Le Saviez-vous : Du Troll à la Fée du logis, il n'y a qu'un pas (2)

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NdA : Bon, pour ceux qui ont lu le chapitre 3 avant décembre, je l’ai réécris vers Noel avec quelques ajustements sans trop de conséquences sur la suite. En revanche, le chapitre 4 a vécu une réécriture complète et n’a plus grand chose à voir avec l’ancienne version.

***

Une fois l'inondation causée par Zirighriix contenue et que la salle de bain eut retrouvé son état originel, Ylr'anore se tourna vers Maritxu.

— Tu devrais aller à la douche en premier. Ashaorem sera le dernier et crois-moi, tu ne veux pas passer après lui.

— Pourquoi, il laisse des poils partout après son passage ? gloussa Maritxu, intriguée.

Ylr'anore haussa les sourcils, ses yeux s'écarquillant de surprise.

— Des poils ? Non, c'est tout le contraire. Ashaorem est un maniaque du ménage. Il pourrait faire de la salle de bain un bloc opératoire. Et si quelqu'un ose salir la salle de bain après lui... disons simplement qu'il vaut mieux ne pas être cette personne.

Encore amusée à l’idée du troll en fée du logis, Maritxu ne put s'empêcher de sourire en poussant la porte. Elle s'attendait à quelque chose de fonctionnel, peut-être même rustique, ayant de toute évidence oublié qu'elle était dans un monde magique où même les cailloux parlaient. Elle avait clairement sous-estimé le goût d'Arcana pour le grandiose. Ce qu'elle vit la laissa bouche bée : une salle de bain au design futuriste, digne d'un magazine de décoration haut de gamme.

La pièce était spacieuse et éclairée par une lumière douce qui semblait émaner des murs eux-mêmes et le sol, d'une sorte de pierre lisse, etait chaude au toucher. Mais la pièce maîtresse était la baignoire, si on pouvait encore l'appeler ainsi. Plus proche d'une mini-piscine olympique que d'une simple baignoire, elle s'étendait majestueusement. Maritxu en fit le tour, cherchant en vain quelque chose ressemblant de près ou de loin à un robinet ou une douche.

Elle se mit à tapoter, frotter, et donner de petits coups sur toutes les surfaces brillantes et lisses qu'elle pouvait trouver, espérant déclencher une réaction quelconque. Dépitée, elle finit par croiser les bras.

— Bon, il faut un diplôme de Polytechnique pour se laver ici ou quoi ?

La voix de Nyumlia résonna, amusée et serviable.

— Pas besoin d'être ingénieur, Maritxu. Tout fonctionne à commande vocale. Dis simplement ce que tu veux, et la salle de bain s'adaptera à tes besoins.

Maritxu leva les yeux au ciel.

— Bien sûr, pourquoi faire simple quand on peut impressionner son monde ?

Elle se racla la gorge et prit d'un ton légèrement théâtral.

— Chère salle de bain, pourrais-tu avoir l'amabilité de me fournir un mitigeur pour la douche ? Je viens d'un monde visiblement primitif, et je n'ai pas l'habitude de discuter avec ma baignoire.

À peine eut-elle fini sa demande qu'un panneau dissimulé dans la paroi s'illumina, révélant une gamme d'options dignes d'une navette spatiale. Boutons lumineux, écrans tactiles, et même un affichage holographique s'affichèrent, offrant une multitude d'options.

— Voici toutes les fonctions de la salle de bain. Tu devrais y trouver ton bonheur.

Ah, bon, l’esprit minéral état visiblement moqueuse, parce que cette fois, il fallait vraiment être un ingénieur de la NASA pour ouvrir l’eau. Maritxu commença à toucher les boutons au hasard avec la désagréable impression d’être un chat aux commandes d'une fusée. Elle déclencha accidentellement une série de lumières stroboscopiques qui lui donna l'impression d'être dans une discothèque, un ventilateur, et une brume glacée qu’elle eut toutes les peines du monde à stopper. Elle aurait pu jurer que la salle de bain se moquait d'elle. Après ces quelques tentatives infructueuses et une mélodie de relaxation qu'elle n'avait pas demandée, Maritxu capitula.

— D'accord, Nyumlia, je me rends. Je veux juste prendre une douche normale. Avec de l'eau chaude, s'il te plaît.

— Bien, Maritxu, tes désirs sont des ordres.

Et, comme par magie, une averse chaude et réconfortante jaillit du plafond, enveloppant Maritxu dans un nuage de chaleur bienvenu. Ce n'était peut-être pas la douche traditionnelle qu'elle avait en tête, mais après les montagnes russes émotionnelles de la journée, elle n'allait certainement pas pinailler.

À peine l'eau eut-elle commencé à caresser sa peau, Maritxu se laissa glisser au fond de la baignoire, ressentant le poids des heures passées. Toutes les émotions contenues – la peur, la stupéfaction, l'excitation, et maintenant le soulagement – se libérèrent, comme un barrage cédant sous la pression.

