Chapitre 4 (1)

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— De quoi veux-tu qu’il se doute ? Il ne voit rien et il chemine sur des sentiers identiques. C’est nous qui menons la danse.

— Pourtant, il cherche quelqu’un. Il est contrarié. Et cette manie qu’il a de parler seul. À qui s’adresse-t-il ? Il ne m’inspire rien que de la défiance. Il va finir par comprendre.

— Quoi ? Qu’on lui trace le chemin jusqu’à nous pour mieux l’amadouer ? Qui s’en douterait ? On est couvertes par la brume, dissimulées par les arbres. Arrête de t’inquiéter, imposa Analoum. 

Trysol soupira. Loin d’elle l’idée de s’inquiéter. L’impatience creusait des tranchées en elle, rien de plus. Elle se tut, dos à Analoum. Ici, il valait mieux avoir le regard partout. Dans cette forêt habitaient toutes les créatures les moins recommandées. Puis il y avait ces masses de cheveux enguirlandées aux branches. Les mèches pendaient surprenant parfois les jeunes femmes et Suan qu’elles observaient depuis les deux derniers jours. Analoum et Trysol savaient où passer pour avoir arpenter les chemins une bonne centaine de fois avec ce qui restaient de leur groupe. Trysol, nostalgique, se souvint des premiers pas entre les troncs géants et les buissons ardents. Une odeur forte, comme de la viande pourrie lui avait retourné l’estomac. Pendant des heures, elle régurgitait tout ce qu’elle avalait.

Encore la tête dans les fougères, sœurette ? faisait remarquer l’aîné de ses frères chaque fois qu’elle se baissait et vomissait.

Trysol sentit à nouveau les longues mains de ce dernier nouer ses cheveux et venir frotter son dos.

Tu vas t’y habituer d’ici quelques instants. Ne t’en fais pas.

Il la couvait d’un regard doux, presque paternelle, lui conférait cette paix qu’elle n’avait jamais vraiment connue. Lytsor avait douze ans de plus et toujours des paroles réconfortantes quand vint même tout allait mal. Il protégeait les siens quoi qui lui en coûte. Il remettait sans cesse les voiles de ses frères et sœurs, et même de leur mère. Cette femme que Trysol ne comprenait pas. Pas plus qu’elle n’avait compris son père.

Le premier jour dans la forêt. Cette forêt. Il y avait eu une attaque invisible dû à la brume épaisse. Le groupe composait de trois cents personnes, c’était disloqué quand les hurlements ont commencé à retentir et que des corps ont commencé à tomber averse. Chacun avait attrapé des vêtements, des mains, des bras et avait couru tirant le plus de personne possible loin de ce mal insaisissable. Certains criaient le nom de la créature, d’autres cherchaient à le faire fuir en grognant comme un chien aux crocs d’ivoire. C’est sans doute cela qui avait fait partir la chose que l’on disait mi-humaine, mi-bête. Rapide, silencieux et vorace. Trysol s’était demandait s’il avait été judicieux de quitter la ville malgré les cheveux et les oiseaux noirs. Là-bas, au moins, ils connaissaient leur terrain.

Un coup d’œil à Analoum épiant le garçon d’en bas et elle caressa la harpe de jade. Si elle avait affaire à un être vif, pourrait-elle la dégainer avant que le sang gicle ?

Trysol tira sur la capuche et sur le voile accroché, scruta les environs, l’ondulation de la brume et des ombres qui tapissait le loin.

— J’t’avoue que moi aussi je me demande à qui il peut bien parler. J’n’ai pas l’impression que ce soit à lui-même. Il regarde quelque chose chaque fois qu’il ouvre la bouche.

Analoum monta sur une branche basse de quoi observer au mieux Suan. L’air diminuait la présence des volutes de vapeur, dégageant ainsi le voyageur et le vide autour de lui.

­— On dirait que sa chose à encore filer. Elle se cache trop bien. Flute, alors. J’n’aime pas, ne pas savoir.

