Pourquoi faut-il que le destin s'amuse à jouer avec mes nerfs et à les maintenir sous tension sans me laisser une once de répit ?

Ce repas est un véritable fiasco. Incapable de contrôler mes émotions, je me suis montrée puérile avec Guillaume. J’étais complètement à côté de la plaque durant nos conversations avec Nathan. Qui lui, s’est aussi montré distant. Il m’a pourtant tenu la main sous la table, sans la relâcher une seule fois. Mais cette froideur sur son visage ne lui ressemble pas. Mon comportement aurait-il déclenché une série de doutes dans son esprit ? Une tempête de questions se forme dans ma tête.

Craintive, je ne peux m’empêcher de laisser Coralie seule et de le rejoindre à la caisse, tandis qu’il paie le repas. Je veux savoir ce qu’il se passe. Cette tension est en train de m’achever. Je m’approche de lui comme un animal craintif et demande hésitante :

- Qu’est-ce qu’il ne va pas?

- Tout va bien.

Son ton est sec, je n’aime pas cette atmosphère. Il se passe quelque chose. Je le sens. Que ce soit entre lui et moi ou concernant son meilleur ami. Nathan récupère sa carte qu’il range brutalement dans son portefeuille sans daigner me regarder. Je tente un geste affectueux envers lui mais il est aussitôt balayé. J’attrape sa main balante mais il me la refuse. Pourtant j'insiste :

- Je t’en supplie dis-moi ce qu’il se passe!

Rien que l’attente de sa réponse me met la boule au ventre.

- J’ai juste besoin de réfléchir.

Il se retourne et part sans un regard, sans un autre mot. Mes yeux brillants sont sur le point de déborder, une larme s’échappe. Je l’efface instinctivement. Je ne veux pas pleurer ici et devant Coralie. Je mets donc quelques secondes avant de me retourner et de la rejoindre. Le temps nécessaire pour ravaler mon angoisse.

- Tu veux qu’on reporte notre sortie ?

Je sursaute et observe Lili juste à mes côtés. Compréhensive, elle passe une main dans mon dos comme une amie le ferait en guise de soutien. J'acquiesce en hochant la tête puis elle ajoute :

- Je te ramène chez toi, viens.

Je la suis jusqu’à la voiture, monte et attends qu’elle mette le moteur en route. Je ne dis mot durant le trajet. J’observe le paysage en pensant à Nathan.

Un coup de volant brutal me sort de ma léthargie. Je pense d’abord à un début d’accident. Je regarde la route mais Lili n’évite aucun véhicule. Elle semble faire demi-tour. Mais ? Ce n’est pas le bon chemin.

- Tu vas où?

- Pardon ! Pardon ! Mille fois désolée mais je ne peux pas rester sans rien faire…

Un dernier virage, puis Lili rentre dans une propriété. Roule jusqu’à la fin du chemin en gravier et se gare face à la porte d’entrée.

- Qu’est-ce que tu fais ? Coralie réponds moi! lui crié-je affolée.

- Nous y voilà!

- Où sommes nous?

Mon corps se raidit tant je suis sur la défensive.

- Chez Guillaume...

Malgré son calme apparent, la gêne est lisible sur son visage. Elle anticipe probablement ma réaction.

- Pardon ? Mais pourquoi ?

Je déglutis et je me rends compte que j’ai les mains moites. Mon coeur palpite beaucoup trop vite. La colère gronde en moi devant le comportement de Coralie.

Mais pour qui se prend-t-elle ?

- Je sais tout, Aline. Sur toi et Guillaume.

Les mots me manquent. Je n’arrive pas à y croire. Impossible de décolérer, je lui demande:

- De quel droit me fais-tu venir ici ?

- Je suis vraiment désolée, Aline, mais il y a un problème à résoudre. Et pour ça, la communication est de rigueur.

- Rien ne justifie notre venue ici ! Tu ne peux pas me forcer à le voir, Coralie.

Ce qui s’est passé entre Guillaume et moi ne la regarde absolument pas. Meilleure amie ou pas! Je n’accepte pas sa réaction. Je viens de me faire piéger et je suis furieuse de n’avoir rien vu venir.

- J’ai vu vos réactions à table. Toute cette tension doit descendre avant que Nathan ne découvre la vérité. S’il ne l’a pas déjà découvert...

- J’ai l’intention de tout lui dire ce soir.

Ou dans le pire des cas, lui confirmer les doutes qu’il semble avoir depuis le repas. Il sera en colère mais je suis sûre qu’il me pardonnera.

- Tu vas faire une grosse erreur, m’interrompt-elle.

- Je ne veux plus lui mentir !

- Ne lui dis rien. Et même s’il a des doutes, nie tout en bloc ou ça se retournera contre toi. Si j’ai un conseil à te donner, c’est bien celui-là !

Même si Coralie parle avec assurance, je pourrais presque entendre de la peur dans sa voix. Elle lâche un soupir, le coeur lourd, puis enchaîne de plus belle :

- Tu ne connais pas suffisamment Nathan. Tu ne peux pas réaliser l'ampleur de ce qui t’attend si tu lui avoues avoir coucher avec Guillaume et ce, bien avant votre rencontre. Il est orgueilleux, jaloux et surtout très rancunier.

Je reste de marbre face à son discours. Pour moi il n’a aucune valeur. Le portrait qu’elle me peint n’est absolument pas l’image tendre que j’ai de Nathan. Elle semble pourtant effrayée par sa réaction.

- Nathan n’est pas du tout comme ça ! Il comprendra, j’en suis convaincue !

- N’en sois pas si sûre ! Votre relation débute. Son comportement s’adapte à ses objectifs, mais…

Sa respiration se saccade, elle pose une main sur son ventre pour se calmer et lève son regard vers moi. Elle continue :

- Il te renverra le double de ce que tu lui auras fait !

Je ne veux pas la croire. Il m’est impossible d’admettre autre chose que la sincérité de Nat. Penser autrement reviendrait à mettre en doute ses sentiments envers moi. J’ouvre subitement la portière de la voiture pour prendre un peu l’air. J’ai besoin de respirer. Je me lève et appuis mon dos contre le véhicule. Je prononce froidement :

- Tu dis ça car tu ne l’as jamais apprécié ! J’ai bien remarqué que tu gardes tes distances avec lui. Mais je ne peux pas accorder de crédit à ce que tu dis, Coralie !

Son insistance et sa mise en garde m’interpelle. Et si c’était Lili qui était jalouse ? Cette froideur envers lui ne cacherait pas autre chose de plus profond ? Elle sort de la voiture à son tour et s’approche de moi.

- Pense ce que tu veux, je t’aurais prévenue, capitule t-elle. Mais il y a une chose bien plus importante que tout ça…

Je l’observe en attendant la suite de sa phrase. Elle désigne du regard la porte d’entrée de la maison. Puis elle ajoute :

- Si tu tiens réellement à Nathan, à ton couple, mets les choses au clair avec Guillaume. Votre comportement d’aujourd’hui démontre bien que ça ne va pas.

Je pensais que tout avait été dit lors de notre discussion au café, mais peut-être que Coralie a raison sur un point, il me faut apaiser cette colère envers Guillaume pour le bien de tous. C’est le coeur battant à tout rompre que je m’avance, silencieuse, vers l’entrée.

Main levée, je frappe. La porte s’ouvre et pour couronner le tout, un souvenir de cette nuit vient brutalement m’envahir...