Béatrice Grindriz a onze ans

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 Il était quinze heures le lendemain quand les trois enfants arrivèrent devant le Manoir Grindriz. Agatha poussait une brouette dans laquelle ils avaient déposé le cadre de Lisa, qui maintenait leurs trois paquets cadeaux. La propriété des parents de Béatrice était une des plus grandes de tout Halloween. À l’image du vaste manoir, un ogre immense les accueillit au portail. Il portait un costume très serré pour sa forte carrure, ce qui le rendait presque ridicule. Il était cependant hors de question de rire, car les grosses canines qui dépassaient de ses lèvres avaient de quoi impressionner les trois enfants. Il leur demanda leurs noms et vérifia qu’ils étaient bien sur la liste. Il s’écarta ensuite pour les laisser passer et resta sur place en l’attente des derniers invités.

 Ils suivirent d’abord une grande allée garnie d’arbres touffus avant d’arriver aux portes de la demeure. La maman de Béatrice, une gobeline à la peau vert grenouille et au long nez crochu, leur ouvrit avec un grand sourire. Bien qu’elle vive dans une vaste demeure, l’adulte leur arrivait à peine jusqu’aux épaules. Un voile autour de sa tête cachait ses rares cheveux et ses oreilles pointues. Elle les invita à entrer dans le manoir et leur désigna l’escalier. Béatrice les attendait dans la salle de jeux, avec les autres enfants qui étaient déjà arrivés. Comme ils connaissaient le chemin, elle retourna à la cuisine pour les derniers préparatifs du gouter de sa fille. Agatha gara la brouette au pied des marches tandis que Lisa rentrait à l’intérieur de son tableau, pour rendre ce dernier plus facile à déplacer jusqu’en haut.

 Enfin arrivés au second étage, ils filèrent tout droit dans le couloir avant de pénétrer dans la grande pièce où se trouvaient déjà quelques-uns de leurs camarades de classe.

 — Bon anniversaire, Béa ! crièrent-ils tous les trois en chœur.

 — Merci, les amis ! leur répondit une gobeline au teint vert pomme. Vous pouvez les déposer avec les autres !

 La fillette leur désigna une table basse sur laquelle reposaient déjà quelques paquets. Béatrice n’avait encore rien déballé, là où des enfants plus pressés auraient immédiatement déchiré les emballages pour découvrir leur contenu. A côté, des gobelets remplis de jus de pomme attendaient qu’on les saisisse. Romulus alla en chercher trois puis ils se mêlèrent à leurs camarades. Bien que la salle soit remplie de tout un tas de jouets, de la licorne à bascule au parcours d’obstacle en mousse, les camarades de classe se retenaient pour discuter entre eux, comme s’ils attendaient l’autorisation de Béatrice avant de se laisser aller.

 Parmi eux, il y avait Jacky, une épouvantail à tête de citrouille et meilleure amie de Béatrice. Cette fille avait la réputation de tomber amoureuse d’un garçon différent tous les deux mois. Romulus n’y avait pas échappé, aussi fit-il de son mieux pour laisser ses amies entre elle et lui. Il se réfugia plutôt près de Cléo, la momie, qui éternua un grand coup avant d’arracher un morceau de ses propres bandelettes pour se moucher. Cela arracha une grimace à Juliette, qui détourna le regard en recoiffant d’une main les serpents de sa chevelure. Jonah, une fée de la taille de Béatrice, agita ses petites ailes et recula pour éviter de justesse qu’une couleuvre le morde.

 — On n’est pas les derniers ? demanda Lisa après avoir bu une gorgée.

 — On est presque tous là ! affirma Béatrice. Romain est malade, il ne pourra pas venir, mais il m’a fait parvenir son cadeau par son papa.

 — Ta maman a prévu quoi, une chasse aux trésors ? questionna Agatha.

 — Non, juste une série de jeux avant le gâteau.

 — Et tes cadeaux, tu les ouvres quand ? lança Jonah, dont la voix très grave pour son âge et sa taille ne cessait de surprendre ses amis.

 — À la toute fin ! Je fais durer la surprise jusqu’au bout !

 — On pourra difficilement faire mieux que ton père, de toute façon, intervint Jacky.

 — Il te l’a vraiment achetée ? renifla bruyamment Cléo. La Mortadelle ?

 — Oui oui ! D’ailleurs, le voilà qui arrive !

 Effectivement, Mr Grindriz venait d’entrer dans la salle de jeux. Du moins le supposait-on, car son petit corps était caché par les quatre paquets cadeaux qu’il portait. Tous les enfants écarquillèrent les yeux. Béatrice était vraiment gâtée ! Non seulement son père lui avait procuré la fameuse poupée dont tout le monde parlait, mais en plus il avait ajouté trois autres cadeaux ! Rares étaient les familles à pouvoir se permettre autant d’achats à Halloween. Mais Mr Grindriz n’était pas n’importe qui, il était le patron d’une des plus grandes banques de la ville. Il peina à atteindre la table-basse, surchargé qu’il était, et y déposa les paquets. Il rattrapa de justesse le plus grand et le redressa pour le mettre bien au centre de toutes ces offrandes à sa fille. C’était certainement à l’intérieur de cette boîte qu’attendait bien sagement la cerise sur le gâteau d’anniversaire, la poupée vaudou Mortadelle.

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