Aline

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Trois mois plus tard:

- Voilà, garde ton bras bien droit, me susurre t-il à l'oreille.

Sagement positionné derrière-moi, torse contre dos, Nathan m'apprend à tenir correctement la raquette de tennis pour réussir mon service.

Ces derniers mois ont défilé trop rapidement et le lien d'amitié qui s'est créé entre nous a pris plus d’importance que je ne l'aurais imaginé. Une partie de moi est en sécurité, malgré la tristesse qui m’envahit au quotidien.

Depuis l’enterrement de mon père, j’ai eu l'occasion de revoir Nat et par conséquent, de lui rendre sa veste. Nous avons commencé par nous retrouver régulièrement au cimetière. Nous allions nous recueillir chacun de notre côté, puis nous nous retrouvions autour d’un café, toujours au même endroit. Mais cette semaine, les choses ont pris une tournure bien différente. Nous avons passé presque toutes nos soirées ensemble, à discuter et à rire. A profiter du bon temps, tout simplement.

Cette envie d’être avec lui persiste.

Maintenant, je sais que c'est réciproque car ses appels sont plus nombreux, plus insistants. Je prends goût à lui envoyer un nombre incalculable de messages dans la journée, même la nuit, pour lui raconter ce que je fais. Il est toujours à l'écoute et j'apprécie cette qualité. J'aime aussi l'entendre me parler de sa vie, de sa famille et de sa passion pour le tennis. C’est une fièvre qui le dévore de l'intérieur depuis tout petit et aujourd’hui, il a réussi à en faire son métier.

- Génial ! Tu es en voie de devenir la nouvelle Serena Williams, ajoute-t-il lorsque j'envoie la balle côté adverse avec brio.

- N’exagère pas, réponds-je en souriant.

- J'aime te voir ainsi, toute en légèreté.

Son corps toujours contre moi se décale pour me faire face, et me laisse une sensation de froid. Le bleu-gris envoûtant de ses yeux, s’accorde si bien au noir corbeau de ses cheveux.

Le silence se fait entendre lorsque ses lèvres viennent se poser avec surprise sur les miennes. Mes yeux s'écarquillent car je ne m’y attendais pas.

Etrangement, je prends plaisir à savourer cet instant et mes paupières se ferment. Pourtant, une partie de moi reste sur la réserve et prend le dessus sur cette envie de l'embrasser encore plus longtemps.

- Nathan, s'il-te-plaît, ne précipitons pas les choses !

Je me sépare de lui et, alors que je pense avoir malencontreusement soufflé sur cette magie pour l'éteindre, il m'observe tendrement :

- Je comprends. Je sais que ton histoire avec Devon t'a laissé des cicatrices, que perdre ton père a été dévastateur et que tu ne souhaites pas t'engager dans une relation pour l'instant.

- Je suis désolée, dis-je les yeux baissés.

- Ne t’excuse surtout pas...

Il me fait face, pose son index sur mon menton pour relever mon visage, désireux de capter mon attention.

- J'aime ça, Aline. J'aime prendre mon temps avec toi pour te découvrir, te faire sourire. Je veux bien faire les choses.

- Tu es si parfait avec moi.

- C'est toi qui l’est ! Tu es celle qui manquait à ma vie. Ce baiser était juste une façon de te le prouver.

Afin de couper court à ce moment pour le moins délicat, il m’invite à jouer contre lui. Mon sourire revient et je vais me positionner à l'autre bout du terrain. A la fin du troisième set, la nuit commence à tomber. Nous quittons le terrain et Nat me ramène chez moi.

Arrivés devant la maison, je dépose un tendre baiser sur sa joue puis je sors du véhicule. Lorsqu'il démarre et s'éloigne, je mets quelques longues secondes pour me diriger vers la porte. Je prends autant de temps à l'ouvrir. Cette sensation de tristesse latente me gagne à chaque fois que je dois rentrer dans cette maison vide.

Aprés avoir pris un congés de trois semaine pour me tenir compagnie, ma tante fut rappelée par le travail. Elle est donc retournée à Clermont-Ferrand après m’avoir fait une promesse, celle de revenir le plus vite possible. Cindy, elle, avait déjà été obligée de retourner en Bretagne, là où elle vit avec son fiancé, une semaine après l’enterrement de mon père. Elles me manquent beaucoup trop.

Je me débarrasse de mes affaires et traverse la pièce pour me diriger vers la cuisine. Pendant que j’effectue ces quelques pas, un flot massif de souvenirs avec mon père me parvient brutalement. Comme l’image de ses bras qui me rattrapent et m’entourent lorsque, petite, je tombais de vélo. De ses tendres baisers posés sur mon front pour m’aider à dormir après un cauchemar. De son sourire qui s’illuminait dès que je franchissais la porte de la maison après une longue journée d’école. Ou de nos rires devant un programme de divertissement à la télévision.

Des sanglots me gagnent et me coupent l’appétit. Je décide d'aller prendre une douche à l’étage. Mais je m’effondre avant de franchir la pièce.

Accroupie sur le sol, en haut des escaliers, les genoux contre ma poitrine, je laisse libre cours au chagrin, au souvenir d'un amour paternel manquant, dans une vie faite de solitude. Même si les apparences font qu’Adèle et sa fille sont présentes pour moi, que ma relation amicale avec Nat soit plus sérieuse, la réalité est toute différente. Je me sens seule chaque heure, chaque jour qui passe. Rien ne comble ce trou béant qui m’envahit dès lors que mes pieds touchent le sol de la maison familiale.

L’idée de la vendre m’est déjà venue en tête mais ce cap est encore infranchissable. Même si je n’ai pas encore trouvé de travail, j’arrive à honorer les traites avec l’argent que m’a laissé mon père. Et tant qu’il me sera possible de le faire, je resterai ici. Mais tôt ou tard, trouver un emploi deviendra donc une véritable nécessité.

Après plusieurs longues minutes de sanglots, la sonnerie de mon téléphone me sort de mon triste état. Je me lève doucement en séchant mes joues du revers de la main. J’attrape mon téléphone dans la poche arrière de mon jean, en reniflant comme une petite enfant. Un message de Nat s’affiche et je plisse mes lèvres vers le haut.

> Tu me manques déjà...

Je lui réponds avec sincérité :

> Toi aussi... Que dirais-tu d’une soirée film ?

J’ai besoin de trouver une échappatoire. Sa présence ce soir m’aidera à me sentir moins seule quelques instants.

> J’ai promis de passer voir mon pote. D’ailleurs je suis sur la route. Je peux passer après si tu veux ?

> Je t’attendrais…

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