Guillaume

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- Où est ma petite femme ?

Je pénètre dans notre appartement le sourire aux lèvres.

J'avais raison concernant sa rémission. Depuis notre mariage il y a déjà deux ans, Laura s'est totalement ouverte au monde, elle s'est épanouie. Je l'ai vu sourire de bonheur lors de notre voyage de noce en Corse. Enjouée lors de nos balades dominicales en moto.

Je la cherche dans différentes pièces et la trouve dans notre chambre. Elle est assise face à la fenêtre qui donne sur un joli jardin communal. Accoudé au chambranle de la porte, je l'admire, silencieux. Elle s'est entourée d'un plaid et je ne vois que sa longue chevelure châtain clair, tomber sur les pourtours du tissu bleuté du fauteuil. Mon regard se pose ensuite vers l'extérieur quelques secondes. Les arbres ont revêtu une douce couleur automnale. Laura adore cette saison. Ce n'est pas la première fois qu'elle reste ici, pensive, à admirer ce beau paysage Afin de ne pas briser ce moment de calme, je lui demande à voix basse :

- Tu es prête ?

Ce soir nous allons au restaurant.

- Je... suis désolée Guillaume, répond-elle difficilement.

- Désolée de quoi, mon cœur ?

- Je n'y arrive plus, je... Je suis fatiguée !

L'inquiétude me gagne. Je ne veux pas qu'elle rechute. Je serai capable de tout pour que cela ne se reproduise pas. Son sourire est mon moteur. Je m'avance vers elle et tente de désamorcer son soudain changement d'humeur :

- Si tu ne veux pas sortir ce soir, ce n'est pas grave. On va rester ici. Je vais te cuisiner un bon petit plat !

- J'ai entendu dire qu' une lumière blanche apparaît... lorsque c'est la fin. Mais... C'est faux…

Sa respiration est courte. Elle paraît épuisée. Je m’accroupis.

- De quoi tu parles ?

- Je me sens si bien malgré le froid…

Mon instinct en alerte analyse la situation. J'observe chaque détail qui peuvent malheureusement annoncer ce que mon cœur craint depuis tant d'années. Son visage est d'une blancheur alarmante. Son corps est affaibli, presque amorphe.

- Laura, tu me fais peur. Que se passe-t-il ?

Je me rapproche encore plus près d'elle et tente de capter son regard perdu dans le vide. Ses paupières se ferment soudainement et sa tête perd sa tonicité. Son buste se penche vers le bas et je la rattrape de justesse.

- Laura ! Laura ! Réponds-moi !

Je la secoue mais aucune réaction. Son corps est d'une chaleur fiévreuse, humidifiant le plaid dans lequel elle s’est enroulée.. Je ne comprends plus rien. Je continue de la secouer pour qu'elle réagisse mais elle reste inconsciente. C'est lorsque j'observe mes mains ensanglantées que je réalise l'ampleur du drame.

- Non, non ! Laura tu n'as pas fait ça !

Je dégage son corps du tissu. Le sang s’écoule le long de ses bras. Elle s’est ouvert les veines ! Du sang, il y a du sang partout ! Le chaos s’abat sur moi tandis que je réfrène un haut le cœur.

- Laura ! NON ! LAURAAAAAA !

Sa tête tombe en arrière et sa bouche s'entrouvre. D’une main, je prends mon téléphone dans ma poche et appelle les secours.

Mes cris, mes larmes, et son visage inanimé tournent autour de moi comme des ombres néfastes envoyées par l'ange de la mort. Mon âme tombe dans un trou béant. Un vide obscure me guette. Son corps sans vie entre mes bras devient un poids lourd. Si pesant, qu’il deviendra le fardeau de ma vie...

Je serre mon verre de whisky si fort entre mes mains qu’il s'ébrèche et me ramène à ma bien triste réalité. Quelques gouttes de liquide s'échappent lentement des fissures.

La rage est un sentiment si pernicieux qu'il vous gagne avec facilité. Je suis en train de perdre la tête. Je jette violemment mon verre contre le mur en hurlant. Mon visage se rougit de colère. Ma respiration s’accélère. Puis, la rancœur laisse place à la tristesse et je fond en larmes. C'est ainsi que je vis depuis presque un an. Passant par plusieurs palettes de couleurs émotionnelles dès que je repense à Laura.

Mon téléphone sonne et me fait sursauter. J'observe la photo de Lili s'afficher. J'efface rapidement les larmes sur mes joues et inspire profondément pour me calmer. Je réponds sans même réfléchir. Je suis si mal qu'entendre la voix de ma meilleure amie m'est nécessaire. Elle a toujours su capter mon mal-être et le transformer en quelque chose de positif. D'apaisant. Son amitié a été ma thérapie.

Sa voix enjouée me fait tout oublier en seulement quelques secondes. J'accepte son invitation à manger malgré mon état. Passez un peu de temps avec elle me fera du bien et m’aidera à penser à autre chose. Je la rejoins assez vite et entre dans le restaurant. La décoration nous plonge directement dans l'ambiance italienne. Les murs sont peints en vert et les tables sont nappées d’un rouge vif. Un grand tableau représentant la tour de Pise, est positionné sur un pan de mur. Au loin, Lili me fait un signe de la main pour la rejoindre. Tel un automate, Je m'approche d’elle et dépose un doux baiser sur sa joue. Rester seul à cogiter sur le passé ne m'a vraiment pas été bénéfique.

- Je sais que ce restaurant fait appel à tes origines mais je suis certain que tu aurais pu trouver mieux comme endroit!

- Oohhh, monsieur est grincheux ! remarque-t-elle avec ironie.

- Non mais vraiment, la déco est limite...

Je lui adresse un petit sourire et n’obtient pour réponse qu’un haussement de sourcil. Je m’assois tandis que son regard me fixe. Un peu trop d'ailleurs. Ses mains sont savamment posées de part et d'autre de l’assiette et ses doigts tapotent sur la nappe. J'ai l'impression de passer à côté de quelque chose. Je demande alors :

- J’ai raté un truc ?

Elle se met à rire nerveusement et me répond du tac au tac :

- Tu me dois des explications !

Je l'observe toujours dans l'expectative. Elle souffle et reprend :

- La petite scène de dimanche chez Nathan ? Tous mes appels restés sans réponse ? Ça te parle ou non ?

C'est alors que je reviens dans le monde réel. Ma mémoire se rafraîchit aussitôt ! Comme si je venais de recevoir un verre d’eau glacé en plein face. Je repense aussitôt à ma confrontation avec Aline, mais aussi à l'échec de notre rendez-vous au café. Je me suis ensuite replié seul dans ma maison. Un isolement volontaire qui a duré quatre jours. A boire comme un trou et à me morfondre. J'ai évité ma meilleure amie pour ne pas avoir à me justifier mais là, je vais devoir en payer les frais. J’essaie pourtant une dernière tentative de dissuasion :

- Il n'y a absolument rien à dire, Lili. Tout est nickel. J'avais un rendez-vous à l'agence et j'ai dû partir pour...

Je ne finis pas ma phrase. Un détail me saute brutalement aux yeux et je cligne plusieurs fois des paupières afin de confirmer ce que je vois. Merde j'en ai mal au yeux tellement je suis crispé.

- Lili ?

- Oui ? répond-elle satisfaite.

- Pourquoi y a-t-il quatre putains de couverts sur cette table ?

Son sourire m'est adressé avec une belle dose de sadisme. Sa réponse pleine de sous-entendu me fait comprendre que je suis dans la merde !

- J'ai pris la peine d'inviter le couple de l'année...

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