Le papier cadeau brille d’un beau vert émeraude. Je le déchire fébrilement et découvre alors un album cartonné avec un nourrisson rondouillard en couverture. Tenant le présent presque à bout de bras (genre ʺmon Dieu où lâcher cette bombe? ʺ) je murmure médusée :

— Qu’est-ce que c’est ?

— Un livre pour trouver un prénom au bébé ! s’exclame ma belle-mère visiblement ravie.

— Oui, mais…euh, je ne suis pas enceinte…

Un instant j’ai quand même envie de vérifier.

— Je sais et je pense qu’à trente et un ans, il est plus que temps d’y réfléchir. Je crois donc ce cadeau tout à fait approprié. Prenez-le comme un encouragement pour me donner un petit-fils ou une petite fille.

Belle-maman éclate d’un rire amusé (que pour ma part je trouve strident) et ajoute :

— Je ne souhaite pas être grand-mère trop tard.

— Ou pas du tout, ne puis-je m’empêcher de penser.

Je lance un regard insistant vers Greg qui traîtreusement tourne la tête, l’air goguenard. Tu parles, il est ravi lui. Il n’aspire qu’à pouponner. Je souris à ma belle-mère (ou plutôt lui montre les dents dans un paroxysme de sourire) et attrape le paquet suivant venant de la cousine de mon cher et tendre. Sophie, une belle blonde de vingt ans, travaille en crèche et rêve d’élever une équipe de football (grand bien lui fasse, surtout si ses marmots ont le caractère de certains joueurs de l’équipe de France). Je secoue le colis espérant qu’il n’est pas piégé. J’entrevois le logo Naf-Naf et pousse un soupir de soulagement.

Une fois Greg et moi seuls à la maison, je me saisis du livre des prénoms que je fourre bien au fond du placard situé dans la chambre d’amis. Je le recouvre de jeux de société jusqu’à ne plus le voir du tout. Cela fait, je me frotte les mains et respire enfin, comme si Harry Potter m’avait délivré d’un coup de baguette magique.

Quelques semaines plus tard

Le front contre la cuvette des toilettes, je n’arrive pas à croire que je passe plus de temps dans cette pièce exiguë que dans ma jolie cuisine aux carrelages bleus.

Les nausées matinales… quelle aventure… tout comme rentrer dans mes jeans taille 38.

La pilule est fiable à 99.9 %.... je confirme !

Greg m’a convaincu de garder l’enfant. Je me suis dit : après tout pourquoi pas ? Peut-être que je mettrai au monde un futur Prix Nobel ou un écrivain qui inventera la suite d’Harry Potter ! Qui suis-je pour priver l’univers, d’un savant ou des aventures du sorcier à la cicatrice ?

Bref, moi, Valentine, je suis enceinte de quatre mois et je déteste ça.

(à suivre)