Quand le chat n'est pas souvent gris...

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Je ne dors pas. Mon sommeil est inversement proportionnel à celui de ma mère. A la manière de mon chat, elle s'éteint plusieurs heures par jour et par nuit, moi, je reste aux aguets !

Enfant, déjà, j’avais du mal à m’endormir et pouvais parler des heures durant avant que le sommeil ne me happe par surprise. J’étais parfaitement incapable de désirer le sommeil que je pressentais dangereux, je craignais sans doute ce cauchemar monstrueux qui hantait mes nuits sans que je ne puisse jamais l’appréhender. Des sons violents, comme des vrombissements venant des quatre coins de l’espace dans lequel je me situais, une lumière aveuglante et rien d’autre à part cette hideuse panique coincée dans mon estomac qui me réveillait, hurlante, transpirante, pétrifiée par l’haleine fétide de ce cauchemar. Certaines nuits, je ne parvenais même pas à crier tant l’angoisse était forte. Je me suis demandée beaucoup plus tard si ma naissance difficile n’était pas la cause de ce rêve récurent. D’après ma mère, l’obstétricien avait très envie de partir en weekend end. A dix-huit heures, constatant que je baguenaudais en route « j’y vais, j’y vais pas, aujourd’hui peut-être, demain sûrement… », il avait endormi ma mère, chassé mon père de la chambre, s’était armé de forceps et m’avais délogée manu militari de mon cocon . Contrainte et forcée j’avais émergé du ventre maternel aussi bleue qu’un ciel d’orage, la tête déformée et beuglant comme un veau qu’on écorche d’après les souvenirs auditifs de mon père. Il y avait un peu de ça, d’ailleurs.

Quoi qu’il en soit, je finissais par plonger complètement dans une courte nuit mais les lueurs de l’aurore me voyaient bien souvent éveillée avant la maisonnée. J’avais bien tenté de m’endormir avec un ours en peluche ou une poupée essayant de me persuader que la tendresse éloignerait les monstres de la nuit, je les retrouvais invariablement par terre, cul par-dessus tête et c’était un déchirement pour moi. Je me sentais honteuse de ne pas savoir aimer et prendre soin de ces compagnons d’infortune.

Plus tard, à l’adolescence, la fuite du sommeil et la fuite dans le sommeil se sont confondus : j’avais toujours autant de mal à le trouver, au matin cependant, je ne voulais pas ouvrir les yeux. Tous les adolescents sont des insomniaques le soir, et des marmottes le jour et je n’échappais pas au stéréotype ! Ah les réveils à midi, quand le soleil tape sur les vitres de la chambre, qu’une miette de soleil vous chauffe la nuque, les longues minutes à s’étirer en observant le plafond avec l’attention ou à se pelotonner pour grappiller avec délectation quelques minutes encore de ce plaisir sensuel bien que parfaitement innocent !

Les matins d’école étaient douloureux, je repoussais tant le moment du lever que je finissais par m’habiller dans le lit pour conserver un peu de la douce chaleur nocturne pour qu'elle m'accompagne toute la journée.

Aujourd’hui, comme lorsque j’étais enfant, je ne dors pas. Quelques heures volées à l’inquiétude, quelques instants d’apaisement et la ronde de mes pensées reprend, parfois même au tout petit matin, alors que je suis encore couchée.

Je refuse pourtant de prendre des somnifères, de m’anesthésier . Je préfère regarder la vie en face.

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