chez leur amie. Leurs discussions tournaient en rond. Cela ferait bientôt une semaine et Agatha n’avait pas encore résolu l’énigme. Cela l’embêtait. Que dirait-on si elle s’en révélait incapable ? C’était désormais une question d’honneur que de trouver le voleur !

 Agatha attrapa un nouveau pain perdu qu’elle entama avec entrain. Ses petites cellules grises avaient besoin d’énergie. À la manière de son détective préféré, qui ne méprisait pas les bienfaits d’un bon repas, elle fit honneur à la cuisine de sa maman. Un ventre bien rempli laisserait son cerveau dans de meilleures conditions de réflexion. Rassurée par l'appétit retrouvé de sa fille, Clarisa repartit aux fourneaux.

 Une fois le repas terminé, et le lave-vaisselle magique enclenché, Agatha alla s’asseoir dans le fauteuil, au coin du feu. Miss Marple s’annonça avec un miaulement et vint s’étendre sur ses genoux. Repue, la petite sorcière lui gratta les oreilles en souriant. La télévision, près du feu, était éteinte et sa mère vérifiait l’état d’une potion qui devait encore mijoter quelques instants. Installée confortablement, détendue, elle réfléchissait en se murmurant à elle-même. Elle retraçait pour la énième fois tout le déroulé de la journée du samedi dernier.

 — Tu sais ce qu’il me manque, comme indice, Miss Marple ? susurra-t-elle vaguement à son chat qui ronronnait de plaisir. C’est la…

 Et là, le déclic. Ses petites cellules grises, sûrement stimulées par la grande quantité de sucre qu’elle avait avalée, mirent en lumière un détail. Un élément, qui paraissait alors n’être qu’une broutille, prenait soudain beaucoup plus de sens. La sorcière écarquilla grand ses yeux et se releva sans crier gare, surprenant son chat qui retomba de justesse sur ses pattes, non sans feuler, mécontent. Sa maîtresse ne lui prêtait déjà plus d’attention.

 — Nom d’une citrouille ! s’exclama la petite sorcière. Non mais quelle tête de linotte !

 Elle fila à l’étage, dans sa chambre, sous les yeux circonspects de sa mère qui revenait justement de son inspection. Elle échangea un regard avec Miss Marple avant d'agiter sa main pour signifier à la bête d’aller plus loin. Clarisa s’assura vite que personne n’avait surpris cet instant de complicité avec l’animal, puis décida de rejoindre sa progéniture. Elle trouva sa fille surexcitée, sautillant de joie dans sa chambre, lançant autour d’elle tout un tas de morceaux de papier cadeaux à la manière de confettis.

 — Agatha, qu’est-ce qui t’arrive ? s’exclama-t-elle avec un soupçon de reproche.

 — Désolée maman ! lui répondit sa fille en s’arrêtant de sauter, un grand sourire aux lèvres. Ce sont mes petites cellules grises. Elles ont trouvé ce qu’il me manquait. Je peux résoudre cette affaire, maintenant !

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