Guillaume

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William Shakespeare a un jour écrit : Gémir sur un malheur passé est le plus sûr moyen d'en attirer un autre.

Depuis un an, je me morfond sur toutes mes erreurs. Mon esprit s'amuse à mélanger plusieurs sentiments contradictoires, destructeurs, avec lesquels j'ai appris à vivre. Mais ils me rendent pourtant incapable d'arriver à faire la part complète des choses. Ce comportement m'a donc attiré un autre malheur.

Me voici face à ma meilleure amie qui, par mon absence et mon mutisme face à ses questionnements, a décidé de mener sa propre enquête. Lili ne réalise pas ce qu'elle vient d'entreprendre et encore moins les dégâts qui en résulteront. Je reste impassible en apparence mais intérieurement, je bouillonne.

- Puisque je n'arrive pas à te faire cracher le morceau, j'ai décidé d'obtenir certaines réponses moi-même ! m'explique Lili.

- Il n'y a rien à savoir ! Merde !

Je m’en veux d’être si froid avec elle.

- Oh non, Guillaume, pas à moi ! Tu as vu cette mine de déterré que tu as ? Il se passe quelque chose je le sens...

- Lili…

- Tu peux berner qui tu veux mais pas moi ! Tu oublies toutes ces années passées ensemble? Je te connais mieux que quiconque.

- Bon sang, Lili…

D’un geste de la main, elle me coupe de nouveau la parole :

- Dés que tu t'es retrouvé face à Aline, ton corps t'a trahi ! Tu avais la tête baissée, les mains crispées. J'ai tout de suite compris que tu cherchais à fuir quelque chose ou quelqu'un !

- Il n'y a rien…

- Après ton départ, elle m'interrompt une fois de plus, Aline s'est comportée étrangement. Elle a pris ses distances avec Nathan et paraissait comme ailleurs.

- Lili...je…

- Attends, punaise, je n'ai pas fini !

Je n'arrive pas à en placer une. Rien que de repenser à cette journée, mon bas ventre se tord. Coralie continue de plus belle :

- Deux théories me sont venues à l'esprit. La première, c'est que vous vous connaissez. La deuxième est que vous avez simplement flashé l'un sur l'autre, comme une sorte de coup de foudre instantané. Mais si je mets tout bout à bout ça donne une phrase du style: vous vous connaissez car vous avez couché ensemble. Je chauffe ?

Elle ne peut pas être plus près de la vérité ! Je plie sous le poids de son insistance mais surtout sous celui de la douleur ressentie ces derniers jours :

- S'il te plaît, ne dit rien à Nathan !

- Oh, Guillaume, dans quel bourbier t'es tu encore fourré ? me demande-t-elle dépitée.

Sans pouvoir respirer convenablement, j’enchaîne une série d'explications, comme par besoin. La confession est inévitable. Nécessaire.

- Je l'ai rencontrée bien avant Nathan. Une nuit... Il n'y a eu qu'une seule nuit. Rien d'autre. Je te jure que je ne ferais pas de conneries ! Aline et Nathan sont ensemble, et moi, je saurai rester à ma place.

- Ce n'est pas pour ça que je me fais du souci. Vous n'avez strictement rien fait de mal. Moi je m’inquiète pour ton petit cœur...

- Ne t'en fais pas pour lui !

Je marque une pause pour inspirer afin de ne rien lâcher. Ni sanglot. Ni douleur. Je rajoute tristement :

Il s'est arrêté de battre en même temps que celui de Laura !

- Je me lève, décidé à en finir :

- Je te laisse trouver une excuse pour mon absence.

- Attends…

J’ai besoin de fuir, de m'isoler pour aller souffrir en silence. Mais en me retournant, mon Karma me rattrape tel un putain de braconnier désirant obtenir une denrée rare: ma santé mentale. Nathan se trouve à l'entrée du restaurant, main dans la main avec Aline.

- Fait chier !

Je me rassois automatiquement face à Lili afin de me mettre dos à l'arrivée du couple maudit. Elle m'observe tristement puis pose un regard noir vers Nathan, qui se dirige vers nous. Tout en continuant de le fixer, Coralie s'adresse à moi avec discrétion :

- Guillaume, Aline mérite beaucoup mieux. Nous savons très bien comment va se terminer cette histoire...

Lili n’a jamais porté Nathan dans son cœur. Ça a toujours été ainsi. Elle ne lui a jamais laissé une véritable place dans sa vie. Ni lui d'ailleurs. Il y a toujours eu une distance imposée entre ces deux là. Plus les années ont passées, plus leur incompatibilité de caractère devenait visible.

- Salut la compagnie !

La voix de Nat s’impose dans mon dos. Je reste toujours assis, figé sur ma chaise. Une vague d'air frais, allié à un parfum subtilement fruité, s'accroche à mes narines. Je reconnais très bien cette senteur puisqu'elle s'est posée sur mes draps…

Allez, Guillaume, reprends toi ! Reste digne et simule ton bonheur aux yeux du monde...

Je me lève et me retourne en affichant un sourire de façade. Celui pour lequel je suis doué. Je me prépare pour incarner le rôle du meilleur acteur masculin de l'année. Rôle pour lequel je semble exceller. Je tends la main vers mon ami :

- Salut.

Rien de plus, rien de moins que ce simple mot. Mes yeux se posent ensuite sur ce visage d'ange. Une fureur indescriptible luit dans son regard. Ce dernier ressemble à un revolver chargé, prêt à tirer, et pointé sur une cible bien précise… moi. La juste conséquence de mes paroles assez dures envers elle. Restons prudent ! Elle me renvoie la politesse :

- Bonjour...

Tout le monde se rassoit. Sauf Lili, spectatrice directe de la scène, qui tente d’alléger l'ambiance qu'elle a elle-même créée. Elle se racle la gorge et prononce doucement :

- Bon, on va pouvoir commander, le bébé à faim.

Elle s'en veut, je le sens rien qu'à sa voix, à son regard.

- Je peux le toucher ?

Sous le regard plus que surpris de Nathan, Aline en profite pour poser cette question. Lili acquiesce avec fierté en s'engouffrant au fond de sa chaise. Lorsqu'elle pose ses petites mains sur ma filleule, un magnifique sourire s'affiche sur son visage ébahi :

- Oh ! Il a bougé ! C'est trop chou.

- Elle !

- Quoi ?

Interrogative, Aline se tourne vers moi. Je lui explique :

- C'est une fille...

- Ne l'écoute pas, m'interrompt Lili. Il est persuadé que c'est une petite princesse.

- A ce stade de la grossesse tu devrais déjà le savoir, non ? demande Aline.

- C’est moi qui ne veut pas connaître son sexe avant l’accouchement, répond Lili assez fière de son choix.

Le regard d’Aline sur moi ne faiblit pas. Elle me provoque. Et bordel, j’ai l’impression d’aimer ça.

- Et bien moi, je suis sûre que c’est un garçon, tu le portes haut. Et c’est typique chez les femmes enceintes. Quand c’est une fille, le ventre est plus bas.

- C’est une fille et j'en mettrais ma main au feu ! On ouvre les paris ?

Je mets toute ma détermination dans cette phrase. Je la défie de me contredire.

- Ça sera sans moi ! Je n'ai pas besoin de faire un pari pour donner une contenance à mes propos.

Bim ! Le ton d’Aline est si glacial qu’ici même, à cet instant précis, je pense très sérieusement tenter une nouvelle tentative de fuite. Après tout, on dit bien jamais deux sans trois ?

Oh je le sens mal, ce repas va être long, très long...

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