Amitié

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" Les hommes veulent vivre."

En effet.

Ils sont tellement faciles à comprendre.

Il suffit de trouver la faille.

Politique ?

Famille ?

Religion ?

Qu'est-ce qui les pousse à avancer ?

L'officier chargé des interrogatoires était fort à ce jeu.

Trouver la faille.

Et puis creuser !

" Encore un attentat !, grognait son supérieur. Ils sont d'une violence..."

Secouant la tête avec dépit.

Ce qui amusait le bourreau.

Qui était le plus violent ?

Un regard agacé le calma et il attendit la suite.

Les ordres qu'on allait lui donner et qu'il allait exécuter avec efficacité.

" Officier !, claqua l'homme si haut gradé. Il faut épurer vos services, nous devons avoir un traître dans nos rangs !"

Epurer les services ?!

Pourquoi pas ?

L'officier s'inclina et ne répondit pas. Il n'avait rien à dire.

" TU N'ES QU'UNE SALE PETITE ORDURE !, glapit son adjoint. Je suis avec toi depuis des années ! Nous avons fait notre service ensemble ! SALOPARD !

- Nous avons les preuves qu'un officier trahit l'Armée. Dans nos services."

C'était dit si calmement, si posément.

L'adjoint blanchit et murmura :

" Tu vas me torturer aussi ? Mais je ne suis pas un traître ! Je suis avec toi... Contre eux...

- Vous êtes le plus ancien, mais cela ne signifie pas le plus sûr."

La peur laissa la place à la rage.

L'adjoint se jeta en avant et hurla :

" PUTAIN ! SALOPARD ! Vas-y ! Frappe-moi ! Découpe-moi ! Tu vas me faire violer par tes gardes ?"

L'adjoint cracha sur le visage de son supérieur et fut heureux de voir s'écouler le crachat.

L'officier s'essuya lentement et reprit :

" Vous ne pouvez que savoir ! Qui trahit ?

- VA TE FAIRE FOUTRE !

- Mauvaise réponse ! "

Frapper des inconnus, violer des gamines, détruire des vies d'une seule signature... Il en avait l'habitude et cela ne lui faisait plus rien.

Mais là...

C'était ses collègues. C'était son adjoint.

Après eux, à qui le tour ?

" XXXX a avoué ce matin qu'il avait laissé s'enfuir des prisonniers.

- Paix à son âme, grogna l'adjoint. Il n'a jamais eu de couilles.

- Non, opposa gentiment le bourreau. Il n'en a plus."

Le soldat, pourtant aguerri, pâlit.

Il y avait bien des traîtres et l'officier n'en revenait pas.

Son supérieur non plus.

" Continuez ! Il nous les faut tous ! Il faut anéantir cette engeance ! Des traîtres !

- Oui, monsieur.

- Et votre adjoint ?

- Pour l'instant, rien. Mais son nom a été cité plusieurs fois.

- Qui l'aurait cru ? Un homme si méritant et un si magnifique soldat. Quel gâchis !"

L'officier aquiesça.

Et il continua.

Son collègue ne se ressemblait plus. Il ressemblait à tous ces prisonniers. Identique à tous et différent des autres. Il n'appartenait plus à leur monde.

" Alors qui a trahi ? Est-ce vous qui avez donné les ordres ?

- J'ai tué de sang-froid ce jeune imbécile de Sohan. Je lui ai tiré une balle dans la nuque.

- Qui a trahi ? Est-ce vous ?"

L'art de répéter les questions.

Le soldat souriait en reconnaissant bien la méthode de son collègue.

" J'ai entendu la première fois. Cela me suffit !"

Une claque le fit taire.

Mais il souriait toujours.

Ils avaient été au service militaire ensemble, dans la même école... Il était le plus proche d'un ami qu'il avait.

L'adjoint souriait et murmura :

" Et si tu te trompais ?

- Nous ne nous trompons jamais !

- Il faut un début à tout..."

Le décès fut constaté quelques heures plus tard.

Il n'avait pas supporté la dernière séance. Trop de sang, trop de tripes, trop de douleur...

Quelque part, il était libéré.

Et le bourreau aussi.

" Alors il était innocent ?, s'étonna simplement le supérieur.

- Il semblerait, fit l'officier chargé des interrogatoires.

- C'est ennuyeux ! Nous étions tellement sûrs que c'était lui le traître..."

Puis les yeux glacés se levèrent et se posèrent sur lui.

" Qui cela peut-il être ? Il faudra organiser une enquête interne.

- Oui, monsieur. Dites-moi...

- Non, fit doucement l'officier. Une enquête interne de tous les services."

Le bourreau se sentit perdre son air impassible avec horreur.

" Le vôtre aussi."

Ce soir-là, la cigarette ne fut pas réconfortante.

Il lui manquait la présence de cet imbécile de bavard à ses côtés.

Il sentait l'hostilité de tous ses hommes.

Il pensait à la future enquête interne.

Et il n'arrivait pas à sourire.

Il était intègre...oui mais...

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