Chapitre 21 (fin de la partie 4)

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Gabriel se sert un whisky et s'affale dans le sofa, face à la baie vitrée où scintillent les lumières de la ville. Hébété, il a l'impression que tout lui échappe. Sa femme, qui jamais ne sort de son sillage, a disparu depuis trois jours. Sa maîtresse, qui sans raison décide de mettre un terme à leur relation justement ce soir. Les affaires, difficiles comme jamais. Même cet abruti de comédien envoyé pour jouer les agents secrets auprès de son fils, ne donne pas signe de vie. L'alcool lui brûle l'œsophage et le ramène là, dans le salon, seul. Il tire sur son nœud de cravate, se sent bizarre, termine son verre d'une traite, s'allonge sur le canapé, ferme les yeux et s'endort tout habillé.

Le lendemain matin, le clairon de sa sonnerie de téléphone l'arrache des griffes d'une révolutionnaire, au sein nue, brandissant un drapeau bleu blanc rouge et hurlant « Liberté ! » à pleine gorge.

— Allô, monsieur Bertrand, c'est Pierre.

— Ah tout de même ! Alors, que pouvez-vous me dire ? grogne-t-il en reprenant ses esprits.

— Mon plan a bien fonctionné, je suis entré dans le camp. Ce n'est pas une secte vous savez...

— Ah non, et c'est quoi, alors ? Une colonie de vacances ! l'interrompt-il ironique.

— Une communauté, plutôt sympathique, votre fils semble très heureux et aussi très amoureux...

— Vraiment ! Et de quoi vivent-ils tous ? D'amour et d'eau fraîche !

— Euh non, ils sont bien organisés. Je n'ai pas tous les détails mais il semble qu'ils fonctionnent sur un mode d'entraide et de partage. Des espèces d'idéalistes qui ont réussi à mettre au point un système de vie collectif qui les rend heureux et où personne ne manque de rien.

— Ben voyons ! s'esclaffe Gabriel, mieux réveillé. Grâce au pognon que ma femme leur donne surtout ! L'avez-vous vue ?

— Votre femme ? Non.

— Vous n'êtes pas très efficace, mon vieux.

— Je suis comédien, pas détective privé...

— Trouvez ma femme et tenez-moi au courant, ordonne-t-il.

— Daccord, mais, s'il vous plaît, n'essayez pas de me joindre, cela pourrait compromettre ma couverture. C'est moi qui vous recontacterai.

— C'est cela, eh bien ne me faites pas trop attendre !

— Je ferai de mon mieux, bafouille Pierre.

Gabriel a déjà raccroché. Il se demande ce qu'il espère de la part de ce guignol. Seulement, un privé lui aurait envoyé des photos, lui il veut savoir ce qui se passe réellement. Dans ces cas-là, le son est tout aussi important que l'image. Il croise la sienne, d'image, toute froissée dans son costume. Qu'est-ce qui lui a pris de dormir là ? Une bonne douche et direction son club de golf, au moins là-bas il pourra se détendre un peu. Ce soir, il proposera à sa maîtresse une soirée dans un hôtel de luxe. Généralement, cet argument suffit à la ramener à de meilleurs sentiments.

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