Jusqu'à l'armistice (I, 237d-240d)

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PROCRASTINOS – Je n’ai pas fini. La guerre est loin d’être terminée : 238 voilà Verdun qui s’allonge sur l’année 1916. L’offensive y est intensive, si bien que cela demande une logistique impressionnante dans le ravitaillement et l’évacuation des blessés – qui ne peuvent pas tout le temps sortir du front. Le paysage, quant à lui, est anéanti et apocalyptique. Du côté français, on compte 143.000 morts, pour 163.000 du côté allemand : ce n’est pas une victoire totale mais timide. Les victimes non identifiées reposeront au monument de Douaumont, établi en 1927. Antoine Prost considère cette bataille comme la plus importante et symbolique, quand bien même la Somme fut plus meurtrière. C’était en effet une bataille défensive, où le Français protégeait sa terre sacrée, et ce, seul face aux Allemands. Pétain incarnera la victoire, même s’il se retire avant la fin de la bataille. Le souvenir, lui, sera gravé dans les rues et les avenues, dans une commémoration qui s’étend à l’Europe entière. Seuls, les Allemands n’en parlent pas, tout comme la Première Guerre en général.

BOULÉTAMANTE – On se demande bien pourquoi.

PROCRASTINOS – J’en viens ensuite au plus gros morceau de cette guerre, qui est l’année 1917.

BOULÉTAMANTE – Ciel, que cela est long.

PROCRASTINOS – Tout comme le conflit qui s’éternise. Heureusement, d’importants événements en feront une année charnière, pour la Guerre, peut-être pour toute l’histoire qui s’en suit aussi.

BOULÉTAMANTE – Je suis bien curieux de connaître ce qui s’y est passé. N’est-ce pas que les Russes ont eu des problèmes ?

PROCRASTINOS – Tu vois juste. 1917 est la grande période de révolutions bolchéviks. En octobre, la Russie est contrainte de se retirer de la guerre, pour connaître l’avènement du régime communiste à la visée internationale.

BOULÉTAMANTE – Mais alors, la Triple-Alliance perd un de ses membres ?

PROCRASTINOS – C’est exact, mais elle en a gagné un autre : les États-Unis, qui entrent en guerre cette même année, en avril. Pendant ce temps, on se lassait de la guerre, si bien qu’on commençait à se mutiner ou à faire la grève à l’arrière. On tente de pacifier les choses ; en France, on crée l’Union Sacrée qui réunit tous les partis, jusqu’à ce que 239 Clémenceau reprenne les rennes du conseil et « fasse la guerre » : il remet la machine en marche et revitalise le front, y rendant visite ou suscitant un grand patriotisme – cela passe aussi par l’emprisonnement de certains ministres pour forfaiture ou pour présumée traîtrise. Le « Tigre » est aussi le « Père de la Victoire. »

BOULÉTAMANTE – Je l’aime bien, ce Clémenceau.

PROCRASTINOS – Certes, mais il fera preuve d’une grande intransigeance face aux Allemands dans les négociations du traité de Versailles.

BOULÉTAMANTE – Est-ce tout pour cette année ?

PROCRASTINOS – J’ajouterais enfin que la guerre continue aussi en Orient, notamment avec les Britanniques, qui affrontent l’Empire Ottoman. Les Anglais tenteront de susciter une révolte arabe avec de nombreuses promesses, et la déclaration Balfour promet la création en Palestine d’un foyer national juif – cela attire la sympathie des communautés juives russes et américaines. Cela s’inscrit dans le sionisme, ce nationalisme juif qui veut le retour en Palestine – la Terre Promise – mais a surtout pour but le financement de la guerre par les grandes banques juives de l’Angleterre – la déclaration est adressée à un Rothschild, alors président de la fédération sioniste de Grande-Bretagne – et des États-Unis. 240 Balfour va bien sûr en contradiction avec les promesses faites aux arabes, au travers d’accords qui, en 1915, devait aider les nationalistes arabes à former un grand État indépendant, mais aussi avec un accord de 1916, qui prévoyait la mise sous tutelle internationale des possessions ottomanes du Moyen-Orient. Tout cela exacerbe les tensions entre Arabes et Juifs, qui perdureront par la suite.

BOULÉTAMANTE – J’ai bien l’impression que 1917 forge l’histoire du vingtième siècle.

PROCRASTINOS – Tu n’as pas tort. J’en arrive à la fin de la guerre, c’est à dire l’armistice de 1918 – du moins, la fin pour les politiques. Il est signé dans la forêt de Rethondes le 11 novembre, soit deux jours après l’abdication de l’empereur Guillaume II. Erz Berger, qui dénonçait le génocide héréro, préside la délégation des plénipotentiaires allemands – il sera assassiné en 1921 par la droite nationaliste, pour participation au « coup de poignard dans le dos. » La loi des vainqueurs apparaît dure aux vaincus, on l’appelle le « diktat » qui humilie la société allemande après le traité de Versailles de 1919.

BOULÉTAMANTE – J’imagine que cet armistice sera commémoré, comme on aime bien le faire.

PROCRASTINOS – Forcément, plus de 36.000 monuments aux morts apparaissent. Mais en Allemagne, on en parle moins. En fait, Hitler ira même jusqu’à témoigner son ressentiment en faisant signer exactement au même endroit l’armistice de 1940.

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