Les cachettes du Manoir Grindriz

5 minutes de lecture

Ils furent accueillis par Béatrice, qui descendait justement les escaliers lorsqu’ils pénétrèrent dans le hall. Sa maman, occupée à mijoter de bons petits plats, abandonna ses casseroles pour venir les saluer brièvement. Ils placèrent la brouette à l’entrée, juste devant la fameuse amphore chinoise qu’avait occupée Jonah, puis Romulus attrapa le cadre de Lisa. Sans plus attendre, la petite gobeline les invita à monter à l’étage, là où se trouvaient les pièces qu’Agatha souhaitait inspecter. Chester, enfin, partit vaquer à ses occupations de majordome de son côté.

 — Je vous attendais un peu plus tôt ! les rabroua Béa en menant la marche. Jacky est partie depuis un moment, je pense que cette histoire la met mal à l’aise.

 — Ce n’est pas étonnant, elle est toujours amoureuse de Jérémy, intervint Lisa dans son portrait.

 — Ouais, je me demande bien ce qu’elle lui trouve… Bon, du coup, Agatha, où est-ce que tu veux aller ? Dans la salle de jeux, je suppose ?

 — Pas du tout, en fait, je crois que nous pouvons simplement rester au premier étage.

 La gobeline se retourna, surprise. Ils venaient justement d’arriver à destination et Agatha passa à côté de la propriétaire des lieux pour avoir une meilleure vue d’ensemble sur le couloir. Sur leur droite, il y avait deux portes ainsi que, tout au bout, la cage d’escalier qui permettait d’accéder à l’étage supérieur. De l’autre côté, elle pouvait compter trois autres pièces. Hésitant quelques secondes, la petite sorcière vint d'abord se placer devant la première porte de droite qu’elle désigna à son amie.

 — Qu’est-ce qu’il y a, comme pièce, ici ? On peut entrer ?

 — C’est le dressing, hésita Béa. Maman n’aime pas trop qu’on vienne jouer ici et…

 Avant qu’elle n’ait terminé sa phrase, et sans une once de retenue, la petite enquêtrice tira sur la poignée. À l’intérieur, c’était rempli d’armoires et de perroquets qui débordaient de robes multicolores, chemises décorées, tailleurs mondains et autre vêtements chics. Dix personnes auraient pu loger dans une telle pièce, pourtant elle était réservée aux vêtements de la famille, et en particulier à ceux de Mme Grindriz. Il y avait aussi tout un tas de déguisements plutôt réalistes qui attendaient fièrement d’être portés. En temps normal, Agatha se serait volontiers perdue à essayer l’un ou l’autre de ces accoutrements, mais son regard passa plutôt au plafond. Comme Chester venait de l’affirmer, il y avait un beau lustre suspendu, aux reflets de cristal. Jérémy aurait effectivement pu se cacher derrière sous son apparence de chauve-souris. Tandis que Lisa et Romulus examinaient les étoffes de la maman de Béatrice, plus par curiosité que pour l’enquête, Agatha remarqua un autre détail.

 Saisissant sa baguette-loupe, elle se précipita vers les murs opposés à l’entrée. Sans se laisser distraire par les remontrances que la gobeline faisait à ses deux complices, elle examina minutieusement la double-fenêtre du dressing, qui donnait sur le grand jardin de la propriété. Elles étaient fermées. Sans attendre de permission, Agatha les ouvrit bien grand. Un courant d’air secoua les vêtements suspendus par des cintres avant qu’elle ne les referme en se mordant les lèvres.

 — Qu’est-ce que tu fais ? s’étonna Béatrice, mal à l’aise. J’espère que maman n’a pas entendu…

 — Désolé, Béa, je voulais juste vérifier quelque chose… On sort, maintenant, on a d’autres choses à voir !

