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Suan détacha les mains d’Analoum dans un mouvement sec. Qui est-elle pour me prendre de haut. Elle ne serait jamais allé aussi loin sans Xin-Shen. Cette pensée lui tint le cœur serré, jusqu’au moment où il entendit des pas. Prestement, il enjamba les corps et ferma la porte laissée entrebâillait. Il avisa sa sœur qui comprit d’un clignement de paupière sa demande muette.

— Ça pourrait bien être la fille qu’elles cherchent. Je n’en suis pas sûr. Il y a du mouvement dans l’autre couloir, aussi.

Suan répéta ses dires, et s’arma à son tour avec une hallebarde qui traînait dans un coin de la chambre luxueuse. Jamais il n’avait vu une pièce de la sorte. Tout était arabesque, tenture chamarrée et peinture murale. On aurait dit que plusieurs personnes se partageaient l’endroit, mais qu’une seule avait le droit de s’y coucher au nombre de chaise qui s’entassait dans un coin et au parterre de coussins reclus près d’une haute armoire.

Xin-Shen imperturbable par la possible arrivée des problèmes se tourna vers lui. L’inquiétude se tatouait dans ses iris. Qu’avait-elle ? Elle s’approcha, les doigts emmêlés.

— Suan ? Tes yeux rougissent. Est-ce que tu te sens bien ?

Suan fronça les sourcils. Où voulait-elle en venir ? Se sentir bien ? Comment le pouvait-il alors que la mort rodait partout dans ce recoin du monde ?

— Mes yeux sont rouge de fatigue. Rien d’inabituel.

— Ils ne sont pas rouges de la façon dont tu le penses.

Elle pointa de son index un miroir emmitouflé d’une tapisseries bordeaux. Il le suivit, tenant fermement son arme, et planta son regard dans son reflet. Il fixa la couleur de ses yeux longuement. Un cercle rosé déployait ses rayons tout autour des iris, donnant une force intimidante à son regard pourtant doux.

— Quelle est cette malice ? siffla-t-il.

Trysol lui envoya un grand coup de coude dans l’estomac.

— Tu crois que c’est le moment ! Ferme-là ! chuchota-t-elle en s’enforçant de contrôler sa voix.

Elle lui lança un vite coup d’œil, se figea pendant un temps imperceptible. Son visage choqué refroidie Suan. Ses élans de combattant se tassèrent, laissant place à une pensée perturbée. Était-ce dû fait qu’il avait tué la fille ? Autre chose ? Et puis, pourquoi Grenouille avait cette expression, comme si elle redoutait l’acte qui suivrait ? Suan ne s’expliqua pas son élan de violence ni le comment de la couleur de ses yeux, mais pouvait-il se poser des questions alors que le moment ne s’y prêtait pas ? Un état de trans, pensa-t-il. Engendré par quoi ?

Lorsque les pas se firent plus distinct derrière la porte, plus un souffle ne sortit des lèvres. L’intérêt était porté sur la poignée qui céda sous une poigne souple et sur le grincement léger produit par les gongs. Avant même que le visage de l’inconnu émerge de l’ombre, Analoum brandit son épée et colla la pointe au-dessous du menton. L’arrivante se raidit, sans toutefois craindre la situation. Elle avisa les deux corps échoués au sol.

— Quel gâchis. Elles étaient mes favorites. Je n’ai jamais connu de femmes plus esquisses.

Doucement, elle releva la tête et planta ses yeux d’un rose vif éclaté de rouge dans ceux d’Analoum.

— C’est étonnant de te… de vous voir ici, se rattrapa-t-elle quand elle constata Trysol.

— Surprise !

Analoum grinça des dents. Sa colère jaillissait hors d’elle sans pour autant se manifester.

— Tu vas gentiment aller t’assoir et tu vas fermer cette bouche pour le moment.

La brune commanda d’un mouvement de tête à la rouquine de refermer la porte et de faire en sorte que personne ne vienne les déranger. Aussi Trysol tira d’un bras la commode qui semblait peser un buffle mort.

