(Première soirée)

Elle ajoute dans un murmure :

– Ce sera un oui, pour moi.

Elles continuent à se regarder les yeux dans les yeux pendant un long moment. Floriane hésite, est-ce vraiment ce que veut Élodie ? Ne doit-elle pas y voir un des effets néfastes de son agression. Quelque temps aux parts avant elle avait lu un livre à ce sujet. Il y était dit que la victime de violence sexuelle pouvait se sentir tellement dévalorisée qu’elle en perdait toute estime de soi. Ce qui pouvait l’amener à des conduites à risque, notamment dans le domaine de la sexualité !

Vingt heures sonnent une église toute proche. Les deux amies quittent le café.

Floriane prend discrètement la main d’Élodie dans la sienne. Elles s’arrêtent pour admirer la vitrine d’un magasin de vêtements féminin. Grâce à leurs reflets, elles se sourient.

Prise d’une soudaine envie Élodie demande :

– Tu aimes la cuisine asiatique ?

– Oui beaucoup, aimerais-tu en manger ce soir ?

– Oui !

Sur le chemin du retour, elles s’arrêtent dans un restaurant chinois pour prendre des plats à emporter.

Arrivées à l’appartement, elles se mettent en pyjama avant de mettre la table puis manger. Floriane est toute surprise de trouver des baguettes parmi les plats, soigneusement emballés, provenant du restaurant chinois.

Ne sachant pas s’en servir Floriane demande :

– Tu sais manger avec des baguettes toi ?

– Heu … Oui, pourquoi ?

– Pour moi ce sera une première !

Élodie lui sourit :

– Je vais te montrer, tu vas voir ce n’est pas bien compliqué.

Élodie saisit doucement la main de son amie et lui montre comment tenir les baguettes. Ensuite, patiemment, elle lui explique de quelle façon elle doit les utiliser.

Floriane s’entraine avec des petits pois hélas, ceux-ci atterrissent dans tous les coins de la pièce sauf, dans sa bouche.

Elles se regardent et partagent un fou rire mémorable.

Floriane est heureuse de voir son amie s’amuser, même si c’est à ses dépens. La gaité quitte bien vite le beau visage d’Élodie. Floriane se dit que la joie de vivre et la légèreté semblent avoir quitté le cœur de son amie.

Floriane finit par jeter l’éponge et préfère aller chercher des couverts occidentaux.

Après le repas, installé dans le canapé, elles regardent un film à la télévision, blotties l’une contre l’autre, abritées par un plaid en laine épaisse.

Au bout de quelques minutes, Élodie se met à bâiller et à sentir ses yeux picoter :

– Bon, il est temps que j’aille me coucher moi. À demain et encore merci pour tout ce que tu fais pour moi.

Elles séparent en se faisant la bise au coin des lèvres.

Floriane, qui préfère la lecture, arrête la télévision et vérifie que toutes les portes et fenêtres sont bien fermées et verrouillées. Puis, va rejoindre son lit en compagnie d’un excellent Alexandra Mac Kargan !

Bien que le livre la passionne, elle a du mal à se concentrer. Son esprit est préoccupé par Élodie. Ayant déjà eu des connaissances victimes de violences sexuelles, elle sait que le chemin vers la « guérison », si l'on peut parler ainsi, sera long et difficile.

Elle en est là dans ces réflexions quand elle entend légèrement gratter à sa porte. Elle sort de son lit soudainement pris d’angoisse, que se passe-t-il ?

– Floriane, c’est Élodie, je peux entrer ?

– Oui, bien sûr.

La jeune femme entre, elle est en larmes. Floriane tapote le lit à ses côtés pour l’inviter à venir s’assoir.

- Excuse-moi de te déranger, mais je n’arrive pas à dormir, j’ai trop peur, est ce que je peux venir dormir avec toi ?

Floriane lui sourit, glisse vers l’autre bout du lit et ouvre les couvertures en signe d’acquiescement.

Élodie se glisse entre les draps et vient se blottir contre le corps de Floriane. Instinctivement, celle-ci l’entoure de ses bras protecteurs.

En quelques minutes, vaincue par toutes les émotions de cette journée, interminable, Élodie s’endort.

Floriane, elle ne trouve pas le sommeil. Son esprit est trop occupé par Élodie pour qu’elle puisse se détendre et s’endormir.

Pendant ce temps-là, la jeune fille a quitté les bras protecteurs et s’est retournée pour faire face à Floriane. Celle-ci l’observe et commence à remarquer des petits mouvements sur son visage. Son amie est au pays des rêves !

En quelques secondes, Élodie se met à faire de grands mouvements des bras et des jambes comme si elle repoussait quelqu’un. Elle pousse alors un hurlement strident. Floriane la prend alors de nouveau dans ses bras, se met à lui caresser les cheveux puis les bras jusqu’à ce qu’elle se calme.

Élodie finit par ouvrir les yeux, elle éclate alors en gros sanglots. Entre deux hoquets, elle murmure :

– Excuse-moi ! J’ai fait un horrible cauchemar, je revivais mon agression !

– Calme-toi maintenant, ma chérie, ici tu es en sécurité il ne t’arrivera rien, je te le promets.

À force de parole et de gestes apaisants, Élodie finit par se calmer, puis elle se rendort.