Chapitre 9

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Marla avait le sentiment qu'on venait de lui arracher un membre. Penser à la mort d'Alaric la faisait atrocement souffrir et ses hurlements, qui la hantaient, n'aidaient clairement pas. Elle se tenait pourtant juste à côté de lui. Il s'était, sans hésiter, dressé face à une maudite boule de feu qui l'aurait carbonisée, mais elle n'avait pas put franchir un simple mur.
Malgré la disproportion de la comparaison, elle ne pouvait se résoudre à accepter son impuissance. « Elle aurait dû ». C'était la seule chose qui lui venait à l'esprit en ce moment. Après un moment, Ignis poussa la tête de la louve pour attirer son attention. Il lui tira la manche pour l'inviter à se relever et continuer, comme attiré par quelque chose.

-T'as raison, lui dit elle en s'essuyant le visage, il faut continuer, si ça se trouve il va très bien. Tenta-t'elle à se convaincre. La louve se redressa, gardant l'esprit dans une main, et explora l'endroit dans lequel elle se trouvait. Il s'agissait, une nouvelle fois, d'un couloir mais de bois et qui menait à une porte ouverte, derrière laquelle elle parvenait à voir des draps pourpres suspendus aux murs.
Avec son épée, elle tapota le sol du couloir au cas où il y aurait d'autres pièges.
En se rapprochant de la chambre, elle put entendre une respiration sifflotante et inquiétante.
Conservant sa volonté de continuer, elle poursuivit son chemin et finit par arriver dans la chambre. -Il y a quelqu'un ? Demanda t'elle en reniflant, ses voix nasales encore bouchées. Ce quelqu'un fut, alors, pris d'une quinte de toux, faisant se figer la louve qui ne savait pas trop quoi faire. Une fois que les toussotements se turent, une voix bourrue et pourtant si familière retenti.

