Ralentir

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Je fais des navettes jusqu’à la chambre de Maman, pâle, les yeux clos ma mère respire à peine. La chatte lovée contre ses jambes l’accompagne dans son sommeil. Le drap vieux rose, met le jaune de sa peau de brune bien en évidence.

Depuis son retour de l’hôpital, j’ai peine à la reconnaître. Lasse, si fatiguée que lever la fourchette à la bouche lui arrache des soupirs, elle semble résignée à vivre au ralenti. Les médecins lui donnent un anxiolytique qui l’assomment complètement. Elle, si virulente il y a peu contre toutes les drogues qu'elle s'admnistre elle-même, accepte sans mot dire cette petite pilule bleue et blanche qui la plonge dans une espèce de torpeur sans rêve.

Angèle lui a enfin écrit un petit texto pour lui dire qu’elle allait être opérée du nez puisqu’elle est tombée et s’est méchamment cassé le nez. De toute façon, ma sœur ne contacte les gens que pour leur raconter des drames, les plus horribles possibles, quitte à noircir la réalité. Elle vit pour le récit, pour l’apparence, pour la tragédie. Je me laisserais bien aller à une petite vengeance personnelle du type « juste retour des choses », ou le fameux « bien fait pour elle » cher à l’enfance ou encore le « elle ne l’a pas volé » jeté par ma mère, lorsqu’enfant nous nous étions fait mal après avoir désobéi.

J’écarte vite ce sentiment aussi fort que je le peux : c'est répréhensible de se réjouir de son malheur malgré celui dont elle est responsable ces jours-ci... C’est difficile…. Il revient, dès que je n’y prends pas garde, costaud comme un haltérophile surentrainé ! Alors, la culpabilité montre son nez et j’encourage ma mère à l’appeler pour avoir de ses nouvelles, pour qu’Angèle constate que sa mère l’aime puisqu’elle pense à elle. Je sais pourtant que rien ni personne ne la consoleront d’avoir été cette enfant battue, fatigante, et rebelle, certes mais avide de chaleur maternelle comme nous l’étions toutes les trois. Je ne connais pour l'heure que ce moteur : constater l'affront, en vouloir terriblement à mon bourreau, le vouer aux gémonies et réparer inlassablement le désir de vengeance. .

Si fragile ma mère après avoir été si dure ! Le contraste est saisissant à l’image de mes émotions. Effectivement ma mère est incontestablement plus douce, plus tendre même parfois. Elle a le « je t’aime » facile, les remerciements toujours à la bouche, elle me regarde avec une humidité moelleuse dans les yeux. Je suis partagée entre l’envie de la prendre dans mes bras pour la consoler et le désir de la houspiller pour enfin reconnaître cette mère toujours impatiente qui me tançait sévèrement d’un « cesse ta sensiblerie » lorsqu’elle considérait que je m’apitoyais trop sur mon triste sort.

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