Guillaume

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Du haut de mes trente ans, j'ai eu la malchance de connaître un amour endeuillé. J'ai commis des erreurs regrettables et souffert plus que de raison. Mais aujourd’hui, c’est le coup de trop. Tel une cerise avariée placée sur un gâteau empoisonné.

J’ancre mon regard ahuri dans celui d’Aline, mon inconnue. L'effet de surprise est de taille et nous en ressentons mutuellement le cataclysme à venir. La peur sur son visage s'affiche. Elle effectue plusieurs battements de cils pour se reprendre. Puis, elle s'accroupit fébrilement pour ramasser les débris de vaisselle.

- Attends je viens t'aider, intervient Nathan.

Il se précipite vers elle, qui répond complètement déboussolée :

- Je suis désolée Nat ! Je... je ne sais pas ce qui m'a pris.

Elle lui attribue déjà un petit surnom ?

- Ce n'est rien, vraiment !

Il pose sa main sur celle d'Aline afin de calmer son agitation puis continue :

- Laisse, je m'en occupe.

Je reste immobile en les observant tous les deux.

Non, ce n'est pas possible !

Cette situation n'est pas réelle. Je suis sûr que les restes d'alcool dans mes veines me jouent des tours. Non, la raison la plus logique est que je suis en plein mauvais rêve, je vais me réveiller et me rendre compte que cette journée n'a pas encore débutée. Oui, c'est ça !

Qui veut bien me pincer ?

Nathan s'éloigne dans la cuisine les mains chargées. Je suis de nouveau face à Aline. Ma posture fait barrage à Coralie et Dorian qui ne peuvent pas la voir. Elle profite de cet instant pour murmurer une phrase qui, sur ses lèvres, ressemble à un:

- Ne dis rien… je t'en supplie.

Sans protester, je m'approche d'elle le cœur battant, prêt à exploser. J’ai l’impression d’être le roi des hypocrites:

- Je suis Guillaume, enchanté.

- De même, répond-elle assez vite.

Nathan nous rejoint en souriant et passe un bras autour de ses hanches avec fierté. Je me contiens afin de ne pas me décomposer face à cette image assez dure à accepter. Il prononce avec légèreté:

- Alors voilà, le clan est au complet !

- Je suis sûr qu’on va bien s’entendre, ajoute Dorian. Mais je maintiens ce que j'ai dit à mon arrivée, je suis certain de t'avoir déjà vu quelque part Aline, mais je ne sais toujours pas où!

Mince, mince, mince…

Je me rappelle que Dorian était avec moi le fameux soir où je l’ai rencontrée. Bordel, je lui avais même filé un billet pour qu'il me laisse tranquille pour ''parler à la belle brune''.

Est-il possible qu'il s'en rappelle ?

Les minutes qui s'écoulent sont interminables. Mon désarroi me propulse hors du temps mais surtout, hors de mon propre corps. Je suis assis à côté de Lili, Dorian est à ma gauche. Nathan et mon inconnue en face de nous, sur le fauteuil. Ils discutent, je ne les entends pas. Ils s'agitent, je ne les observe pas.

L'oxygène de la pièce se dissout avant même d'entrer dans mes poumons. Ma raison vient de fuir en courant et j'aimerais vraiment que mes jambes en fassent de même. Aline ne parle pas, du moins je pense, car il n'y a que les voix de Nathan et de Dorian qui raisonnent dans ma tête.

Je dois partir !

Ma place n'est pas ici. Tenir compagnie à mon pote et sa petite amie n'est pas envisageable une seconde de plus. Encore moins depuis que certains souvenirs érotiques reviennent me percuter. Je ne peux pas croiser son regard sans que des images d’elle, abandonnée dans la jouissance dansent devant mes yeux. Je ne peux pas non plus rester là, face à elle, sans raviver la vision de son corps nu, allongé sur mon lit.

Je l'ai possédée le temps d'une nuit. Une soirée qui m’a hanté durant plusieurs semaines mais que maintenant j'aimerais oublier. Je suis maudit, j'en suis certain.

Réfléchit Guillaume, réfléchit....

Il me faut échafauder un plan pour fuir sans attirer l'attention. Je m'approche subrepticement de Dorian et murmure avec cette même discrétion.

- Va dehors pour fumer, s'il te plaît !

Il m'observe, interrogatif. Bon sang, il est long à la détente. Mon regard se durcit. Il sourit niaisement, se lève et s'adresse à Nathan :

- Je vais m'en griller une sur ton balcon.

- Je te suis ! ajouté-je en me levant moi aussi.

Lili me questionne contrariée:

- Je croyais que tu avais arrêté de fumer ?

- En effet, mais j'ai le droit d'aller prendre l'air non ?

Ma réponse est froide et je m'en veut. J’esquisse un sourire pour détendre l’atmosphère avant de m’éloigner je rajoute:

- Il semble que je me sois pris d’amitié pour ton frère !

Lorsque j'arrive sur le balcon, je prends mon smartphone et fait mine de téléphoner. La baie vitrée offre une vue directe sur le salon. Je dois rester crédible jusqu'au bout, surtout avec le regard inquisiteur de Lili posé sur moi.

- Qu'est-ce que tu fous, Guigui ? me demande Dorian tout en prenant une cigarette dans son paquet.

- Ça ne te regarde pas et par pitié, arrête de m'appeler Guigui !

Il secoue la tête et doit probablement me prendre pour un cinglé.

- Tu es une véritable énigme.

Je sors de ma poche avec le plus de discrétion possible, un billet de vingt euros et le tend à Dorian qui tire une taffe. Il m'observe en silence, dans l'attente d'une explication.

- Tiens, c'est pour que tu ne cherches pas à résoudre ton énigme !

Il expire lentement la fumée et répond en souriant:

- J'aime de plus en plus ces petits moments entre nous !

Il attrape mon petit pot de vin. Il semblerait que face à l’argent, monsieur soit plus intelligent. Je sais à présent qu'il gardera le silence. Je m'éloigne et retourne auprès des autres dans le salon. Je concentre mon attention uniquement sur Nathan. Je suis incapable de regarder Aline. Si mes yeux se posent sur elle, je vais me perdre dans un abîme sans nom qui causera ma perte.

- Mec, je dois partir, la décoratrice vient de téléphoner, y a un problème à la nouvelle agence, lui dis-je.

- Quoi ? Un dimanche ? Tu n'es pas sérieux ? me questionne-t-il.

- C'est vraiment urgent et comme il y a une heure de route, je préfère partir maintenant, tu comprends ?

- Ok, je t'appelle pour qu'on se voit dans la semaine.

- Ça marche, je vous laisse les amis, conclut-je pressé d'en finir.

Je me dirige vers la sortie à grand pas sous le regard perçant de Lili. Je sors du bâtiment et m'avance dans la rue pour rejoindre ma moto. Mes poumons relâchent enfin tout cet air contenu sous l'effet du stress accumulé en seulement quelques minutes. Mais ce geste n'est pas d'une grande aide pour mon cerveau en ébullition.

Comment vais-je arriver à supporter tout ceci en silence ?

Il faut que je trouve un moyen de la revoir seul à seul. Pour mettre au clair la future relation platonique qui nous attend. Pour savoir comment nous en sommes arrivés ici, et entendre sa version des faits.

Mon téléphone vibre dans la poche de ma veste. J'ouvre sans attendre le message qui m'est adressé et je comprends sans aucune sommation que je suis foutu.

> Lili : Toi, tu as quelque chose à m'avouer…

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