Aline

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Arrivée devant la maison, j’éteins le moteur de la voiture et reste immobile. Les battements de mon cœur ne se calment toujours pas, il m'est impossible de décolérer. Ce rendez-vous m'a perturbée bien plus que je ne veux l'admettre.

Bon sang, j'aurai été prête à lui avouer tant de choses si la tournure de notre conversation avait pris un virage plus tendre, plus amical. Moins dur.

Mais il m'a blessée. Alors que c'est moi qui avait toutes les raisons de le détester ! Il fait partie des causes du décès de mon père ! C'est de sa faute si je ne suis pas rentrée chez moi ce soir-là ! Pourtant autour de cette table, mon instinct et surtout mon cœur, me soufflaient d’être sereine, de me rapprocher de lui.

Si je lui ai demandé de ne rien dire à Nathan c'était dans le seul but de ne pas blesser mon petit ami. Car après m'avoir avoué ses sentiments il y a quelques jours, je ne pouvais pas lui dire ouvertement avoir couché avec son meilleur ami. Et pire, avoir aimé ça au point de vouloir recommencer ! Cela aurait été dévastateur.

Mais de toute façon, il semble que monsieur voit les choses sous un autre angle. Je suis et je n'étais qu'un foutu plan cul !

Mais pourquoi mon cœur a aussi mal ? Pourquoi avais-je besoin d’être rassurée par Guillaume ? Pourquoi je n’arrive pas à retirer de mon esprit tous les souvenirs de notre rencontre, bon ou mauvais ? Les remords concernant la disparition de mon père me reprennent de plus belle. Ma gorge se serre à m'en couper le souffle.

Quelle idiote !

je suis partagée entre l'envie de le détester et le désir de le revoir.

Aujourd'hui, il a fait s’effondrer tous les remparts que j’avais bâtis. En quelques secondes, il a secoué mon cœur et balayé tous mes efforts, tel un ouragan.

Je sors de la voiture et me dirige à l'intérieur de la maison en essuyant une larme. Lorsque je pénètre dans le salon, mes yeux se posent sans raison sur le vieux sol en lino marron que mon père avait toujours refusé de changer. Je m'assois par terre, près du canapé, à l'endroit même où je me suis effondrée, proche de son corps sans vie prise par des souvenirs :

- Papa ! Il est grand temps de refaire un peu la déco de la maison, tu ne penses pas ?

Mon couple avec Devon est en crise depuis quelques temps. J'ai donc décidé de revenir seule en France durant mes congés annuels. Ce changement d'air me fait du bien. Tout comme profiter de mon cher père.

- Tu sais que je ne suis pas doué pour ça, bougonne-t-il par habitude .

- Les tapisseries sont d'avant ma naissance ! le taquiné-je.

- Je les aime bien, moi. Et puis, n’apprécies-tu pas ce qu'il y a d'ancien ? Comme ton vieux père, par exemple ?

J’aime tellement cette force tranquille qui émane de lui. Même dans les moments les plus tristes, il a toujours su tirer partie de ses qualités pour apaiser une discussion ou tirer les choses à son avantage.

- Bien sûr que si ! Et tu n'es pas vieux... On peut faire ça ensemble, j’ai plein d'idées pour rafraîchir la maison. Allez, papa....

- Bon, on le fera pendant tes prochaines vacances, ça te va ? capitule-t-il en souriant.

- L'année prochaine ? Promis ?

- Promis !

Je cligne plusieurs fois mes paupières humides.

Prise d'une frénésie destructrice, je cours vers la cuisine pour y attraper quelque chose de tranchant. J’attrape le couteau le plus aiguisé et retourne dans le salon. Je me baisse vers un des coins de la pièce et déchire brutalement le lino à l'aide de mon ustensile. Je coupe, tire, déchire. A chaque effort, quelques cris de rage s'échappent de mes poumons et s'ajoutent à la peine que je ne peux contenir plus longtemps. Mon souffle se saccade lorsque la poussière vient me fouetter le visage. Le sol mis à nu, je m'attaque ensuite aux tapisseries. Ce besoin d’extérioriser toutes mes émotions devient vital.

Le soleil est déjà couché lorsque je laisse tomber à terre le dernier pan de papier mural. Je recule en silence afin de prendre un moment pour constater les dégâts. J'allume la lumière et reste stoïque plusieurs minutes, près de la porte. Je reprends petit à petit une respiration plus sereine, presque soulagée d’avoir réussi à évacuer ma peine.

- Aline ? lance soudainement une voix.

Prise de cours, je hurle en me retournant.

- Putain, tu fais quoi ? prononce Nathan paniqué en voyant le couteau dans ma main levée.

- Tu m'as fait peur !

Je pose ma main libre sur mon cœur et reprends :

- Je... Je refais la déco !

- Avec un couteau de cuisine ?

L’inquiétude se lit sur son visage.

- Ça peut porter à confusion, mais oui !

Légèrement rassuré, il s’avance lentement vers moi et attrape ma main avec calme. Il bloque l'outil entre nos deux paumes et m'ordonne doucement :

- Donne-le moi ! Tu pourrais te faire mal.

Je desserre mon emprise autour de l'objet qu'il pose sur le buffet à côté de nous. Il scrute la pièce, étonné par tout ce remue-ménage et revient vers moi.

- Dans quel état tu es ?

Il balaie mon corps de haut en bas puis dépoussière mes épaules et remet de l’ordre dans mes cheveux. Surprise par ce geste, je lui demande, curieuse :

- Tu ne devais pas donner des cours de tennis aujourd'hui ?

- Si, c'est ce que j'ai fait ce matin. Mais j’étais inquiet...

- Pourquoi ?

- Tu me poses la question ?

Il se rend compte que je ne comprends pas sa remarque, alors il continue:

- Mes appels et messages sont restés sans réponse toute la journée. Je suis venu voir si tout allait bien... Et quand j'arrive et que je vois ta porte ouverte, j'ai de quoi flipper !

- Je n'ai pas vu défiler la journée…

- Et la soirée non plus, semble t-il !

- Quelle heure est-il ?

- Vingt-trois heures !

- Ah oui, quand-même !

J’éclate de rire lorsque je prends conscience de mon état.

- Tu es sûre que tout va bien ?

Sa gentillesse m'apaise. Nat prend soin de moi. Je pose soudainement mes lèvres sur les siennes avec envie et gratitude. Il me répond chaleureusement. Je me montre plus entreprenante, passe les mains dans ses cheveux et approfondis le baiser. Il gémit et entoure mes hanches de ses bras fermes. Je commence à remonter son tee-shirt lorsqu'il bloque mes gestes avec un mouvement de recul.

- Attends, prononce t-il haletant.

- J'ai envie de toi...

- Moi aussi, Aline, mais... tu m'as dit que tu avais besoin de temps, que tu ne voulais pas précipiter les choses.

- Je sais. Mais là, maintenant, je veux plus. J'ai besoin de plus !

Je l’embrasse jusqu'à le faire céder. Sans un mot, il m'attrape et me soulève. Les yeux dans les yeux, souffle contre souffle, nous rejoignons ma chambre à l'étage. Nos lèvres se scellent et ne se quitteront plus de la nuit.

Ce cap décisif car Nathan est celui qu'il me faut. Son corps contre le mien m’aidera sûrement à oublier Guillaume. Ses baisers sur ma peau dénudée seront peut-être l'antidote dont j'ai tant besoin.

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