Errance

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Mireille est une pute. Je suis un connard. Sale pute, sale connard. Saltimbanque, funambule à la pourriture. Mes icônes sont glacées. Ça n’équivaut à plus rien de cohérent. J’ai dans le foie mille alcools, dans l’accordéon, mille drogues. Je n’ai plus le sou pour être saoul ce soir. Je vague dans les rues de Fukushima. Les déserts ne sont plus là où on croit, où on espère. Les ondées s’accumulent sous mes capacités empathiques. J’implose, j’explose, je déplore. J’ai quitté la réalité, votre réalité. Le quotidien pour moi n’ a plus rien d’absolu. Sorti du bois, de la forêt, de la ville. Définitivement. Je file des marrons à des bouts de papiers. J’articule comme un scaphandrier. Les regards me fuient, m’évitent. Les yeux me détournent plus encore d’eux. Je suis le rigolo pas drôle pour une clope.

Cohérent ? Oh ! Oh ! Si je le fus à une époque. Bien pépère. Bien moustache-chaussette. La petite vie au beau milieu de la cité. Boulot-bédo-sodo. De la famille, deux machins, une femme. Mireille donc la vieille. Bertrand, Richard, 21, 28, eux, foutus le camp à la fac. Clac ! Mireille ? Pute, j’ai dit.
M’aime pas. Même pas réciproque.
Le temps ça vous engloutit les plus gros monstres, les plus gros mensonges, les plus grosses débilités. à un instant l’amour. Puis la vie. Comme ça, innocence volontaire, laissez-passer pour le confort primaire. On se résigne vite chez les humains. Les résistants ne survivent pas. Ou cachés. Ou mal. Les francs du collier restent sur le palier, cage d’escalier, planqués. Les salauds, les autres, moi, ferment leurs gueules, s’fondent, s’passent le temps.
Qui est salaud ? Qui est héros ? Qui fait semblant ?
C’est tout du cinéma la société. Et pas du bon. Tricheurs, tous. On fait avec chaque jour, toujours, on ignore ou on s’autruche. Les rois du camouflage, de la camoufle. Que la nuit venue, tout ça ressort, sue. C’est les vieux, c’est les lucides d’avant la crevaison totale. Passent par-dessus le bord de la convention. L’internationale des automates. Aujourd’hui j’en balance des tomates. Partout, sur tout, sur tous.

Vous ai-je dit avant ? Comme j’étais ? Une vraie moule. Une huître sur son bouchot. Sans rapport. Sans effort. Là où je ne devais pas être mais en fait j’y étais malgré. Travail. Famille. Patrie. Dirait l’autre. Travail. Famille. Parti. Dirait l’un. Travail. Famine. Parti. Pour finir.

Je m’étais mis à picoler sévère pour dire le jour où Teddy Rinner s’était fait mettre au sol par un de ces japonais immondes. Je sais ça. Parce que c’est le dernier souvenir lucide, la dernière pensée construite qui me reste depuis mes cuites chroniques. j’avais regardé ça comme j’aurais pu regarder Navarro, National Geographic ou un porno. Mireille était partie je ne sais plus trop où, le boulot, séminaire. Les deux gosses, je ne sais plus. Je m’étais foutu à poil, j’avais ouvert une bière, puis je m’étais posé sur le canapé gros. Juste comme ça. Pour de rien. Il devait être dans les onze du matin. Une bière. Puis deux, trois. Puis le pack. Fini, j’ai ouvert le bar, j’ai pioché au hasard. Du vieux porto dégueulasse. Allons-y. C’était parti.
Pour de la dégringole rapide. Avais fini par m’écrouler tout à fait sur le tapis maculé de mes vomissures. J’étais parti. J’écartais les jambes au-dessus du fleuve limoneux. Très vite, la Mireille prit mes jambes à mon cou, une fois passée l’autre rive.
La valise. Avec. Outre-balancée par-dessus le perron. Connard ! Pas tort !

Je me suis barré donc. Le choix. Pas trop que j’avais. Retirer du blé au passage. Les hôtels, les bars, les épiceries salines de nuit.

Depuis, j’erre, hérisse, je pisse sur le monde entier. Barré pour de bon. Je baise, je fume, je bois, j’attends.
Je suis celui que vous ne regardez plus. Je suis celui que vous moquez. Je ne suis plus ici.


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