Le chauffeur

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"Tout était une question de prix."

Il suffisait de savoir lequel.

Des femmes ?

De l'argent ?

Du pouvoir ?

Quel était le prix ?

L'officier, anciennement chargé des interrogatoires dans la prison de XXXX, était un homme avec très peu d'appétits.

Pas difficile de savoir quel était son prix.

Parfois, une femme venait passer la nuit dans son appartement situé dans un quartier tranquille de la capitale. Jamais la même, jamais plus que le matin. Le chauffeur la ramenait ensuite vers l'oubli.

Donc pas les femmes.

Le quartier était de bonne réputation mais sans verser dans le luxe tapageur. Les vêtements du jeune officier restaient simples et discrets. Il ne portait pas de montre impressionnante ou de parfum musqué.

Donc pas l'argent.

Mais l'uniforme et l'autorité...

Oui, le pouvoir !

Il suffisait de jeter un regard dans le rétroviseur intérieur de la voiture pour apercevoir son petit sourire réjoui et ses yeux brillants de fierté.

Le jeune homme remontait ses manches retenues par des boutons de manchette brillants et souriait en regardant par l'extérieur des vitres.

Il était assis sur la banquette arrière, nonchalamment appuyé contre le bord de l'habitacle et se permettait de respirer un peu mieux.

" Une dure journée, monsieur ?," demanda poliment le chauffeur à son passager.

L'officier sursauta, clairement tiré de ses pensées par le conducteur. Il darda ses yeux clairs, si beaux, sur l'homme et hésita à répondre.

Mais la route était encombrée et le trajet terriblement long.

" Oui, en effet," admit l'officier.

Le jeune soldat sortit une cigarette et l'alluma. Il se mit à fumer, songeant à nouveau à sa journée et à cet homme qu'il avait interrogé.

Et qu'il interrogerait encore le lendemain.

A la recherche de la faille.

" Voulez-vous un verre d'alcool, monsieur ?"

Nouveau sursaut. L'officier regarda encore cet importun mais la proposition lui plut.

" Vous avez de l'alcool dans votre voiture ?"

Le chauffeur se mit à rire, amusé.

" Sous le siège avant. Fouillez, monsieur."

L'officier se pencha et fouilla comme indiqué.

Il trouva une bouteille de cognac, à peine entamée. Un alcool fort et de qualité. L'officier siffla, admiratif.

" Vous avez des verres ?, demanda l'officier.

- Comme vous le souhaitez, monsieur, répondit le chauffeur. Je bois au goulot, moi."

L'officier se mit à rire et ouvrit la bouteille pour en prendre une large gorgée.

Il secoua la tête et son esprit s'apaisa, les cris s'éteignaient doucement.

" Merci. Vous en prenez ?, reprit l'officier.

- Oui, monsieur. Merci."

La bouteille changea de main et le chauffeur but en conduisant.

Maintenant, le chauffeur intéressait l'officier.

" Vous êtes chauffeur depuis longtemps ?

- Non, monsieur.

- Vous vous appelez ?

- XXXX, monsieur.

- Hé bien, XXXX. Je vais vous garder comme mon chauffeur personnel si vous vous rendez utile et efficace.

- On va essayer, monsieur."

L'officier se mit à sourire, un sourire magnifique, accordé à ses yeux si clairs. Il glissa sa main dans ses cheveux et les emmêla mais cela ne rendit que l'homme plus troublant.

" J'ai déjà une mission pour vous, annonça l'officier.

- Allez-y, monsieur !

- Répondez à mes questions et conduisez ! Qui vous a embauché ? Et quelles sont vos références ?"

Un silence.

Le chauffeur se mit à rire et ses mains restèrent fermement posées sur le volant de la voiture.

Le véhicule avançait dans la nuit, glissant dans l'ombre avec grâce et puissance.

" L'officier XXXX."

Le bourreau acquiesça, il connaissait l'officier XXXX. L'homme était fiable et ne prenait que des gens sûrs.

" Et vos références ?"

Un silence.

Cela amusait le jeune homme qui regardait avec attention la nuque du chauffeur, à la recherche de signes d'inconfort.

" Je vous les apporterai demain, monsieur. J'ai travaillé pour l'officier XXXX.

- Il est mort sur le front. Un autre ?

- L'officier XXXX.

- Mhmmm. Disparu sur le front. Et ?

- Monsieur XXXX.

- Le député ? Il est mort l'année dernière."

Avant de laisser le chauffeur poursuivre sa litanie de noms de personnes disparues, l'officier ajouta :

" Vous n'avez pas de chance, mon cher. Tous vos patrons sont morts ou presque. Je commence à me demander si vous embaucher à mon service personnel est une bonne idée."

L'officier se mit à rire et reprit sa cigarette.

Le chauffeur se tut...puis ajouta :

" Ce qui compte c'est le patron en vie.

- Vrai ! Et je tiens à le rester ! Ne me ramenez pas chez moi, je veux revoir monsieur XXXX. J'ai une nouvelle question à lui poser. Retour à la prison !"

Avec une habileté déconcertante, le chauffeur fit faire demi-tour à la voiture.

"Tout était une question de prix."

Il suffisait de savoir lequel.

Des femmes ?

De l'argent ?

Du pouvoir ?

Quel était le prix ?

Il y avait aussi la vengeance !

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