Faiblesse

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" Il était le plus proche."

Elle l'était aussi.

Jolie, jeune, souriante et affable.

Madame.

Elle ne faisait pas parler d'elle, juste une silhouette à quelques pas de Lui.

Jolie, souriante, jeune et attentive.

Madame.

Elle osait s'approcher de Lui quand il était en rage. Elle lui souriait et lui parlait calmement.

Promettant enfant et merveille.

Evoquant victoire et conquête.

Annonçant amour et tendresse.

Il l'écoutait et s'apaisait tout doucement.

" Je n'ai jamais trompé XXXX. Jamais ! Je l'aime !"

Forcément !

Elle allait tomber elle aussi.

Jeune, souriante, jolie et encombrante.

Trop douce, elle avait oublié de limer ses griffes.

Il fallait une lionne pour Lui.

" Je ne l'ai jamais trompé ! Comment osez-vous ?"

L'officier n'osait pas, il obéissait.

Dévoué et intègre.

Il ne voyait pas la douleur et n'avait pas de compassion. Il voulait des réponses à des questions précises.

Il avait tout pouvoir.

Il se pencha en avant et la toisa fermement.

" Si vous parliez de l'officier XXXX ?"

Elle frémit.

Il sourit.

La gifle le surprit et il résista à la tentation de la frapper à son tour.

" Je vous interdis de me parler ainsi !"

Il hocha la tête et secoua simplement la main.

Deux hommes vinrent saisir la jeune femme, si belle et si séduisante, pour la mettre en cellule.

" Laissez-moi lui parler, je vous en prie. Je ne l'ai jamais trompé. Je suis innocente."

Il la regardait sans sourire et attendait qu'elle se soumette.

Comme tous les autres.

Il était le plus proche.

Elle ne l'était plus.

" L'officier XXXX a été envoyé sur le front. Il a avoué votre liaison. Notre Chef a accepté de vous laisser la vie sauve mais il veut la vérité.

- L'officier... L'officier a dit ça ?"

Elle pâlit.

Elle n'en était que plus belle.

Le jeune officier chargé des interrogatoires se souvint d'un temps où il pouvait agir comme il l'entendait.

Et il était de plus en plus tenté.

Il la renvoya à sa cellule et regarda autour de lui.

C'était un plaisir de retrouver son bureau, sa prison, ses habitudes. Sa liberté !

Il regrettait presque sa promotion.

Il contemplait les murs sans fenêtres et son bureau que le sang avait taché.

Son royaume !

" C'est ici que vous avez travaillé, monsieur ?, lui demanda son nouveau chauffeur.

- Oui, " répondit-il, agacé.

Une convocation au siège du gouvernement l'attendait.

L'officier baissa la tête et se soumit aux ordres du chef.

Comme tout le monde.

Car il était le plus proche.

" Alors ?, fit-Il. Elle a avoué ?

- Pas encore, monsieur. Mais cela ne saurait tarder.

- L'officier XXXX est mort hier. Tué par un ennemi."

Et pour saluer la mémoire de cet officier courageux, le chef lança un méprisant :

" Bon débarras ! Dépêchez-vous avec cette garce, mon cher.

- Oui, monsieur."

L'officier s'inclina.

" Vous avez tout pouvoir, officier. Ne me décevez pas !"

On entendit cette parole et on contempla le jeune conseiller si proche du chef... avec une joie mauvaise.

" Cet officier ?, demanda brutalement l'interrogateur à la jeune femme.

- Un ami. Un ami, rien de plus. Mais..."

Une faille.

L'officier leva les yeux et eut un sourire amical.

" Mais ?

- Il est tombé amoureux de moi... Je lui ai conseillé de partir. Mais il m'aimait.

- Et ?

- Je n'ai pas cédé. Mon Dieu ! Je n'ai pas cédé."

Le bourreau se leva et posa ses mains juste sur les épaules de la jeune femme. Amical et apaisant.

" L'officier XXXX est mort sur le front."

Il sentit le corps frissonner sous ses mains et en conçut une joie profonde.

" Croyez-vous qu'il a murmuré votre nom en mourant ?

- Non. Mort ?"

Jolies épaules. L'officier les caressait avec douceur.

" Il était jeune...

- Oui."

Il ressentit les sanglots avant de les entendre.

" Moi j'aurais murmuré votre nom en expirant, avoua l'officier.

- Je n'ai pas cédé. Je n'ai pas cédé. Je n'ai pas cédé."

Il se pencha et embrassa la chair du cou, cherchant la carotide pour mieux la mordiller.

Elle pleurait.

" Je n'ai pas cédé."

Cellule, nuit.

Nuit, cellule.

Jours et nuits.

On oubliait son visage.

L'officier rapporta ses aveux deux semaines après sa disparition.

Deux semaines douces et agréables.

" Où est-elle maintenant ?, demanda un jour le chef.

- Morte, monsieur. Les rigueurs de la prison..."

L'officier ne s'en excusait pas.

Le chef conclut :

" Bon débarras."

Une leçon vieille comme le monde.

Tous les moyens étaient bons pour parvenir à ses fins.

Promettre. Mentir. Acheter ce qui se vend.

Et vendre au plus offrant.

Tout était une question de prix.

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