Salle des pas perdus

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Il y a une mère et son bébé en écharpe. Il y a son bébé qui hurle de cet affolement autour, de la fatigue de sa mère.

Ça siffle, ça couine, ça hèle, ça interpelle, ça grince. Ceux qui traversent, ceux qui partent, ceux qui reviennent et ceux qui restent. Tous s'entrechoquent, s'entremêlent, s'ignorent. Le panneau rotatif et ses cliquetis joue le chef d'orchestre d'un ballet haletant. Donne les départs, les fuites et les retours en bémol.

Il y a bien maintenant une demi-heure que je me statufie sur ce banc. J'attends, je relance, mais je débande sitôt. Cette immense partouze ne me fait plus grand effet. L'effervescence futile. Les sentiments en grand affichés par les passagers.

Deviens-je vieux ? Deviens-je vieux pour ne plus m'extasier devant ? Allons savoir...

A l'extérieur de moi, c'est toujours la cocotte-minute. Les molécules s'agitent, s'échauffent et se vaporisent dans un strident sifflement, dans une annonce de quai. Ça pleure, ça sourit, ça s'enlace sur le temps d'avant, puis pffiou repartent, s'éparpillent tous d'un bord l'autre de la gare.

Je n'arrive toujours pas à m'élancer. Je n'arrive toujours pas à me balancer avec. C'est tout comme le mutisme de l'angoisse, tout bloque au niveau des tripes. Les billets sont là dans ma veste, la valise à mes pieds. Nous ne devrions jamais fuir en sachant pourquoi, en sachant où. Ça vous bouffe toute la beauté, toute velléité. Somme de tout, je ne ressens rien, tout gant Mapa.

Je disais les gares sont des promesses. Et je, aujourd'hui, n'en vois aucune.

Dans ce moment-là, sur ce quai-ci, il n'y a rien que de la vulgaire fuite. Au fond, de sales pas perdus. Je n'arrive pas à me mettre en marche, je n'arrive pas à me réjouir d'un possible nouveau. tout à fait immobile, maintenant.

N'y a t il plus de destination, plus de terminus où se réfugier.

Le brouhaha, la cohue semble ne jamais s'arrêter. A en devenir de plus en plus usant, rasant, oppressant, sanglant. J'ai baissé la tête, coincée entre mes deux mains, mirant le sol gris, puis plus rien.Il a fallu ce connard avec son Tchaïkovski à fond dans les esgourdes, assis à côté, pour sortir de ce sommeil de plomb.

Devant moi, sur un panneau publicitaire. Garonne. Le titre d'un bouquin de Delerm, père. Et les bords de rivières verts et doux. Les moments, les soleils couchants, l'enfance derrière, la douceur en mire pour la catalyse.

Le sens, le style.

Je n'ai pas pris de train, je me suis levé, je suis rentré. J'ai aimé, nous sommes partis. Ensuite.

Le voyage était possible, la vie comme une gare, une promesse.

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