Agatha Petipois interroge la victime

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 Malgré la voix de Lisa qui l'appelait à l'aide, Agatha était sortie en trombe de la salle de classe. Elle se pinça les lèvres. Si cela ne lui plaisait pas d'abandonner son amie, elle devait suivre son plan pour laisser au portrait l'opportunité d’interroger la gorgone. Elle n’aurait pas dit non à un jeu de société quelconque, à l’exception peut-être d’échelles et serpents, mais la petite sorcière avait aussi des questions à poser à une de leurs camarades. Et pas n’importe laquelle.

 Ils n’avaient plus eu l’occasion de parler à Béatrice depuis leur départ de sa fête d’anniversaire. La gobeline avait la mine basse et était très peu intervenue en classe, alors qu’il s’agissait d’ordinaire d’une grande bavarde doublée d’une brillante élève. Agatha la repéra très vite, adossée sous un arbre, en compagnie de Jacky. L’enquêtrice en herbe allait en profiter pour les interroger toutes les deux en même temps.

 — Jacky, Béa ! Je peux vous parler un moment ?

 L’épouvantail se tourna vers elle avec l’expression de quelqu’un pris en faute, tandis que la gobeline se contenta d’un bref regard dans sa direction. Comme personne ne répondait, la sorcière ne se fit pas prier.

 — Je voulais vous poser des questions, concernant ce qu’il s’est passé samedi.

 — Tu as déjà trouvé qui avait fait ça ? demanda Béatrice en relevant la tête.

 — Non, pas encore, j’ai des choses à découvrir si je veux prétendre y arriver. C’est pour ça que j’aimerais te parler, si ça ne te dérange pas.

 — Vous… vous voulez que je vous laisse ?

 — Non, reste, Jacky. J’aimerais que tu m’apportes quelques réponses, toi aussi.

  Le teint de citrouille de l’épouvantail devint plus pâle et la petite sorcière haussa un sourcil. Jackie tenait ses mains derrière le dos avec gêne. L’envie de lui poser des questions plus directes la démangeait. Cependant, en ce moment, elle devait se concentrer sur Béatrice.

 — Je t’écoute, lança Béa sans remarquer l’attitude de sa copine.

 — Tout d’abord, je voudrais savoir si tu en sais plus à propos de ce qu’a dit le papa de Romulus, après notre départ ?

 — Pas grand-chose, il a un peu inspecté la pièce puis il a parlé à mes parents et à Chester. D’après lui, c’est un repérage, le coup d’un gnome ou d’une fée capable de passer par la fenêtre ouverte en battant. Il a dit qu’il enverrait des policiers surveiller les alentours du manoir, il est persuadé que quelqu’un va revenir.

 — C’est idiot, je trouve, maugréa Agatha, déçue par l’hypothèse du commissaire Scotyard.

 — Tu crois toujours que c’est l’un d’entre-nous ? questionna Jacky.

 — Franchement, je ne vois pas pourquoi un voleur extérieur serait venu voler une poupée.

 — Pour faire plaisir à sa fille ? suggéra l’épouvantail.

 — Cela n’expliquerait pas pourquoi il n’aurait pris qu’un seul cadeau. Notre voleur savait quel paquet contenait la poupée, j’en reste persuadée. Mais dites-moi, toutes les deux, où étiez-vous cachées ?

 — Cachées ?

 — Pendant la partie de cache-cache qui a précédé le goûter, précisa Agatha. C’est certainement durant celle-ci que le crime a été commis.

 — Tu y vas fort, un crime, il n’y a pas mort d’homme, intervint Jacky, la moue boudeuse.

 — Pardon, un délit, si tu préfères. Ça reste interdit aux yeux de la loi.

 Encore une fois, l'épouvantail ne savait où se mettre. La sorcière fusillait sa tête de citrouille d’un regard implacable. Agatha n'avait pas seulement hérité de son enquêteur préféré tout un tas de méthodes. Elle partageait aussi son goût prononcé et tranché au sujet de la justice. Béatrice amorça la situation en répondant à la question de l'enquêtrice en herbe.

 — Jacky m’a aidée à me cacher dans l’ascenseur.

 — Un ascenseur ? Je n’ai jamais rien vu de tel au manoir.

