La Belle-Époque (I, 234a-235d)

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PROCRASTINOS – 234 Aussi te parlerai-je de l’Europe…

BOULÉTAMANTE – Ah, bien, voilà que tu t’y mets enfin !

PROCRASTINOS – Oui, puisqu’il le faut. Mais je ne t’en parlerai que de 1918 à 1945, sinon, nous n’aurions jamais fini avant l’aube. Aussi inclurai-je la Russie, pour la raison suivante : son influence sur l’Europe est fondamentale pour comprendre ce siècle. L’URSS promeut un communisme international, et tu n’es pas sans savoir que la SFIO se prononcera sur le Kominterm en 1920, ce qui entraînera sa division.

BOULÉTAMANTE – Rappelle-moi ce qu’est la SFIO.

PROCRASTINOS – La Section Française de l’Internationale Ouvrière, née de l’union des partis socialistes français en 1905, juste après l’Affaire Dreyfus.

BOULÉTAMANTE – N’est-ce pas que Jules Guesde y est pour quelque chose ?

PROCRASTINOS– Il l’est, en effet, dans la création du Parti des Travailleurs socialistes en France, lors du Congrès ouvrier de Marseille de 1879. Mais, tu connais les Français.

BOULÉTAMANTE – Eh bien ?

PROCRASTINOS – Ils se sont vite divisés. En 1881, Édouard Vaillant fonde le Comité Révolutionnaire Central… Tout cela pour qu’en 1902, guesdistes et vaillantistes fusionnent en le Parti Socialiste de France. Jusqu’à l’unification dont je te parlais.

BOULÉTAMANTE – Absolument.

PROCRASTINOS – Maintenant que cela est éclairé, j’appuierais sur le fait que les relations extérieures sont importante pour l’Europe. Ce sera le cas avec les États-Unis, qui interviennent dans les deux guerres.

BOULÉTAMANTE – Il est vrai.

PROCRASTINOS – Or nous ne parlerons aucunement d’une construction politique de l’Europe. Comme tu le sais, elle ne fera ses débuts qu’après 1945, bien qu’une idée européenne commençât à germer auparavant.

BOULÉTAMANTE – Nous ne verrons que la graine, l’arbre plus tard.

PROCRASTINOS – Si tu veux. En tous les cas, il nous faudra aussi aborder la domination de l’Europe, qui connaîtra progressivement un déclin.

BOULÉTAMANTE – J’ai une question. Pourquoi avoir choisi ces deux dates, 1918 et 1945 ?

PROCRASTINOS – 1918, car la Grande Guerre modifie profondément l’Europe. Tout cela mène à sa construction politique, comme tu peux le deviner.

BOULÉTAMANTE – J’essaierai.

PROCRASTINOS – Bien. Pour le moment, il nous est toutefois nécessaire de revenir plus avant la Guerre, et de nous pencher sur la Belle époque. L’on s’accorde à dire qu’elle commença en 1896 pour se finir en 1914, bien que certains historiens optent pour un début en 1900.

BOULÉTAMANTE – D’où peut venir une telle expression ?

PROCRASTINOS – Elle fut créée par les français, après 1918. Elle sera reprise par les historiens : elle désigne tout simplement le temps d’avant la Grande Guerre et d’avant la Vie Chère de 1920.

BOULÉTAMANTE – Mais que rendait cette époque si belle ?

PROCRASTINOS – Sa stabilité. 235 Et puis, il y eut une tendance à l’idéaliser après le carnage : elle offre une impression de paix, c’est un regret profond. Toutefois ce temps n’était pas si idéal, puisque l’Europe colonisait encore, et que, je te le montrerai, il y eut déjà de mauvais moments.

BOULÉTAMANTE – Que s’est-il donc passé ?

PROCRASTINOS – D’abord, l’impérialisme colonial, instauré par la conférence de Berlin de 1885. Le but était de s’entendre sur les modalités d’une conquête de l’Afrique, et sur une certaine idée de droit international et d’égalité – sauf pour les colonisés, or l’on interdit toute traite négrière. Cette conférence n’évita pas les tensions que connut la France avec l’Angleterre, près du Nil, en 1898.

BOULÉTAMANTE – Parle-moi de l’Angleterre. N’était-ce pas cet empire où le soleil ne se couche jamais ?

PROCRASTINOS – C’est cela. Mais la mort de la reine Victoria en 1901 marque la fin d’un certain âge victorien. S’en suivra le déclin progressif de l’Angleterre, au profit des États-Unis.

BOULÉTAMANTE – Tu parlais de mauvais moments.

PROCRASTINOS – J’y viens. Savais-tu qu’en 1904, le peuple Héréro avait été massacré en Namibie ? L’on parle même de génocide : c’était l'une des rares colonies allemande – les allemands connaissaient un retard en matière de colonisation –, et les colons y reléguèrent la population indigène dans des réserves. Mais en 1904, les Héréros se révoltèrent en attaquant les fermes des colons. Comme tu peux l’imaginer, l’Allemagne ne ripostera pas de main morte.

BOULÉTAMANTE – Sacrés Allemands.

PROCRASTINOS – Ils seront en effet extrêmes dans leur réprimande. La répression se teinte de racisme et prend une allure de génocide : on assiste à des exécutions de masses, ainsi qu’à des déportations dans le désert ; mais ce n’est pas tout. On crée aussi des camps de travaux, de concentration : par conséquent, sur les 80.000 héréros qui peuplaient la Namibie, il n’en restera plus que 15.000 en 1911.

BOULÉTAMANTE – Ce n’est pas seulement de la violence coloniale… C’est de la violence raciste.

PROCRASTINOS – En effet. Et n’oublions pas la guerre qui opposa la Russie au Japon en 1904-1905. La Russie, puissance « blanche », sera battue par un peuple « de couleur » : inversement de la situation, c’est à dire de la soi-disant puissance de l’homme blanc européen. Cette guerre sera connue partout en Europe, jusque dans les écoles les plus reculées, comme le montre Grenadou, paysan français, un ouvrage d’histoire orale. Le traité de Portsmouth en septembre 1905 mettra fin à la guerre, grâce à la médiation de Théodore Roosevelt – comme brèche à l’isolationnisme américain, nouvelle brèche à la conférence d’Algésiras en 1906.

BOULÉTAMANTE – Cela nous rapproche bien de la Grande Guerre.

PROCRASTINOS – Absolument. Nous quittons la Belle époque pour plonger dans le conflit mondial en 1914.

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