Une mine boudeuse fronça les traits de son visage, alors qu’elle s’appliqua à tirer sur un cordage de liane. Un cri retentit, vite étouffé. Une farandole de branches tordues coupa la route à Suan qui, forcé de s’arrêter, bondit sur un chemin plus escarpé. Le moindre craquement avait le don de le faire sursauter. Trysol lui trouvait une force pratique. Elle en avait vu des cœurs fragiles tout au long de ses cavales avec le groupe. Des âmes qui se brisaient et un souffle qui finissait par s’arrêter au cours de route.

Selon la brune, il serait prêt à cueillir dans très peu de temps. Il fallait posséder une mental d’acier pour affronter la forêt ou être à plusieurs afin de ne pas couler dans les tréfonds de l’imaginaire. Ici, on pouvait bien inventer les plus terrifiante de bêtes, et de songer qu’elle nous guettait. La solitude, la peur, l’inconnu peuvent créer bien des fêlures. Trysol n’approuvait pas vraiment cette décision d’effrayer le garçon, mais Jeckm l’avait dit. Il a en sa possession un don qui nous sauvera. À savoir si cela se passerait comme dans sa vision…

Un nouveau cri retentit.

Suan tomba à la renverse devant un énième piège d’Analoum.

Ne finiraient-ils pas par ameuter plus de danger autour d’eux ? Trysol y pensa fortement, quand elle sentit un regard geler ses os. Elle attrapa la harpe, positionna ses doigts dessus.

— Analoum, terminés les conneries. C’est le moment ou jamais de le convaincre.

— Toi aussi, tu l’as senti ? Cette présence frigorifiant.

— J’ai vu ses yeux comme de la pierre. Sans émotion. Sans valeurs. Sans rien à l’intérieur.

— Crotte, il est si près ?! Ça ne va pas faire nos affaires.

Trysol chemina jusqu’à Suan, Analoum sur les talons. Elle tournoyait guettant le moindre signe pour faire chanter la harpe.

Un silence flotta autour d’elles. Même Suan avait arrêté de s’agiter, figé comme une biche fixant la flèche qui viendra lui voler la vie.

La créature était là. Face à lui, mais dissimulait aux filles. Seule la prochaine réaction du jeune homme ouvrirait les hostilités. Et cela ne tarda pas.

Suan ne chercha pas à éviter le danger. Il se pensa fort ou faible, et lança son bras devant son visage, criant vers le vide :

— Caches-toi, Grenouille !

Trysol pinça les cordes de l’instruments. Un son désaccordé retentit, levant une nuée d’oiseau. La vie s’échappa autour d’eux. L’attaquant prit lui aussi la fuite. Analoum avait mi un tas de feuille dans ses oreilles en prévision de la cacophonie. Elle avait les mains de chaque côté du visage de Trysol. Pourtant, lorsque la harpe retrouva son silence, la rouquine fit remarquer à sa compagne :

— Mes oreilles ne sont pas sur mes joues. Mais l’initiative était bonne.

— Je me disais aussi, c’est trop moelleux. Oups.

Un sourire nier passa sous le voile d’Ananloum. Trysol roula les yeux. Au moins son amie relativisait. Rien ne prêtait à rire, portant elle continuait de diffuser ce peu de bonne humeur qui faisait parfois défaut à une vendetta.

— Allons chercher le garçon.

La brune tira sur les buissons de ses doigts gantés. Elle ne supportait pas qu’on puisse voir les cicatrices qui mangeaient sa peau. Un accident causait par la chevelure de la démone. Un feu avait pris en otage le quartier de la capitale. Analoum y était avec sa sœur. Elles furent sauvées par la chute d’une bâtisse. Les ruines enroulées autour d’elles interdisait au feu de se répandre. Cependant, Analoum s’était risquer aux flammes qui dévorait un pauvre homme. La torche humaine n’avait pu être éteinte. Ces images l’empêchaient souvent de trouver le repos. Trysol ne savait que ce qu’elle avait bien voulu dire. Bon nombre avaient été les victimes de cet incendie. Les survivants gardaient en mémoire le tragique de ce jour et des suivants.

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