Chapitre 13

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Quelque chose s’était passé pendant son absence. Quelque chose de suffisamment grave pour avoir muselé ses quatre compagnons. Auraient-ils trouvé une cohésion d’ici à ce qu’elle les amène aux geôles ? Ils avaient à peine échangé les uns avec les autres avant de s’enfoncer dans les passages.

Depuis, Xin-Shen les observait avec un doute grandissant. Parviendraient-ils à leur but ?

Elle envoya plusieurs œillades vers son frère. Il la suivait attentivement pour éviter les pièges. Il n’était pas enclin à parler de ce qui le rongeait ou de pourquoi il portait une chemise. Pourquoi ses vêtements étaient en lambeau, noués à son cou ? Il ressemblait à un gueux. Elle redoutait qu’il ait muté. Les veines autour de ses yeux étaient si gonflées. C’était peut-être le Hàng Xiè qui avait mangé la langue de tout le monde…

Un coup d’œil à Tartanne pour comprendre les événements et elle abandonna. Il fallait rester vigilante. Un faux pas et elle les condamnerait à une mort certaine. Surtout que les flambeaux avaient tous disparu. Pas un ne restait pour y voir tout à fait clair. Xin-Shen bénissait la fine clarté qui se déployait sous le pelage du minet. S’il n’avait pas dû réduire sa taille à celle d’un chat ordinaire, la lumière les ferait avancer plus vite. Hélas, quoi qui l’advienne, ils ne pourraient pas sauver la dizaine d’hommes en route vers le centre du palais. Xin-Shen n’osait pas encore leur dire ce que cacher la chevelure. Elle frémissait encore après avoir suivi le groupe de garçons. Certains étaient plus jeunes que Suan. Pourvu que mon frère sorte en vie, pensa-t-elle. Il faudrait que quelqu’un reste avec les évadés ? Elle supplie pour que ce soit lui.

Le regard fixait sur le chemin, la fillette les conduisit jusqu’au-devant de la porte : celle qui dissimulait le sentier en colimaçon. Elle s’arrêta, vérifia que personne ne manquait à l’appel. Trysol n’avait pas décroché son regard de Suan. Seule Analoum semblait faire la part des choses. Les problèmes étaient restés à l’embouchure du passage. La détermination dans ses prunelles indiquait son envie de retrouver son frère.

— Suan, il va falloir redoubler de vigilance à partir d’ici. Il fait bien plus noir. Je ne suis pas sûr que Tartanne puisse éclairer nos pas aussi bien que maintenant. On va devoir marcher collés au mur pour éviter tout faux pas. Même moi j’ai eu du mal à me repérer. On peut tenir à deux, mais le sol est gondolé. Si on n’est pas prudent, on aura vite fait de se retrouver au fond du gouffre.

— On te suit.

— Je préfère qu’Analoum soit la seule à y aller.

— Pourquoi elle ?

— Parce qu’elle est concentrée contrairement à toi et Trysol. Puis, elle avait dit savoir crocheter une porte avec la griffe qu’elle porte autour de son cou. Quand on parle, je retiens tout. Analoum parle beaucoup.

Suan hocha la tête validant sa remarque et se tourna vers la concernée.

— Attends. Elle ne peut pas m’entendre, du coup, je ne viendrai pas avec elle. Alors, dis-lui bien que la première porte est à environs cent-vingt-cinq pieds. Elle est plus grande que moi. Qu’elle réduise à quatre-vingts pas. Les deux autres portes sont à quarante pas les unes des autres. Disons Dix-huit pour elle. Chacune d’elles est fermée par un cadenas. J’appuie sur le fait qu’ils sont rouillés. Qu’elle avertit les prisonniers de qui elle est, de ce qu’elle compte faire et les prévenir des risques de la remontée dans le noir. Shaeln est dans la troisième geôle. J’ai vu son aura. Pour le reste on verra quand on aura fait sortir tout le monde.

Xin-Shen s’approcha de Suan, caressa son visage.

— Quoiqu’il arrive, n’oublie pas qui tu es aujourd’hui. Tu es Suan, mon frère adoré. Une fois dehors, ne revient pas à l’intérieur du palais. Trouve un moyen pour être toujours trempé de la tête au pied. La chance ne sera pas toujours de notre côté.

— Qu’as-tu vu ?

Suan avait deviné qu’elle en savait plus.

Elle secoua la tête. Elle ne dirait rien. Pas pour le moment.

— Ma Grenouille, tu sais bien qu’il faudra que j’y retourne. Je suis le seul qui puisse te voir. Ni Analoum ni Trysol ne sauront retraverse les pièges… Et que nous attendra après… ? On a besoin de tes yeux et de ma voix.

Xin-Shen baissa la tête, alors que sa main glissa mollement le long de son corps. Elle se maudissait d’avoir forcé la main de son frère pour qu’il suive les filles. Maintenant, il risquait sa vie. L’escalier de liane, elle savait où il se trouvait depuis le début. Même sans parler, elle aurait pu l’y guider, mais elle avait préféré l’aventure. Une fichue aventure qui allait tuer son frère. Hàng Xiè ou non.

— Quoiqu’il advienne, et quand il n’y aura plus de toit enflammé, cache ton visage !

Il ne comprenait rien, c’était évident.

Il saurait tout dans peu de temps.

***

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