Découverte

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"Il était intègre, oui mais..."

Cela suffirait-il ?

Il n'arrivait pas à articuler. Les réponses avaient du mal à sortir de sa bouche.

Lui qui était si bon avec les mots.

Ils découlaient de sa bouche et le transformaient en orateur.

On l'écoutait, on l'applaudissait.

Et on le suivait !

Sa bouche paralysée et son cerveau glacé, il ne savait plus quoi faire.

" Nous avons reçu des informations, monsieur, murmurait la voix doucereuse. Des accusations terribles ont été portées contre vous. Vous nous en voyez désolés.

- Oui, oui. J'imagine bien."

Et le sourire ravi qui salua ses paroles si ridicules le rassurèrent.

" Alors vous comprendrez bien que nous avons des questions à vous poser, monsieur.

- Oui, oui. Bien entendu."

Il se répétait.

Cela se voyait-il ?

Cela se voyait-il qu'il avait peur ?

Non ! Surtout pas.

Il se redressa et retrouva son regard dur et son sourire suffisant.

" Allez-y ! Puisqu'il le faut, posez-moi vos questions.

- Merci, monsieur !"

On était heureux de sa réponse.

Cela le rassura.

Certainement, il n'était ici que par erreur ?

" Voilà, monsieur. Vous n'ignorez pas que plusieurs membres du Parti ont été soumis à une enquête interne ?

- Non, évidemment. J'ai été parmi les premiers informés de sa mise en place et j'ai même donné mon accord."

Il se reprenait.

Il toisait maintenant ce pauvre petit officier qui se permettait de l'interroger. Lui.

" Oui. Pardonnez-moi, monsieur. Evidemment, vous étiez au courant.

- Pas de mal, mais veillez à vérifier vos questions, monsieur."

On lui sourit avec reconnaissance.

" Alors ces accusations ?, lança l'homme si haut placé dans le parti, méprisant.

- Attendez ! Je vais vous lire l'acte d'accusation, ce sera plus simple."

Le sourire, si méprisant, se figea...devenant autre chose.

Un acte d'accusation ?

L'orateur se sentit perdu et lutta pour retrouver son art de la répartie.

" Carrément ? Un acte d'accusation ? Contre moi ? Qui vous a permis de le rédiger ?"

L'officier le regarda de ses yeux clairs, surpris et gêné.

De très beaux yeux dans un visage si jeune.

" Mais ce n'est pas nous qui rédigeons les actes, monsieur. Cela vient de nos supérieurs.

- Je veux le nom et le grade de celui qui a osé rédiger un tel...crime.

- Pas de souci, monsieur, assura l'officier en retrouvant son sourire. Je peux lire maintenant ?

- Faites, officier.

- Merci, monsieur."

Poli, déférent, respectueux.

Et il lut de sa jolie voix, douce et soyeuse :

" 25/09/XXXX,

Bilan de l'enquête concernant le député XXXX :

- accusation sur preuves de trahison

- accusation sur preuves de soutien aux terroristes

- accusation sur preuves de complot contre l'Etat "

L'index du jeune soldat tapota le rapport posé devant lui avec circonspection et asséna, concentré :

" Nous sommes plus ennuyés pour le dernier point, monsieur. Les preuves concernant le complot mené contre l'Etat manquent en réalité. Elles n'ont pas de fondements."

L'officier souriait, se voulant doux et rassurant.

" Ha !, fit l'homme politique. Je suis content d'apprendre qu'il n'y a pas de fondements derrière ces accusations."

L'officier pencha joliment sa tête sur le côté et rétorqua :

" Veuillez me pardonner, monsieur. Nous n'avons pas de preuves solides sur le dernier point. Les autres points sont sûrs.

- Sûrs ? Comment... Comment cela sûrs ?

- Nous avons des preuves et des témoins. Voyez-vous, l'enquête interne a été faite diligemment.

- Je...je ne comprends pas..."

C'était un orateur ! Il manipulait les foules et connaissait les mots.

Il était intègre...oui mais...

Cela ne suffisait pas.

" Nous avons des questions, monsieur, fit humblement l'officier. Pouvons-nous commencer ?

- Puis-je...puis-je avoir un verre d'eau ?, demanda l'homme politique.

- Bien entendu, répondit gentiment l'officier. Cela risque d'être long.

- Vous...vous croyez ?"

Le bourreau se pencha en avant et sourit :

" Vous allez répondre ?

- Bien entendu.

- Nous allons bien voir."

L'officier appela d'une voix forte qu'on pouvait entrer.

L'homme si haut placé dans le Parti, si proche des hommes de pouvoir, blêmit.

Deux soldats vinrent se placer de chaque côté de lui.

On déposa des outils sur la table devant lui.

Scie, marteau, pinces...

Il frémit.

" Mais que vous a-t-on dit de moi ?, se reprit l'orateur, essayant de se faire puissant.

- Juste que vous devez être interrogé, répondit simplement le bourreau.

- Je suis intègre ! Je suis ami avec XXXX, ma femme est la soeur de XXXX. Vous rendez-vous compte de ce que je suis ?

- Qui participe au complot et quand aura-t-il lieu ?"

L'orateur se tut, perdu dans ses mots.

Le soldat sourit et lâcha tristement :

" Vous voyez ? Cela dépend uniquement de vous.

- Je suis intègre... Je suis l'ami personnel du ministre XXXX... Je...

- Reprenons les questions, voulez-vous ?"

Ce soir, ses manches étaient rouges de sang. Non pas qu'il avait dû frapper. Mais le sang avait coulé sur la table.

Salissant le rapport.

Un rapport vierge qui ne l'était plus aujourd'hui.

La douleur et la souffrance étaient quand même ses meilleures armes.

Une main se posa tout à coup sur son épaule et l'officier se retourna pour voir de qui il pouvait s'agir.

Une jeune femme se tenait là, dans un uniforme. Elle lui sourit.

Elle était belle.

Il lui rendit son sourire.

" Vous êtes l'officier XXXX ?, demanda-t-elle d'une voix douce.

- Oui. Et vous êtes ?

- L'officier XXXX. Je suis venue pour vous interroger. Vous savez ? L'enquête interne n'est pas finie."

Il souriait toujours.

Puis il désigna nonchalamment sa cigarette et demanda :

" Je peux la finir ?"

La femme plissa les yeux et acquiesca :

" Bien entendu. Nous ne sommes pas pressés."

Cette réponse le fit rire. Elle ne comprit pas.

Nous sommes patients, nous ne sommes pas pressés.

Nous trouvons toujours quelques choses.

Nous sommes dévoués.

Le bourreau regarda le ciel, voilé de brume et lourd de pluie.

" Qui m'a dénoncé ?"

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