 — Ce n’est pas un vrai ascenseur, bien sûr. C’est plutôt une caisse cachée dans le mur dans laquelle on range le vêtements sales. Chester les fait descendre jusqu’à la buanderie, au sous-sol et les remonte à nos chambres une fois le linge propre. Je suis encore assez petite pour m’y glisser. Par contre, j’avais besoin de l’aide de Jacky, en bas, afin me faire descendre un peu, entre les étages. On en a une dans ma chambre et une autre dans celle de mes parents.

 — J’ai attendu le signal de Béa puis j’ai un peu fait descendre le câble, je l’avais déjà fait. Je suis vite remontée mais je n’ai pas eu le temps de trouver une cachette valable avant que Chester me tombe dessus.

 — Tu n’étais donc cachée nulle part, toi ?

 — J’ai essayé de me faufiler derrière les rideaux du salon. Il a dû m’entendre ou me voir, je n’y suis pas restée longtemps.

 — Donc, Jacky était au rez-de-chaussée, tandis que toi-même t’es rendue à l’étage. Est-ce que tu as vu où se cachaient les autres, Béa ?

 — Je me suis vite faufilée dans ma chambre, histoire de ne pas rater le coche avec Jacky. Cléo, Juliette et… et Jérémy me suivaient en montant. J’ignore s’ils sont tous montés à l’étage ou non, mais il y a eu des bruits de pas dans l’escalier qui mène au second.

 Agatha acquiesça, pensive. Quelqu’un se trouvait effectivement à l’étage. Elle avait hâte d’en apprendre plus après les découvertes de ses deux camarades.

 — Tu as accusé Jérémy, samedi, reprit-elle. Tu le penses toujours coupable ?

 — Plus que jamais, confirma la gobeline.

 Jacky avait détourné la tête, l’air troublée, partagée entre deux feux. Sa meilleure amie ou son amoureux, elle ne semblait pas entièrement prête à choisir.

 — Tu ne lui en as pas parlé, Jacky, par hasard ?

 — Juste ce matin, répondit-elle précipitamment. Il n’a rien fait, Béa, tu dois me croire !

 — J’y croirai, confirma la gobeline. Quand Agatha l’aura prouvé, et seulement si elle y parvient.

 Jacky se mordit la lèvre avant de regarder avec embarras la petite sorcière qui prenait maintenant des notes. De toute évidence, une altercation avec Jérémy Carotide allait devenir incontournable pour résoudre cette affaire. Néanmoins elle avait encore d’autres choses à régler avant.

 — Je voulais aussi te demander, depuis quand votre majordome travaille-t-il au manoir ?

 — Chester ? s’étonna Béatrice. Je pense qu’il est à notre service depuis trois ou quatre ans, maintenant… Je pensais que tu suspectais un enfant ?

 — Oh, bien sûr, je le vois mal voler une poupée vaudou, confirma Agatha. Qui sait, je découvrirai peut-être qu’il est un collectionneur de jouets passionné ?

 Béatrice et Jacky échangèrent un regard avant d’éclater de rire. L’idée que l’ogre joue à la dinette avait su leur rendre un peu de bonne humeur. Agatha, pourtant, se montrait on ne peut plus sérieuse. Elle avait déjà lu bien des scénarii improbables pour laisser de côté cette possibilité, aussi fragile soit-elle.

 — Abandonne l’idée, Chester ne ferait pas de mal à une fée. J’avais peur de lui au début, mais c’est l’ogre le plus calme et le plus patient que je connaisse.

 — Qu’est-ce que tu comptes faire, maintenant ? demanda Jacky, un peu détendue.

 — Je vais d’abord prendre connaissance de ce que Romulus et Lisa auront appris des autres. Si ce n’est pas suffisant, j’aimerais passer au Manoir, d’ici peu… Cela te dérange ?

 — Non, tu peux passer mercredi après-midi, si tu veux, proposa Béatrice. Maman sera là, papa sera au boulot.

 Le retour sur les lieux du crime étant convenu et fixé, Agatha libéra ses deux amies et alla s’asseoir plus loin pour relire ses notes. Très vite, Romulus se joignit à elle, lui tendant les fiches qu’il avait remplies avec ses propres découvertes. Ils discutèrent ensemble de ce qu’ils avaient appris, sans oublier de s'interroger au sujet de Lisa qui était toujours piégée face à un jeu de plateau et quelques serpents.

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