Prologue

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Le bébé blotti contre son sein, sa mère avançait vers le cœur du sanctuaire. Son père, qui la suivait de près, le tenait par la main. Leur allure un peu rapide forçait l’enfant à trottiner, ce qui n’était guère aisé – d’autant qu’il ne faisait pas attention à l’endroit où il mettait les pieds.

De ses yeux écarquillés, il embrassait la pièce obscure. Elle lui semblait immense, mais peut-être était-ce seulement parce qu’il mesurait tout juste un mètre. Son pied butta contre l’aspérité d’une des dalles en béton et il manqua de trébucher.

- Attention ! le rabroua son père.

Mais le regard de l’enfant ne se focalisa pas plus sur le sol ; il avait accroché les seuls points lumineux de l’espace. Sur les murs en pierres grises, le lierre parsemé de fleurs de Lumière à l’aura dorée éclairait péniblement la salle. Il s’agissait de la dernière création hybride de son père, le plus grand Luminier d’Inluceat – sa mère le répétait sans cesse.

Peut-être serait-il aussi doué, un jour ? Il en rêvait.

- Père !

Sa voix chantante fit presque sursauter ses parents.

- Moins fort ! Nous sommes dans le temple de la Déesse, le reprit doucement l’homme.

- Oui, je sais, bougonna-t-il, un rien plus bas. Est-ce ici que j’ai été présenté ?

Son père posa un genou à terre, afin d’être à la hauteur du garçonnet.

- Oui, ta mère t’a amené devant l’autel, puis nous avons prié et j’ai déposé une gerbe de fleurs sur ta poitrine pour demander que tu sois désormais protégé.

L’enfant ressentit une grande douceur à ses paroles. Souvent, sa mère lui avait raconté, les yeux brillants. A peine les fleurs avaient-elles touché sa peau qu’elles avaient éclos, et leur lumière, presque irréelle, avait jailli. Jamais elle n’avait vu de fleurs si lumineuses, disait-elle. Bien sûr, le petit garçon ne s’en souvenait pas, mais il aimait imaginer ce jour. D’ailleurs, il n’avait aucun mal à le faire puisqu’il passait son temps à faire éclore les graines de Lumière que son père lui rapportait des serres.

Dans les bras de sa mère, le bébé s’agita. Sa sœur n’avait encore que trois jours et il n’avait pas encore le droit de la prendre dans ses bras. La tradition voulait que personne d’autre que ses parents (et à la rigueur ses frères et sœurs) ne voit l’enfant avant la présentation à la déesse. Dès que cette formalité serait terminée, sans doute aurait-il le droit d’enfin la câliner. Parce qu’il l’aimait déjà, ce bébé.

Ses parents s’arrêtèrent devant l’autel et il fit de même. Ce n’était qu’une table en pierre blanche et polie, entourée de fleurs en bouquet. Il s’inclina, comme ses parents, devant la statue représentant la déesse – une silhouette féminine dansant entourée de flammes, puis les parents prièrent chacun leur tour. Au bout d’un moment qui lui parut très long, sa mère gravit les quelques marches qui les séparaient de l’autel.

D’un mouvement de tête, son père lui fit signe d’attendre. Il sortit de sa veste des bourgeons de fleurs, légèrement luminescent, puis rejoignit sa mère. D’une voix forte, il prononça une bénédiction. Il parut à l’enfant que les pétales frémissaient. Puis son père approcha les plantes de la poitrine du bébé.

Le cœur battant, l’enfant retint son souffle. Il s’apprêtait sans doute à voir l’événement le plus extraordinaire de sa vie. Dans un instant, la pièce s’éclairerait toute entière et sa sœur serait bénie et protégée.

Son père posa les gerbes sur le bébé.

Et ce fut le noir.

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