Les pas battent le pavé avec la légèreté de l’insouciance.

Un vent léger caresse à peine les pensées venues précocement poindre.

Celles-ci sont jaunes, celles-là sont mauves, d’autres plus furtives s’envolent au gré du souffle chaud effleurant avec douceur les tempes d’Anatole.

Il s’arrête un instant, contemple la beauté des fleurs, jusqu’à laisser leur douceur, leurs couleurs, leurs odeurs, envahir son propre jardin.

Elle n’est plus qu’à quelques pas.

Plongée dans les pages cornées du même recueil de poèmes que chaque fois elle emporte avec elle.

La couverture en velours carmin pourtant rigide semble onduler de plaisir à chaque frôlement des doigts qui la contiennent.

Anatole s’avance encore, ralentit le pas, marque un temps.

Mais le courage lui manque, et déjà son corps pour lequel les enjeux ne sont plus inconnus reprend le chemin de son errance.

Là ! Un banc. Là ! Un morceau de tronc d’arbre.

Peu importe l’assise, pourvu qu’il y soit installé.

C’est finalement un coin d’herbe qui l’emporte. Un coin tranquille, paisible, jouxtant un autre parterre de fleurs.

Tous sont au sol. Les pensées, les fleurs, son corps.

Le corps se repose. Les fleurs s’activent pour quitter leur bourgeon et dévoiler au monde l’éclat de leur beauté.

Seules quelques phrases tournent en boucle dans le manège dissimulé derrière sa chevelure de blé.

Anatole rêve. Il rêve d’un monde où les mots ne seraient que des mots, où rien n’engage jamais personne. Il rêve qu’il est à côté d’elle, qu’ils rient ensemble en échangeant des vers. Il rêve qu’elle le connait depuis toujours. Il rêve de leur amour.

Anatole rêve, et dans ses rêveries il se perd. Il perd pieds, il perd ses vers, il s’abandonne.

Il n’a pas l’usage de la parole, pourtant son imaginaire comprend mille mots, mille termes.

Anatole rêve, et dans ses rêves, il s’envole avec elle.

Demain sans doute. Ou bien un autre jour peut être. Anatole rêve encore.