- Non, y a personne. Mais entrez tout de même, qui que vous soyez. Si vous cherchez le trésor, il est caché ici. Un indice : c'est moi ! Marla s'avança, d'un pas tremblant, vers l'origine de la voix, qui ressemblait beaucoup trop à celle d'Alaric, sans compter l'humour, mais enrouée. Elle avait l'étrange impression que quelque chose clochait. Près d'elle, Ignis affichait lui aussi un air inquiet.
Elle finit par arriver dans une petite chambre sobre avec une petite commode, près d'un lit, et sur laquelle se trouvait une petite bougie éclairant la pièce.
La louve découvrit un animalis renard aux poils grisonnants. Il avait les traits du visage tirés. Elle ne parvenait pas à déterminer si c'était à cause de la fatigue ou des rides. Quoiqu'il en soit, elle le reconnut au premier coup d’œil et elle eut un mouvement de recul en mettant sa main sur son museau, sous le choc. Ses magnifiques yeux émeraudes la fixant de son regard toujours aussi vif, ainsi que sa boucle d'oreille bleue la gelèrent dans l'expectative. -Bonjour Marla, ça faisait longtemps. Lui dit il en arborant un petit sourire. Ignis s'envolant jusqu’au renard et se posa sur sa main, la caressant doucement et surtout tristement. -Merci Ignis. Laisse moi deviner, c'est à cause de Marla si vous vous êtes perdus il y a vingt ans ? Ha les femmes et leur sens de l'orientation. Se moqua le félon. -Alaric. Parvint enfin à chuchoter la louve, toujours aussi choquée, souhaitant rien de moins que s'enfouir le visage dans sa fourrure pour lui demander pardon. Il se tourna une nouvelle fois vers elle. -Ne t'en fais pas, je plaisante. Il fut pris d'une nouvelle quinte de toux, le pliant en deux. Marla s'agenouilla alors près de lui, plaçant une main dans son dos et le lui caressant dans un mouvement futile pour l'aider. -Merci. La remercia t'il en enlevant sa main couverte de sang de son museau. -Alaric, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi est-tu... -Si vieux et aigris ? A cause de cette foutue ville. Mais je dois avouer que je suis plutôt content de te voir encore aussi belle pour ravir mes vieux yeux. J'ai vécu vingt ans à te chercher, continua t'il avec un peut plus de sérieux, j'ai eux tellement eut peur que tu ne sois morte... Mais je suis si heureux que tu aille bien. Termina t'il, les larmes aux yeux en la serrant fort dans ses bras. -Alaric, je suis désolée. Lui dit elle sincèrement. Elle le rejoignis dans ses sanglots. Elle était heureuse qu'il aille bien, mais l'entendre dire qu'il venait de sacrifier des décennies de vie pour la chercher lui brisait le cœur. Elle était encore plus confuse car ça ne faisait que quelques instants qu'ils s'étaient séparés et qu'elle pensait qu'il était mort. Elle se dit que c'était bien trop étrange mais possible à cause de leurs retrouvailles avec Avely. -T'en fais pas, je te le devais bien. Il se rallongea confortablement dans son lit, lui tenant fermement les mains comme pour s'assurer qu'elle ne partirait plus. -Espèce d'idiot, tu as pensé à ta sœur ? Le rouspéta t'elle. -Oui. J'ai cherché à partir, ne t'en fais pas. Mais je ne pouvais partir sans toi. Poursuivit il. -Mais pourquoi ? Pourquoi tu m'as cherché autant de temps ? -Parce que j'ai pas trouvé la sortie. Avoua t'il gêné. Malgré les larmes, Marla esquissa un sourire timide, devant ce bon vieil Alaric qu'elle connaissait. -Espèce d'idiot. -Mais plus sérieusement, j'ai réfléchis pendant ces vingt ans, à tourner dans ce foutu labyrinthe. J'étais désespéré de ne pas parvenir à te retrouver et, comme par hasard je te trouve sur mon lit de mort. -Ne dis pas ça, Alaric, tout ira bien à présent. Mentit elle, dans le but de le rassurer un peut. Le renard fut pris d'une nouvelle quinte de toux, crachant des gerbes de sang. Marla trouva rapidement un morceau de tissus pour lui nettoyer le museau. -Je suis vieux mais pas encore sourd. Ton cœur te trahit encore. Il lui prit alors le museau avec une main et plongea ses yeux dans les siens. Tu es adorable. Marla se mit à rougir, un petit sourire gêné se dessinant sur son museau, tandis que sa queue se secouait de gauche à droite, appréciant le compliment. -Marla, puis-je te demander quelque chose ? Demanda t'il gêné, tranchant avec son comportement. -Oui vas y. -Accepterais tu d'écouter un de mes poèmes ? J'avais du temps à perdre, alors je me suis mis à la poésie. Marla resta indécise, ignorant quoi penser. De la poésie? Elle n'en revenait pas de l'entendre parler de ça. Elle avait l'impression de devenir folle. Rien n'était vrai, ce n'était pas possible. Ça ne pouvait être réellement Alaric ! A moins qu'il ait véritablement changé... que c'était étrange pour la pauvre louve confuse. -Pfff, tu devrais voir ta tête! Se moqua finalement le renard, qui essayait de se tordre de rire. -Tu as attendu vingt ans pour faire cette blague? -Et j'en suis fier. La louve poussa un profond soupir résigné. C'est alors qu'Alaric lui prit le museau, d'une main, et lui décocha un large sourire, attendrit, avant de l'embrasser passionnément. -Je t'aime Marla, et je suis si heureux d'avoir pus te parler une dernière fois. Elle n'eut pas le temps de le gronder ou de s'écarter, qu'il l'embrassa une nouvelle fois, dans un long et tendre baisé bien plus intense que le précédent.
D'abord surprise, elle hésita à rompre ce contacte qui lui semblait si étrange car lui faisant ressentir diverses émotions : La colère, car il venait de lui voler son premier baisé. La peur, car elle craignait de le perdre à tout moment. La confusion, car elle se rendait compte qu'elle s'était bien plus attachée à lui qu'elle ne le pensait et que le perdre une seconde fois serait trop dur, ainsi qu'un petit quelque chose qu'elle ne parvenait pas à trouver. Enfin la joie, car ce simple baisé avait quelque chose de bon et d’envoûtant. Elle vit des larmes couler sur le museau du vieux renard filou, l'attendrissant. Il l'aimait et elle sentait qu'elle appréciait cet instant avec lui, bien que la tristesse noircissait cet agréable moment.
C'est alors qu'une chose étrange se produisit. La peau d'Alaric s'effondrait comme du sable tombant dans un sablier, comme si le temps se rappelait à lui. Après un bref instant, il n'en resta qu'un squelette qui, lui aussi, fut réduit en poussière. -Alaric ! Hurla t'elle, quittant enfin son état de stupeur, ses mains ramassant de la poussière dans ses mains. -Ha, il était tellement vieux qu'il a finit en poussières. Lança une voix dans le dos de la louve. Celle-ci bondit sur ses pattes, l'épée devant et des larmes coulant sur son museau. Elle s'arrêta quand elle se retrouva face à l'animalis qui s'était tenu sur le cloché du temple. -Que lui avez vous fait ? Hurla Marla à bout de force, ses yeux redevenant rouges alors qu'un violent mal de crâne la saisissait. L'animalis chat esquissa un petit sourire satisfait, son regard rivé sur la louve semblant fouiller les tréfonds de son âme. -Pour le moment, rien, mais cela ne saurait tarder si tu ne te presse pas. Se moqua t'il. -Je vous demande pardon ? Grogna-t'elle, plus comme un animal que ne parlant. La poigne de la louve se fit plus dure sur son arme, tandis que l'autre main se portait à sa tête. Elle avait l’impression que sa poignée allait exploser tellement elle la serrait. Son poil se hérissa, faisant gonfler sa carrure, lui donnant un air encore plus menaçant et surtout en ajoutant les crocs largement découverts et le filet de bave, coulant de ses babines. Elle voulait arracher la gorge de l'animalis, le dévorer et s'enfuir loin d'ici. Elle avait le sentiment que quelque chose la poussait à détruire l'impudent. -Vois tu, j'ai... quelques compétences particulières, et fouiller dans les âmes en fait partie. Tous, cherchaient la liberté, la gloire ou la fortune. Et d'une certaine manière, je la leur ait accordé. Mais bizarrement, toi et ton compagnon ce n'est pas le cas et je ne peux réaliser son envie. -Tuer des gens c'est réaliser leur rêve ? -Ils voulaient être libres. La mort est une forme de libération, tout n'est qu'une question de point de vue. -Tu as tué Alaric ! Éclata t'elle, en tentant un coup d'estoque. L'animalis tendit la main et un nuage noir apparut et l'enlaça. Une lame en sortie et vint dévier celle de Marla, avant de l'étrangler avec l'autre main. Un gantelet de fer entièrement noire, finit par apparaître au moment ou Ignis tentait de secourir la louve en se jetant sur leur assaillant. Malheureusement, ce dernier l'envoya percuter un mur avec un simple coup du revers du gant. -Tu vas finir par m'écouter ? Marla tenta de lui porter un nouveau coup mais un simple mouvement de main de la part de l'animalis la lui arracha. -Voilà, c'est mieux. Soupira t'il. Oui je l'ai tué. Ou peut être pas, qui sait ? Mais pour le moment on s'en fiche, ce qui est important, c'est toi. Tu vois, tous ceux qui entrent en ces lieux ont un objectif, un rêve à accomplir. Mais pas toi. Toi tu n'as pas de véritable rêve et c'en est décevant. L'animalis attendit un instant avant de remarquer qu'il l'étouffait tellement sa prise et sa frustration étaient fortes. Il la repoussa alors, posant sa lame sur la poitrine de la jeune femme. -Dis moi, que veux tu. Qu'espère tu acquérir en ces lieux ? -Tu n'as pas à le savoir. -N'espère tu pas redevenir humaine ? Marla écarquilla alors les yeux. Pouvait il vraiment le faire ? Briser ce maléfice et lui rendre son ancienne vie ?
L'animalis arbora alors un sourire faussement peiné face à son expression surprise.

