Un flash les fit sursauter. Derrière eux, Mme Grindriz tenait un appareil photo, tout sourire. Ce dernier s’effaça pourtant quand elle remarqua que sa fille avait les yeux humides. Elle échangea un regard incrédule avec son mari puis ils se rapprochèrent. Les enfants, à l’exception de Jacky, s’écartèrent pour laisser aux adultes constater ce qu’il se passait.

 — Ma pucette, qu’est-ce qui t'arrive ?

 — C’est votre cadeau… On l’a déballé sans moi et son contenu a disparu…

 Les deux gobelins restèrent sans voix, remarquant enfin le papier kraft coloré qui gisait aux pieds de leur fille. Comme Béatrice reniflait bruyamment et s’essuyait les yeux, Cléo s’approcha pour lui tendre un morceau de ses bandelettes, qu’elle déclina, bougonne. Madame Grindriz s’agenouilla par terre, attrapant des restes d’emballage avec hésitation.

 — M'enfin, qu’est-ce qu’il s’est passé… ?

 — Quelqu’un a volé le cadeau de Béa ! s’exclama Jacky, furieuse.

 La phrase suscita de nombreuses réactions. Tous les enfants commencèrent à chuchoter avec leurs voisins, incrédules et hésitants. Pour eux, il n'y avait pas d’autres explications. Mais cela ne disait pas qui avait fait le coup pour autant !

 — Qui aurait pu faire ça ? murmura Romulus, perplexe. On est tout le temps restés ensemble !

 — Pas pendant la partie de cache-cache, souligna Lisa. Qu’est-ce que tu en penses, Agatha ? Agatha ?

 Surpris par le silence de la petite sorcière, le loup-garou et le portrait tournèrent la tête de la scène de crime pour observer leur amie. Celle-ci se tenait immobile, des étoiles dans les yeux, peinant à cacher son excitation.

 — Oh non…, gémit Romulus avec une grimace. Tu ne comptes quand même pas…

 Agatha lui répondit en hochant la tête, l’air déterminée. Aussitôt, elle fit quelques pas en avant pour rejoindre Béatrice en proie à la colère et à la déception.

 — Ne t’inquiète pas, Béa ! lui lança-t-elle fièrement. On va la retrouver !

 La gobeline releva un visage sceptique vers elle sans rien dire alors que Jacky continuait de lui tapoter l’épaule en fusillant les autres invités du regard.

 — Allons, peut-être que c’est un voleur qui s’est introduit ici et qui n’a rien à voir avec vous ! s’exclama Mr Grindriz, manifestement inquiet de constater que l’ambiance sombrait de secondes en secondes. Je suis sûr qu’aucun ami de ma pucette ne peut avoir volé quoi que ce soit !

 — Il y aurait un voleur ici ? sursauta son épouse. Oh, mon dieu, Chester, appelez la police !

 — Puis faites le tour de la propriété ! Il est peut-être encore ici.

 — Tout de suite, madame, monsieur.

 — Peut-être que c’est une mauvaise farce, chéri ? Peut-être que quelqu’un a caché la poupée ici ?

 L’idée de madame Grindriz ne sembla pas convaincre son mari, au contraire des enfants qui commencèrent à fouiller toute la salle de jeu, quitte à mettre le désordre à la recherche de la poupée vaudou disparue. Seul Jérémy n’y participait pas et s’était adossé contre le mur avec un grand soupir dédaigneux. Agatha, quant à elle, s’était approchée d’une fenêtre qu’elle inspectait avec minutie à l’aide de sa baguette-loupe.

 — Qu’est-ce que tu fais ? demanda Romulus.

 — La fenêtre est ouverte, regarde, dit-elle en pointant la légère ouverture en oscillo-battant.

 — Y a à peine de quoi passer un bras. Et on est au deuxième étage !

 — Où est Lisa ? demanda la sorcière en changeant de sujet sans pour autant quitter la fenêtre des yeux.

 — Je l’ai déposée contre le mur, elle a dit qu’elle allait fouiller les cadres du manoir pour voir si elle ne pouvait pas dénicher le voleur.

 Agatha hocha la tête, en pleine réflexion, avant d’enfin se détourner de sa contemplation. Elle se rapprocha alors des morceaux d’emballage qui gisaient encore par terre. Elle en saisit un et l’examina de plus près sans rien dire. Romulus souffla et alla plutôt prêter main forte aux recherches. Hélas, celles-ci furent bien vaines. On ne retrouva la poupée vaudou nulle part. Au bout d’une dizaine de minutes, Béatrice explosa de colère.

 — Je parie que c’est toi ! s’écria-t-elle à l’encontre du vampire qui n’avait presque pas bougé pendant tout ce temps. C’est toi qui l’as volée !

 — Qu’est-ce que j’en ai à faire, de ton cadeau ? répliqua Jérémy. Ça m’intéresse pas.

 — Allons, allons, ne nous énervons pas, les enfants! intervint Mme Grindriz, la mine triste.

 — Je veux qu’il parte ! lança sa fille en le pointant du doigt.

 — Parfait, je m’en vais ! soupira le vampire en se dirigeant vers la table des cadeaux. Mais je reprends ça !

 — C’est ça, j’en veux pas de toute façon !

 Jérémy tira la langue en récupérant son petit paquet. Sans demander son reste, il sortit de la pièce. Quelques instants plus tard, Béatrice le suivit dehors, ne parvenant plus à retenir ses larmes, et ses deux parents se précipitèrent à sa suite, laissant les invités seuls, désemparés, sur la scène de crime. C'est Agatha qui finit par briser le silence.

 — La police voudra sûrement récupérer ça, lança-t-elle en ramassant les papiers kraft déchirés. Peut-être qu’ils pourront l'exploiter.

 — Tu n’as rien pu en tirer, toi ? demanda Juliette, sceptique, avant de lui tendre une caisse en carton qui trainait par terre pour mettre les morceaux dedans.

 — J’ai juste une loupe, la police a des instruments plus efficaces. Une chose est sûre, c’est que le coupable est forcément l’un de nous.

 — Ah bon ? s’étonna Cléo. Mais le papa de Béa a dit…

 — S’il y avait vraiment eu un voleur extérieur, il aurait volé autre chose, pas juste une poupée, en tout cas. Et en plus, il n’y a qu’un seul paquet qui a été déballé. Le coupable savait ce qu’il cherchait et où le trouver.

 Face à cette affirmation, tous les enfants restèrent muets, jetant sur leurs camarades les mêmes regards soupçonneux. Lequel d’entre eux avait bien pu voler le cadeau d’anniversaire de leur camarade ?