Aline

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L’état de stupeur dans lequel je suis bloque chaque parcelle de mon corps. Je n’arrive toujours pas à y croire !

Guillaume. Mon inconnu s'appelle Guillaume !

Dès que mon regard s’est posé sur lui, tout, complètement tout, m’est revenu en mémoire.

Je me suis alors souvenue avec la même intensité de chacune de ses caresses. De ses baisers. Mais sa présence aujourd’hui me ramène surtout à ce triste lendemain. Je me rappelle du toucher froid du corps sans vie de mon père. Des larmes qui inondaient mon visage.

Mon cerveau associe ces deux événements bien distincts en un seul et unique moment. Ce qui le rend aussi coupable que moi dans la mort de mon père. S'il ne m'avait pas séduite, avec sa technique bien rodée, et ramené chez lui, je serais rentrée chez moi à temps. Sans ce beau parleur, ce soir là, j'aurais pu aider mon père. Je ne peux rien y faire, c’est ainsi. La rage prends les rennes de mon cœur. Je le deteste autant que je me déteste.

Pourtant, le timbre de sa voix qui, cette nuit-là, s’était posée sur le creux de mon cou, m’a prise de cours. Il a percuté mon cœur si fort que j’en ai fait tomber le plat que je tenais. Le verre s’est alors brisé, comme tous mes espoirs de rémission.

Je ne voulais pas être ici au départ, j’ai eu du mal à accepter l’invitation de Nathan. Notre relation est bien trop neuve pour des présentations officielles. Mais j’ai accepté alors que mon instinct me soufflait le contraire. J'aurais dû m'écouter.

Guillaume est parti aussi vite qu’il est arrivé et son passage me laisse un goût amer. Perdue dans mes pensées, je réalise difficilement que Coralie et Dorian prennent congés également.

Quoi ? Le repas est déjà fini ?

C’est lorsque les mains de Lili viennent m’entourer avec affection pour me saluer que je sors enfin de ma transe :

- J’ai été ravie de faire ta connaissance, Aline.

- Moi de même, réponds-je avec gentillesse.

Elle se tourne vers la sortie, accompagnée de son frère, lorsqu’un détail important me saute aux yeux. Je m’adresse à Nathan une fois seule dans la pièce avec lui :

- Tu ne t’entends pas bien avec Coralie ?

- Bien sûr que si. Pourquoi ?

- Elle ne t’a pas fait la bise en arrivant, ni en partant.

- Elle n’est simplement pas du genre tactile c’est tout ! répond-il rapidement.

Il s’éloigne vers la table basse pour débarrasser les restes. J’en reste là, obnubilée par une seule personne :

- Et… ton ami ?

Je racle ma gorge et reprends :

- Guillaume, c’est ça ? Vous vous connaissez depuis longtemps ?

Je suis beaucoup trop curieuse. Il faut que j’arrête ça immédiatement. A peine ai-je prononcé ces mots que, dos à moi, Nathan se fige, il me répond avec nostalgie :

- Depuis l’adolescence...

- Vous devez être très proche alors ?

Nat se tourne vers moi. Ses yeux brillants de tristesse se mêlent à son timbre de voix agri :

- Il était marié à ma sœur, nous sommes surtout liés par sa mort.

Il lève ensuite sa tête vers le plafond comme pour contenir un début de sanglot. Je m’approche aussitôt de lui et retire la bouteille qu’il tient dans ses mains. Je la pose sur le meuble le plus proche et vient l’enlacer tendrement.

- J’ai toujours aussi mal, me confie t-il.

- Je suis désolée, je n’aurai pas dû te poser ces questions.

- Tu n’y es pour rien.

- Je suis là si tu as besoin...

Il acquiesce en soupirant de nouveau. Je compatis face à sa tristesse. Nous vivons tous les deux un deuil qui nous a douloureusement marqué. Cependant, même si mon cœur souffre autant d’empathie envers Nathan, je ne peux m'empêcher de me poser des question sur Guillaume et sa vie. La révélation que vient de me faire Nat me perturbe.

Guillaume était marié ? Il est pourtant si jeune. J’aimerais en savoir plus.

Nat relâche notre étreinte. Il recule d’un pas, prend mon visage en coupe et pose son front contre le mien.

- Reste avec moi ce soir !

Sa demande est on ne peut plus sérieuse. Mon trouble est visible. Je déglutis difficilement. Il comprend mon hésitation et continue:

- Je ne veux pas rester seul. On passera la nuit à discuter. Juste discuter, comme on le faisait par téléphone.

Son regard suppliant me fend le cœur. Qui plus est, l’idée de retourner seule chez moi maintenant n’est pas des plus attrayantes. Et puis, je me dois d’être présente pour lui comme il l’a été pour moi à la mort de mon père.

Nous finissons de débarrasser la table et ensuite, Nathan me laisse choisir un film tandis qu’il part dans la cuisine préparer une fournée de pop-corn. Mon esprit me joue des tours.

Je ne pense qu'à lui...

Cette soirée ne sera pas bonne si je ne raye pas Guillaume de mon esprit. Il me faut effacer les souvenirs qui s’incrustent en moi et contrôler cette envie irrésistible d’en savoir plus sur mon amant d’un soir. Mais je dois avant tout, mettre les choses au clair avec lui.

Tandis que Nathan me semble bien occupé dans la cuisine, j’attrape son téléphone et le déverrouille en dessinant un L sur les pointillés, comme je l’ai déjà vu faire à mainte reprise. Je fouille dans ses contacts et trouve enfin ce que je cherche. Je repose le téléphone à l’instant même où il me rejoint, un air satisfait sur le visage :

- Au sucre ! Comme tu les aimes !

Je le remercie et lance le film. Nat s’installe contre moi et passe un bras autour de mes épaules tout en tenant le plat de l’autre. Je pioche dedans, préférant éviter son regard.

Il faut que je fasse quelque chose ! Guillaume ne quitte plus mes pensées. Sans plus attendre, je me lève d’un bond, téléphone en main :

- Je vais aux toilettes !

- Je t’attends, répond Nat en stoppant le film.

- Non, continue ! J’en ai pas pour longtemps.

D’un pas décidé, je m’enferme dans la petite pièce. Mes mains,qui tiennent le téléphone tremblent. J’inspire profondément pour me calmer.

Je tente une bonne dizaine de fois d'écrire une tournure de phrase appropriée et c’est au bout de la onzième tentative que je me force à appuyer sur envoyer :

> Demain matin 10h, je serais au café qui fait angle à la sortie ouest de la ville, avant le rond point. Si tu souhaites discuter, je t'y attendrai. Aline.

La rapidité de sa réponse me surprend. Je comprends alors qu’il doit être dans le même état que moi face à cette journée mouvementée. C’est avec les mains moites que je lis cette petite phrase, courte, qui fait trembler mon cœur:

> J'y serais.

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