L'ogre qui cherchait les enfants

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 Ayant passé plus de temps que prévu au Broc à jouets, ils arrivèrent au Manoir Grindriz avec un peu de retard. Chester les attendait devant le grillage d’entrée, les yeux fixés sur une montre à gousset qu’il rangea en les apercevant. Si sa patience avait été mise à rude épreuve, l’ogre n’en fit aucune démonstration. Avec flegme, il leur ouvrit et les escorta au travers de la longue allée, sous l’ombre des arbres. Du fait de sa carrure imposante, et de sa nature d’ogre bien sûr, les trois enfants étaient intimidés par Chester. La petite sorcière dut prendre son courage à deux mains pour dépasser la brouette de Lisa afin de se mettre à la hauteur du majordome des Grindriz.

 — Chester, est-ce que je pourrais vous poser quelques questions ?

 — Je vous écoute, mademoiselle, répondit-il sans même un regard.

 — C’est à propos de la partie de cache-cache lors de l’anniversaire de Béa.

 L’ogre s’arrêta de marcher si subitement que la brouette se cogna contre sa jambe. Si le choc fit tomber le portrait de Lisa dans un cri de surprise, Chester, lui, resta parfaitement immobile, à peine conscient de la collision. Il soupira ensuite avant d’enfin baisser les yeux sur une Agatha qui le fixait désormais avec plus de suspicion que de peur.

 — Si je puis me permettre, mademoiselle, vous devriez laisser l’affaire aux adultes. Le commissaire Scotyard est déjà venu et ses hommes continuent de patrouiller pour prévenir un larcin futur. Nul doute qu’il tirera cette affaire au clair.

 — Dois-je comprendre, monsieur, que vous refusez de m’aider à retrouver la poupée volée à Béatrice ?

 Romulus venait de repositionner le tableau de Lisa, mais cette dernière préféra rester à l’intérieur, trop effrayée par le face-à-face qui se déroulait sous leurs yeux. Le visage de l’ogre était resté impassible. Pourtant, le ton employé par la petite sorcière était sans équivoque et aurait eu de quoi mettre en colère quiconque subissait de telles accusations déguisées. Seule une veine palpitant sur sa tempe prouvait que la remarque ne le laissait pas indifférent. Agatha, quant à elle, soutenait son regard sans faiblir. Romulus déglutit, ignorant comment désamorcer la situation avant que celle-ci dégénère. Au bout de quelques secondes qui en parurent des heures au loup-garou, le majordome émit un grognement et leva les yeux au ciel.

 — Bien… Que voulez-vous savoir, exactement, mademoiselle ?

 — J’aimerais que vous me racontiez exactement par où vous êtes passés et où vous avez trouvé tous nos camarades lors de la partie de cache-cache.

L’ogre acquiesça et reprit sa marche d’un pas lent avant de reprendre la parole.

 — J’ai d’abord déniché votre ami fée dans l’amphore chinoise du hall d’entrée.

 — Comment avez-vous fait pour le trouver aussi vite, il n’était pas visible, je crois ?

 — Grâce à mon pif, répondit-il en se touchant le nez de son gros index. Nous, les ogres, avons un flair qui n’a rien à envier à celui des loup-garou, et les fées dégagent un parfum bien particulier.

 Surprise, Agatha tourna la tête vers Romulus qui confirma d'un hochement de tête, sans oser interrompre le majordome. Dans son tableau, Lisa se mordait les lèvres, à cran, son attention passant de son amie à celui qu’elle interrogeait sans crainte.

 — Vous avez ensuite trouvé Jacky, c’est bien ça ?

 — Oui, Miss Pumpqueen venait de se glisser derrière les rideaux qui bougeaient encore quand je suis arrivé dans le salon. Je suis ensuite sorti du manoir pour dénicher ceux qui étaient dehors et j’ai vite repéré deux gamines qui gloussaient sans se soucier de la discrétion derrière les rosiers carnivores.

 Sans savoir pourquoi, la petite pique de l’ogre fit sourire la jeune sorcière. C’est vrai qu’elle et Lisa n’avaient pas été des plus silencieuses depuis leur cachette.

 — J’ai ensuite trouvé ce jeune homme, un peu plus loin, derrière la cabane de jardinage, et je l’ai raccompagné jusqu’au manoir avant de m’attaquer aux étages supérieurs. Son odeur m’a vite mené à la momie, qui était cachée dans le placard à balais du premier étage. En poursuivant mes fouilles, j’ai trouvé la jeune gorgone dans la salle de bains, sous les peignoirs. Ses serpents sifflaient, ça ne l’a pas aidée. Le fils du comte Carotide, quant à lui, avait pris l’apparence d’une chauve-souris, pendue derrière le lustre du dressing de madame.

 Chester s’arrêta brusquement de nouveau mais, cette fois-ci, Romulus s’arrêta à temps pour éviter le choc avec la brouette. Ils venaient d’arriver devant la demeure de la famille de gobelins. Agatha, pensive, se grattait les poils d’une barbe invisible.

 — Vous ne vous êtes donc pas rendu au second étage ? demanda Romulus, posant la question qui brûlait les lèvres d’Agatha.

 — Non. J’ai vite compris, en entrant dans sa chambre, que Miss Grindriz s’était cachée dans l’ascenseur à linge quand j’ai vu que sa portière était fermée. Je suis donc allé la faire descendre depuis la buanderie pour mettre fin au jeu.

 — Béa nous a affirmé avoir entendu des bruits dans l’escalier, intervint Agatha.

 — Peut-être a-t-elle confondu avec autre chose, dans ce cas. Moi en tout cas, je ne suis pas monté, et je n’ai trouvé aucun de vos camarades au second étage.

 Il avait de nouveau tourné sa tête vers la petite sorcière qui avait ouvert la bouche sans qu’aucun son ne sorte. Cette fois-ci, elle était à court de question, trop surprise de voir cette piste se fracasser soudainement. Pourtant, après avoir cligné des yeux, elle élargit son sourire et parut vraiment reconnaissante.

 — Je vous remercie, monsieur Chester. Pouvons-nous entrer ?

 — Miss Grindriz vous attend, confirma-t-il en saisissant les poignées de la porte du manoir.

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