J’ai tendance à penser qu’il faut vivre par amour et non pas l’inverse. Car j’ai déjà aimé pour vivre et cette flamme intérieure, propre à chacun de nous dans ce bas monde, s’est éteinte en moi. Je suis un homme qui, désormais, écoute la raison puisque la passion m'est interdite. Elle me relie à mes erreurs passées, à ce futur plutôt trouble. Sage décision me direz-vous, ainsi, les risques de déception et de douleur sont amoindries.

Mais c’est sans compter sur l’arrivée d’une jeune femme, dont la beauté s'est immiscée dans chaque recoin de mon esprit, de mon corps. Depuis, mon cœur et ma tête, n’étant plus d'accord sur la pérennité mon bien être, se sont séparés. Ils forment chacun de leur côté, une armée bien distincte, prête à se battre jusqu’à la mort. Ces deux opposés, sous leur propre blason, sont entrés en guerre. Une bataille féroce et animale s’est annoncée et tous les coups bas sont permis.

Cette fille m'est défendue.

L'amour que j'éprouve pour elle n'a aucun droit d'être exprimé. Pourtant elle était mienne, comme j’étais sien, entièrement, sauvagement. Une seule nuit a suffit pour me faire sombrer dans les bas fonds d'une exquise tentation.

Tentation... Ce mot qui, une fois prononcé, se mélange à la douceur envoûtante d'une attirance et au goût amer de la culpabilité. Un seul instant, une seule décision prise peut changer à jamais le cours de ma vie. La sienne. La nôtre. En un simple claquement de doigts.

Assis devant cette tombe après avoir déposé un bouquet de pivoines blancs, je me surprends à prier pour cette paix intérieure que je n'arrive plus à retrouver depuis un an. Jour pour jour. Je ferme les yeux et écoute le bruit paisible du vent, qui s’entremêle harmonieusement entre les branches du sol-pleureur qui me fait face. J’arrive à sentir sa présence à mes côtés. Je lui souffle :

- Aide- moi ! Je t'en supplie !

La gorge serrée, les yeux humides, j’ouvre mes paupières et réalise que je suis seul. J’entends des pas se rapprocher. Ce sont ceux d’une dame âgée qui se dirige lentement le dos courbé, sa main appuyée sur une canne, vers une autre stèle un peu plus bas.

Va-t-elle, elle aussi retrouver son amour défunt ? Ou un autre membre de sa famille peut-être ? Je passe une main sur mon visage pour me redonner une contenance lorsque nos regards se croisent. Son sourire timide me salue, je le lui renvoie également par courtoisie. Un coup de vent frais vient faire frissonner mon corps tout entier. Comme secoué, mon esprit me hurle en boucle de prendre une décision finale. Je me relève, éclairé par mes sentiments jusqu’ alors enfouis, puis quitte le cimetière. Mon choix est fait. Maintenant, à moi d'en assumer les conséquences...