Guillaume

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Un silence pesant s’installe autour de la table. Nathan se lance en premier. Il me pose des questions concernant l’agence et je lui réponds. En retour, je demande des nouvelles de ses parents, ils vont bien…

Pourquoi j’ai l’impression que personne ne se sent à sa place ici ? On se renvoie tous la balle au jeu des questions cordiales. Nous faisons notre choix à tour de rôle, sauf Aline, le regard perdu dans le vide.

Je souris intérieurement. Malgré la peine et le désarroi qui décident de prendre la pleine possession de mon esprit, mes lèvres s’étirent. Aline est aussi paumée que moi.

Bon sang, cette situation aurait dû être tellement plus simple, si dès le départ nous avions dit à Nathan que nous nous connaissions. Tout cela aurait été moins douloureux, en dehors de mon attirance pour elle qui m'est impossible de nier. Mais c'est Aline qui distribue les cartes en voulant vivre dans l'omission. Me voilà irrémédiablement embarqué dans cette grosse mascarade. Nathan la sort de sa léthargie, il lui demande:

- Tu as fait ton choix ?

Elle cligne des yeux et répond:

- Choisir quoi ?

Entre lui et moi peut-être ?

- Ton plat ! Tu es sûre que tout va bien ?

Elle sourit à son petit-ami et le rassure:

- Oui ! Je vais prendre une salade.

Elle choisit la facilité…

- Laquelle ? lui demande la serveuse afin d'accélérer le mouvement.

Aline prend le menu que lui tend Nat et le survole :

- La Caesar s’il-vous-plaît.

Elle prend la première de la liste !

La serveuse me jette un regard en coin en écrivant sur son petit cahier noir, puis me sourit en retournant en cuisine. J’ai fait mouche semble-t-il. Le repas nous est servit pendant que Coralie s’adresse à Aline :

- Tu serais partante pour une après-midi entre filles après le repas ?

- Je ne sais pas trop. Nat voulait qu’on aille au ciné.

Elle scrute ce dernier pour obtenir son aval. Coralie est lancée, elle continue en regardant Nathan :

- ça nous permettrait de mieux nous connaître, et puis j’ai besoin de me racheter des vêtements de grossesse, Aline pourrait me conseiller...

- Oui ! Oui ! C’est bon j’ai compris Coralie, l’interrompt-il irrité.

Il se tourne vers sa petite amie et continue :

- Si tu veux y aller ma chérie, vas-y.

- Tu es sûr ?

Il prend sa main qu’il embrasse avec affection puis répond :

- Certain ! Et puis, on se verra ce soir…

Nathan fait dans la niaiserie et les sous-entendus mielleux. Tout ça pour une simple question ! C’était pas plus court de répondre par oui ou par non ? Je n’ai plus d’appétit mais je pioche dans mon assiette malgré tout, je mange mes émotions ! Dès que mon assiette se vide, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche.

Alléluia ! Je vais profiter de ce coup de fil pour me barrer. C’est Dorian. Je crois qu’il n’est jamais aussi mieux tombé ! Je réponds enjoué :

- Salut ma belle !

- Heuuu salut à toi aussi beau gosse! répond Dorian surpris.

Ça promet!

- Comment vas-tu?

- Et bien puisque tu me le demande ça va plutôt pas mal ! J’avais un début de gastro avec les désagréments qui vont bien, mais tout est rentré dans l’ordre !

- Ah, et tu portes quoi ?

Je tente de couper court à ce supplice par une autre question mais c’est sans compter sur sa répartie légendaire :

- Un short en coton de couleur grise et j’ai mis mes gros chaussons homer simpson jaune pétard! Je suis prêt pour un marathon Netflix en gros, pourquoi ?

Je m'interdis d’avoir l’image de Dorian torse nu en chausson. Il faut que je sois crédible et rire comme un gosse, face à ses conneries serait contradictoire avec ce que je veux laisser paraître. Je réponds sérieusement :

- Oh, ce genre de petite tenue mérite toute mon attention !

- J’ai compris, tu veux que je rappelle plus tard ?

- Je suis très occupé ces derniers temps mais je peux faire un effort pour toi !

- Non mais je vais vraiment te laisser mon guigui...

- Oui, garde tes jolies lèvres pour ce soir sauf si tu veux que je passe maintenant ?

Je lance une perche pour quitter la table mais il fait rater mon plan :

- Non, c'est bon on se rejoint au Mango ce soir !

- A ce soir ma belle !

- Au fait, ça fera vingt euros, comme la dernière fois! Allez bisou mon chouuuuuuuuu.

Le saligaud! Il me raccroche au nez en plus. Je me mets à rire en posant le téléphone, il va me le payer! Enfin c’est plutôt moi pour le coup... Je n’ai pas le temps de lever les yeux que Nathan lance les hostilités. Il me questionne les dents serrées :

- C’était qui ?

- Tu ne la connais pas .

En quel honneur se permet-il de me demander des comptes ? J’attrape lentement mon verre d’eau et maintient son regard avec défi. Il ajoute réprobateur :

- Pff, reste t-il encore une fille dans cette ville qui n’est pas encore atterri dans ton lit ?

Lili s’interpose avec hargne et rétorque:

- Oui ! Moi et Aline !

Je manque de m’étouffer. Vraiment. La gorgée que je viens de prendre me remonte directement par le nez. Bordel ça pique ! Malgré la situation et ma quinte de toux, le peu d’air que j’arrive à récupérer dans mes poumons ressort aussitôt en un fou rire inévitable. Lili, ma petite lionne, vient d'enclencher le mode défense maximal. Finalement le coup de téléphone de Dorian m’aura juste servi à mettre le bazar autour de cette table.

Mais il y en a une autre nous surprends tous et réplique avec la même défensive que Coralie :

- Encore heureux ! De toute façon, les hommes comme toi, ne m'intéressent pas.

- Les hommes comme moi ?

J’arque un sourcil surpris et attends sa réponse. Va t-elle faire comme son cher et tendre et me juger par les apparences trompeuses ? Surtout que son petit ami est loin, bien loin d’être un saint.

- Oui, ceux qui écartent des cuisses sur leur passage !

Allez, prends-toi ça dans les dents Guillaume.

C’est un prêté pour un rendu. Aline vient de réciter la phrase que je lui avais sortie au café. Même si je sais que ce n’est qu’un juste retour des choses, mon coeur se serre. Je ne suis pas du tout ce genre d’homme. J’ai certes commis quelques erreurs, mais je ne pense pas être un queutard irrespectueux pour autant. Il nous faut vraiment désamorcer cette bombe autour de la table avant que les dégâts ne soient sans retour. Nathan est le premier à agir:

- On va s’arrêter là pour aujourd’hui. Je vais régler !

Il se lève d’un bond et s’éloigne vers la caisse. Je conclus :

- Parfait, je peux donc vous laisser !

J’embrasse Lili et quitte le restaurant sans un mot ni regard pour Aline. C’est bon, j’ai eu ma dose pour la journée, et ma fierté me supplie de garder le peu d’honneur qu’il me reste, intact! Je prends la route et rentre chez moi avec la tête qui bourdonne. Je réalise que mon amitié avec Nathan se tiraille une fois de plus. Sa jalousie maladive n’a toujours eu aucune limite.

J’ouvre une bière et me dirige vers la véranda. Je m'assois et tente de faire le vide dans ma tête tout en observant le paysage verdoyant qui m’est offert. Inspire, expire. Inspire, expire.

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