 Sans plus d’explications, elle sortit de là et se dirigea vers la porte la plus proche, en face du dressing. Toujours sans gêne aucune, elle découvrit ce qu’elle connaissait déjà pour avoir logé une fois chez son amie : la salle de bains. C’était donc ici que la gorgone avait trouvé refuge le temps de la partie. C’était une pièce vaste dans laquelle se trouvaient trois baignoires. Ou plutôt trois piscines, car ils auraient pu se glisser tous les trois dans chacune et être rejoints par Chester sans que quiconque se sente serré. Une véritable petite fontaine, aux apparences de sirène de pierre, servait de robinet au centre de ces espaces de baignade. Il y avait aussi deux douches luxueuses dernier cri. Contre les murs, les armoires regorgeaient de produits de beauté et de savons. Dans un coin, deux perroquets, exactement les mêmes que dans le dressing, arboraient les peignoirs de la famille.

 Romulus et Lisa poussèrent des exclamations impressionnées face à tout ce faste et ce luxe, si bien que Béatrice rougit, gênée. Agatha se souvenait y avoir passé des heures, l’année passée, quand elle était venue dormir chez son amie. Elles s’étaient amusées comme des folles. Cette fois-ci, elle ignora les bains et se dirigea vers la fenêtre qu’elle tenta d’ouvrir à nouveau. Cependant, cette fois-ci, elle ne parvint qu’à l’ouvrir en battant, une sécurité empêchant de l’ouvrir complètement contrairement à ce qu'elle avait fait dans le dressing.

 Si Lisa regardait avec envie les baignoires, la petite sorcière entraîna toute la bande dehors afin de passer à la pièce adjacente. Cette fois-ci, cependant, Béatrice l’arrêta avant qu’elle n’ouvre la porte, embarrassée.

 — Attends ! C’est le bureau de papa, il n’aime pas quand on entre à l’intérieur… Il n'est pas là, en ce moment, mais c'est interdit ! Même Chester ne peut pas venir, sauf si papa s’y trouve déjà. D’ailleurs je crois que la porte est fermée à clé, c’est le cas, d’habitude.

 — Personne n’y était caché, dans ce cas, soupira Agatha. Je suppose donc que le placard où se trouvait Cléo est juste à côté, du coup ?

 — Oui ! Et en face, c’est ma chambre, tu la connais déjà.

 Agatha hocha la tête et laissa le bureau du banquier de côté pour se concentrer sur la cachette de la petite momie. La pièce, exiguë et remplie de matériel ménager, avait à peine de quoi accueillir quelqu’un. Elle était située pile en face de l’escalier qui menait à l’étage supérieur. Armée de sa loupe, la petite sorcière y dénicha vite une preuve du passage de Cléo. Agatha tendit sa trouvaille à Romulus, qui confirma grâce à son flair. Leur camarade avait laissé trainer un morceau de bandelette. Il les semait derrière lui sans s’en rendre compte. Ils avaient ainsi pu examiner toutes les cachettes, ou presque.

 Par curiosité, ou par conscience professionnelle, Agatha demanda si elle pouvait jeter un œil au fameux ascenseur à linge dans la chambre de la gobeline. Celle-ci les fit entrer dans son espace intime, une pièce parfaitement rangée que les deux filles avaient déjà eu la chance de visiter à quelques reprises. Comme Béatrice le lui avait déjà expliqué, il y avait une trappe dissimulée dans le mur. En l’ouvrant, ils trouvèrent une caisse remplie de linge propre que Chester venait justement de faire remonter. La gobeline rangea rapidement son attirail tandis que la sorcière passait la cachette au crible. Béatrice pouvait effectivement s’y glisser, même si ça ne devait pas être très confortable. Seul Jonah aurait pu faire de même. Ou bien Jérémy sous forme de chauve-souris.

 Manifestement satisfaite, Agatha remercia Béatrice, laissant celle-ci au dépourvu. Elle insista encore une fois pour les faire monter à l’étage mais Agatha affirma que ce n’était pas nécessaire. Lisa et Romulus, tout aussi déconcertés, la suivirent tandis qu’elle rejoignait le rez-de-chaussée. Il était déjà passé 18h et ils devaient rentrer chez eux.

 — Tu es vraiment sûre que tu as tout ce qu’il te faut ? insista la gobeline, perplexe.

 — Si ce ne devait pas être le cas, nous reviendrons, confirma Agatha. J’aimerais d’abord vérifier les quelques pistes qui sont à ma portée. Ne t’inquiète pas, Béa. D’ici ce week-end, je pense que j’aurai déniché le coupable de cet odieux larcin.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire C.Lewis Rave ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0