-Malheureusement je ne peux pas. Mais après tout, ce souhait semble avoir été écartée depuis un moment. Alors c'est quoi ? Je ne crois pas dans le fait que tu n’aie qu'envie d'aider ton compagnon. Il y a forcément autre chose. La richesse ? Non. Tu ne semble pas la rechercher. Pas la liberté, car ce que tu cache dans ta besace te protège. Soudain, le petit Ignis réapparu, fonçant à toute vitesse vers l'animalis qui l'attrapa. Le petit esprit se mit à s'agiter pour se libérer, les flammes le composant grossissant, faisant augmenter sa température.

-Ignis ! Lache le faquin ! Il regarda l'esprit qu'il détenait, puis Marla. Un sourire se dessina sur son visage.

-Ne serait-ce pas une famille que tu cherche ? Cette suggestion eut l'effet d'un choc, pour Marla qui détourna le regard.

-Tais toi. Grogna t'elle. -C'est pour ça que tu l'aide. Pour que lui, retrouve sa famille et qu'il t'accepte dans la sienne. Pour que vous deveniez comme frère et sœur... voir plus.

-Tais toi ! Cracha-t'elle. Il fit apparaître une sorte de miroir entouré par la même brume noire que pour son épée. Il le lui tendit, lui permettant de voir le reflet du miroir qui la montrait, entourée d'Alaric et d'enfants Animalis qui étaient un mixte entre le loup et le renard.
Elle resta indécise un instant face à cette étrange image.

-C'est ça que tu cherche ? A moins que ce ne soit ça ? L'image du miroir se troubla pour révéler une Marla humaine entourée de sa famille.
Revoir le visage de ses parents l'énerva.

-J'en ais rien à faire vil faquin et encore moins de ces gens qui m'ont abandonnés ! Tu m'as tout pris, alors je vais t'étriper !

-Rassure toi, Alaric va bien pour le moment. Je ne me suis pas encore entretenu avec lui. Mais si tu ne te presse pas... il risque de se tuer... ou de te tuer. La louve fut surprise par une telle déclaration, jusqu'au moment où l'animalis fut happé par une brume noir, avant de dévoiler un long couloir qui avait effacé la pièce dans laquelle elle avait trouvé le vieux Alaric.

-Reviens ! Notre conversation n'était pas terminée ! Hurla t'elle en attrapant son épée et en l'agitant dans les airs. Un petit bruit, bien que discret, attira finalement son attention. Marla se retourna pour voir Ignis encore allongé sur le sol, la couleur blanchâtre lui étant revenue.
La louve se précipita rapidement à son chevet. Elle le prit dans ses mains, et le porta contre son cœur.

-Désolée Ignis. L'esprit se frotta contre la poitrine de Marla comme si il cherchait de l'énergie en elle, ou une posture plus confortable.
Malheureusement, la louve ne pouvait pas rester trop longtemps pour s'inquiéter. Elle récupéra rapidement son épée et fonça dans le couloir, à la recherche du véritable Alaric.

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