Numéro trois

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La troisième fille, brune, petite, intelligente et jolie (au moins à mes yeux de sœur) est maladive depuis l’enfance. Anorexique à six ou sept ans, elle traîne une mine désespérée à longueur d’années et de mois, toujours persuadée que la terre entière lui en veut, en colère depuis qu’elle est née. Petite fille, elle prenait un malin plaisir à gratter ses blessures jusqu’à se faire saigner mais… toujours devant témoin ! Je me souviens de l’écœurement et de la douleur physique que cela déclenchait toujours chez moi et de ses rires satisfaits ? gênés ? Je ne saurai dire à l’heure actuelle. A ce moment-là j’avais l’impression qu’elle en était plutôt contente.

Sa relation à moi, c’était construite sur un mélange de soumission, agression. Soumise, elle l’était lorsque, la nuit venue, je l’empêchais de dormir en lui parlant des heures. J’ignorais que j’étais alors sujette aux crises d’angoisse et parler, parler, parler était ma seule manière d’expurger ce qui m’étreignait alors. Agressive, elle le devenait le soir sur des sujets généralement anodins comme une couleur, une idée… Elle pouvait alors me percuter violemment et refusait tout compromis ‘tu penses comme ça, moi comme ça, n’en parlons plus ». Impossible. Moi, je n’arrivais pas à m’endormir tant qu’elle m’en voulait. Elle ne lâchait rien et s’endormait tranquillement insensible à ma douleur.

Plus tard, en grandissant, elle a continué d’alterner cet étrange « amourhaine ». Elle pouvait venir s’installer chez moi longtemps au plus fort d’une crise avec un compagnon ou me fuir comme une pestiférée sans la moindre explication. La première fois qu’elle a agi ainsi, je l’hébergeais depuis des semaines lorsque je lui ai demandé de ranger un peu ses affaires dans l’entrée de la maison. Celles-ci, éparses, obligeaient les visiteurs à enjamber des paquets de vêtements. Elle a tout remballé sans mot dire, elle est partie, je ne l’ai pas revue pendant plusieurs mois. Ce processus s’est réitéré à plusieurs reprises sans que je n’y comprenne rien. Je restais seule avec mes questions, incapable de comprendre ce qui motivait ses fuites rageuses.

J’ai entendu pour quasiment chacun de ses compagnons, qu’ils étaient jaloux de mon influence sur elle et même que certains voyaient en moi « la partie négative » de sa personne. Comme si nous étions elle et moi qu’une seule personne dont la partie sombre serait incarnée dans ma personne et la zone lumineuse et charmante en elle !

Comme avec ma première sœur, je pardonnais ces accès de violence à chaque fois me sentant confusément coupable d’une chose que je ne savais pas nommer.

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