Suan observa la scène loin du conflit qui se jouait dans les regards de chacun. Il était toujours perturbé par la couleur de ses iris et par ces singularités qui traversait son corps. Son odorat lui parut plus puissant qu’avant et l’odeur du sang lui piquait le nez, tout sa vision lui sembla plus précise. Et il y avait ce murmure humide qui soufflait dans ses oreilles, mais dont il ne déterminait pas sa provenance et les paroles, si tant est que cela en fut.

— Vous avez excellé. Volé nos tenus, poudrer vos cheveux. Et surtout vous glisser jusqu’ici, sans encombre. Je dois dire que vous m’épatez. Je ne vous aurais jamais cru ainsi. Peut-être ai-je mal aperçu vos ténèbres et vos aptitudes. Mais pourquoi venir jusqu’ici, demanda Nyim en avisant les marque violettes sur le nez d’Analoum. Vos frères ne sont pas ici. Ils n’y sont plus, à vrai dire.

— Ça on l’a remarqué. Dison qu’on a voulu saluer une connaissance avant de les chercher.

— Les chercher ? Quelle naïveté. Je te reconnais bien là. Aucune des troupes extérieures ne peut passer les portes du palais. Alors tu penses bien que trois fausses Oiseau Noire !

— C’est donc à ça que tu ressembles ? souffla Trysol assise sur la commode. Tu es une manipulatrice hors pair. Tu dois être précieuse pour la chose qui nous vole nos garçons.

— Je le suis. Mais je ne suis pas unique en mon genre. Il y a d’autres joyaux de mon espèce.

— Bah, on s’en passerait volontiers, rugit Analoum. C’est à se demander si vous avez encore un cœur. Si on vous a aspiré l’âme pour faire de vous des pantins. Maintenant, tu vas nous dire comment on fait pour rentrer dans le palais.

Nyim croisa les jambes et bascula, les bras en arrière. Elle n’avait pas même une once de pitié pour celle qu’elles avaient amadoué. Suan lui trouvait un aspect froid et quelque chose comme une loyauté sans faille envers ses commandeurs. Qui qu’ils soient.

— Je viens de te dire qu’on ne peut pas y accéder à moins d’être un oiseau de l’intérieur. Quand nous rejoignons l’extérieurs, on ne peut plus entrer.

Suan tiqueta sur cette révélation.

— Tu as vécu dans ce palais, si j’entends bien, intervint-il.

Nyim se laissa surprendre par sa voix rauque. Elle le parcourut de haut en bas.

— Tu fais tout à fait illusion.

Elle le contempla encore pour saisir sa différence.

— D’où viens-tu ?

— D’en bas. À toi de répondre à ma question, maintenant ?

— Comme il te plaira. Je suis fille de servante, née au palais et j’ai vécu jusqu’à ma libération dans le pavillon des fleurs. Je suis l’une des cent-trente fille du roi…

Son visage se froissa dans un rictus d’écœurement que tout le monde constata.

Analoum fronça les sourcils. Le roi n’avait eu qu’un enfant-démon selon les rumeurs. Mais elle voulait bien croire les dires de Nyim. Il y avait bien un pavillon des fleurs. On racontait de sombre histoire sur ce qui s’y passer. Le roi était connu pour sa vorace sexuelle. Il récoltait plus d’une belle femme, pour en faire ses esclaves sexuelles.

— Alors tu connais le palais, s’aperçu-t-elle.

— Je connais le pavillon.

— C’est la même chose.

— Hum… la même chose, répéta la blonde. Après que du palais, on peut fuir. Pas au pavillon. Nous étions très bien gardés.

Nyim retenait une colère que Suan distingua. Il ressentait comme des frissons se déployer contre sa nuque. Il percevait encore ce murmure, mais cette fois-ci il était différent. Il ne l’entendait pas au creux de son oreille, mais à l’intérieur de son cœur. Il remarqua, par ailleurs, que l’expression contrarié de Trysol n’allait pas en s’arrangeant. Elle dévoilait trop ses émotions tout à coup, et n’avait de cesse de le fixer, presque in intéressé par la querelle qui se jouait. Dans une crainte mesurée, Suan se tourna à nouveau vers le miroir. Les rayons roses qui coloraient ses iris se prolongeait sur sa peau. C’était à peine distinct, mais il voyait désormais le moindre petit détail.

— Tu en es sortie, alors parle ! hurla la brune furibonde.

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