Guillaume

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Deux mois plus tôt...

Aujourd'hui est un grand jour ! Un rendez-vous professionnel de taille m'attend. Il me reste tout juste une demi-heure pour me préparer. Je dois visiter une ancienne boutique de prêt-à-porter que je souhaite racheter. Patron de deux agences immobilières, cette future transaction me permettra d'ouvrir ma troisième franchise. Les deux premières sont situées chacune à un axe opposé de la ville, la prochaine sera implantée à une heure de route d'ici, dans la grande cité balnéaire. Cette ville côtière est réputée pour son tourisme de luxe, ses débauches vacancières et son paysage tout bonnement exquis du sud-est de la France.

Mes agences ont obtenu un certain prestige dans la région, connues pour servir une clientèle plutôt aisée. Je me suis créé en quelques années un carnet de contacts assez conséquent, je saute donc sur l'occasion qui m'est offerte. J'ai déjà en tête tous les projets et travaux que j'y ferais effectuer par une amie architecte dont la côte de popularité dans la région est à la hauteur de son travail. Elle a déjà fait ses preuves au sein de mes deux autres agences et je dois admettre que cette belle métisse au corps élancé est un prodige dans son domaine.

Tout cela me rend d'humeur légère, car je n'en suis pas peu fier à vrai dire. C'est bien la seule chose que j'ai d'important dans ma vie. C’est sûrement pour ça, qu’ aujourd’hui je mets autant de rage et de volonté dans mes projets professionnels. Ces projets là doivent réussir, je m’en suis fait la promesse. A l’inverse, le côté privé est un désastre. Je reste hanté par les claques que la vie m’a envoyé. Certains arrivent plus ou moins bien à faire le deuil de leur passé, mais pour moi, cela reste encore un vrai parcours du combattant. Peut-être est-ce dû à cette boule d’amertume et de colère qui restent ancrées dans mes tripes. Ces émotions vives me rendent plus aigri chaque jour qui passe.

Je sors de la douche et noue une serviette autour de mes hanches. J'essuie le miroir embué face à moi et pose quelques gouttes de black XS sur ma peau encore humide. Je passe ensuite un jean noir et une chemise de la même couleur. Je tente de discipliner mes cheveux châtains légèrement ondulés puis, je passe ma main sur ma barbe naissante. Associée à mon regard brun, c’est le combo parfait pour attirer la gente féminine. Plus jeune j'étais du genre à profiter de cette belle gueule lorsque l'occasion se présentait, ce qui m'avait valu bien des soucis que je préfère éviter à présent. J'ai appris à connaître et à pratiquer le mot humilité.

J’attrape ma veste en cuir noir et mon casque puis je me dirige vers la porte d'entrée. Je prends les clefs de ma Triumph Thruxton sur la console et descends les escaliers en colimaçon de mon immeuble. Mon petit bijou se trouve près de la porte attenante à une petite voie sans issue, emplie de charme typiquement sudiste. Les balcons fleuris de géraniums et les palmiers présents égayent ces allées ensoleillées par ce beau jour printanier. Lorsque je démarre ma moto, son bruit ronronnant me possède. Une sensation de bien-être et de lâcher-prise envahissent alors mon esprit. Je prends une longue inspiration, comparable à une bouffée d’ondes positives.

Je vais faire au total deux heures de route en compagnie de mon petit bolide, avec pour seule vision, les paysages montagneux du col qui dominent la vue exquise du bord de mer et j’ai hâte. Mais pour sortir du centre ville, je dois passer par deux ruelles à double sens. A l'approche d'un feu rouge je ralentis mais le voyant devient vert, j'accélère.

Putain de M.....

Je manque de percuter une piétonne qui traverse sans regarder autour d’elle. Je pile d’un coup sec, freine comme un forcené et me retrouve à quelques centimètres d’un regard choqué.

Ouf ! Le pire a pu être évité ! Notre face à face silencieux dure plusieurs secondes puis elle semble se reprendre en clignant des yeux et observe la scène, abasourdie.

- Non mais vous êtes malade ! Ça ne va pas ? Vous avez failli m'écraser ! hurle-t-elle soudainement.

Alors là, c'est le monde à l'envers ! Elle me traite de malade alors que c’est elle qui est en tort. Je ne réponds pas, car à travers mon casque et le bruit de la moto, elle n'entendra pas mon envie de lui faire comprendre qu'elle est l'unique fautive. Je désigne juste de ma main gauche le petit bonhomme rouge et pense que mon geste est assez clair pour elle. Elle hausse les sourcils et passe une main sur sa bouche en signe d'effroi, puis la retire pour prononcer le mot désolée.

Mais elle reste pourtant plantée là comme une idiote et je commence à m'impatienter. Je décide de faire tourner vivement mon accélérateur afin qu’elle comprenne qu’il faut qu’elle s’active un peu, qu’elle bouge d’ici, car je ne vais pas y passer la journée ! Le bruit soudain de mon bijou fait vibrer la ruelle toute entière. Elle prend peur et se décale violemment. Elle s’imagine sûrement me voir lui foncer dessus et je ne peux m'empêcher de rire à travers mon casque. Je reprends la route avec un sourire scotché jusqu'à la fin du trajet.

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