Dérive

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Une matinée paisible, une légère fraicheur qui garde les bras couverts, un lieu semblant hors du temps, loin du monde.

Quelques mots échangés, une invitation à les rejoindre, les prémices d’une discussion qui allait durer toute une journée.

La sensation de quitter le sol, de s’évader, de ne plus vivre nulle part, de n’avoir plus aucune attache, plus rien d’autre qu’elle.

Le sentiment d’avoir croisé une route qu’il lui faut emprunter. La certitude qu’il ne changera jamais plus de direction. Le chemin qui se confond avec le ciel, la terre qui épouse ses pas comme le feraient les nuages.

Et la route devient ruisseau. Puis rivière. Une jolie rivière qui reflète chaque rayon de lumière dont elle est caressée et qui illumine celui qui s’y laisse flotter.

Mais elle souhaite descendre plus loin, devenir fleuve, sentir ses flancs gonfler, accueillir davantage de vie en elle.

Il accepte tout. Il n’attend rien d’autre de la vie que de conserver cette quiétude offerte par son lit. Il s’engage à ne plus aimer que sa fraicheur, à ne jamais chercher à marcher à nouveau sur la terre ferme, à ne jamais plus pénétrer un autre cours d’eau. Il accepte de s’oublier par amour. Il n’existait de toute manière pas réellement avant elle.

Il flotte toujours, porté par le courant devenu plus violent, jusqu’à n’en plus pouvoir et redresser son corps tout entier, ancrer ses pieds dans le sol, prendre le temps d’observer autour de lui.

Tout à coup il s’assied sur le bord. Il a besoin de se reposer, de méditer, de contempler un instant le Monde.

Personne ne l’avait prévenu. Mais qui aurait pu savoir ? Qui sinon lui-même ?

Qui aurait pu savoir qu’il était incapable de rester toute une vie porté par les mêmes flots ? Qui aurait pu lui dire qu’il croiserait d’autres eaux, qu’il y contemplerait d’autres reflets tout aussi apaisants ?

Et comment l’entendre ? Comment comprendre qu’il puisse être capable d’aimer avec la même intensité se baigner dans chaque ruisseau, chaque étang susceptible de transporter ses émotions vives ? Qu’il soit capable de fouler du pied avec volupté chaque sentier, chaque chemin, sans que jamais ne vacille sa flamme première ?

Alors il fait le choix de se laisser porter à nouveau. Il quitte le morceau d’herbe et de terre sur lequel il s’était assis un instant, gardant en tête les images d’une multitude de vies qu’il n’expérimentera jamais.

Et tandis qu’il laisse son corps dériver, une nouvelle rivière vient naitre en lui. Elle est rouge, opaque, ferreuse. Elle coule d’un cœur portant les stigmates de rencontres qui n’ont laissé que vide et mélancolie. Mélancolie de vies jamais vécues, d’instants morts avant même d’exister.

Le cœur a ses raisons parait-il. Sa raison parfois aimerait ne plus avoir de cœur.

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