Les images de la journée, la licorne tuant le lion, le sentiment d'être perdue dans un monde étrange et dangereux, tout se bousculait dans son esprit. Ses larmes se mêlaient aux gouttes d'eau, indiscernables sur son visage.

Elle se détesta de craquer, mais elle n’avait rien demandé de tout ça. La veille encore, ses plus grandes inquietudes dans la vie, c’était de jongler entre les jobs saisonniers et de penser à acheter des croquettes pour son chat. Elle s'inquiétait pour son félin et pour ses propriétaires, qui devaient déjà se demander où elle était passée. Ces derniers étaient des amis, presque une famille pour elle, ils s’occuperaient de la boule de poil, mais elle aurait voulu les rassurer, leur dire qu'elle allait bien.

Finalement, les sanglots de Maritxu se turent, laissant place à un calme relatif. Elle resta encore un moment sous la douche, se laissant bercer par l'eau, jusqu'à ce que ses pensées s'apaisent.

Lorsqu'elle eut terminé, Nyumlia, avec une discrétion qui dénotait une certaine empathie, lui fournit une épaisse serviette et un pyjama en pilou pilou depuis une cache dans le mur. Maritxu ne put s'empêcher de rire en voyant le pyjama. Il était d'un rose criard, si vif qu'il aurait pu servir de balise dans le noir.

— Merci, Nyumlia. C'est très…. coloré.

— J'ai vu que les humains aimaient ce genre de vêtements dans un de vos films très récent.

Maritxu sourit en enfilant le pyjama.

— Eh bien, après une journée comme celle-ci, c'est tout ce dont j'ai besoin.

Lorsque Maritxu sortit de la salle de bain, vêtue de son pyjama rose éclatant, elle fut accueillie par une scène qui, malgré son caractère incroyablement surréaliste, était presque... normale.

Ashaorem était à la cuisine, vêtu un tablier décoré de motifs de cupcake par-dessus sa tenue de cuir brut. Il maniait une spatule, concentré sur les casseroles qui mijotaient, comme s'il se préparait à remporter la finale d'une compétition culinaire. Maritxu s'arrêta net, une expression mi-amusée, mi-incrédule sur le visage.

— J'aurais jamais cru dire ça un jour, mais... Ashaorem, tu as l'air absolument adorable avec ce tablier, lança-t-elle, un sourire espiègle aux lèvres.

Ashaorem se retourna, un large sourire dévoilant son impressionnant arsenal dentaire.

— Tablier pratique, meilleur ami cuisine, déclara-t-il, tout en agitant sa spatule. Évite tâches, garde cuir propre.

À quelques pas, Zirighriix s'affairait à dresser la table avec entrain et Ylr'anore était plongée dans l'étude d'une carte. Cette dernière releva la tête lorsque Maritxu approcha avec curiosité.

— Je planifie notre itinéraire pour demain. En théorie, c'est un jeu d'enfant, mais on ne sait jamais.

— J'ai l'impression que dans ce monde, « jeu d’enfant » à l’air d’un doux euphémisme pour « attache ta ceinture, ça va secouer », fit remarquer Maritxu en jetant un coup d'œil à la carte.

Le regard d’Ylr'anore se teinta d'amusement, un sourire ensorcelant ourlant ses lèvres. Maritxu, bouche bée, en oublia les cornes et les yeux de braise, hypnotisée.

L'interruption d'Ashaorem, annonçant le repas, ramena la jeune femme sur terre.

— Manger maintenant. Bon repas.

Maritxu prit place à la table, où se trouvaient une variété de plats aux couleurs et aux odeurs alléchantes. Ashaorem, gonflé de fierté, se lança dans la présentation du menu.

— Ça, galettes de bala-bala, sauce piquante. Là, racines de lumo, purée. Et ça, fruits de ya-ya confits. Et pain de Shyra. Toi goûter.

Maritxu observa les mets, son estomac gargouillant malgré l'aspect inhabituel de la nourriture. Elle s'était attendue à quelque chose de plus... carnivore de la part d'un troll. Genre chasse préhistorique avec gigot de dragon ou brochettes de licorne, mais les plats sur la table auraient pu figurer dans un festival gastronomique végétarien. Poussée par la faim, elle s’aventura à goûter. Dès la première bouchée, tous ses a priori s'envolèrent. La purée fondait en bouche avec un goût subtil rappelant l'amande, la sauce piquante titillait agréablement ses papilles, et le pain, moelleux comme un nuage, complétait le tout à merveille.

— C'est délicieux ! s'exclama-t-elle. Je ne sais pas ce que c'est, mais c'est l'un des meilleurs repas que j'ai jamais mangés.

Ashaorem, gonflé d'orgueil, bomba le torse.

— Bonnes choses de forêt. Tout frais, tout naturel. Corps et esprit sains.

— Chez les Trolls, la cuisine est une religion, ajouta Ylr’anore en garnissant une galette de purée et de fruits confits. Il refuse qu’on mange les plats de Nyumlia.

Ashaorem grogna, visiblement révolté à l'idée même de manger un plat déjà préparé. Maritxu loucha vers le plat de Zirighriix, qui aurait pu figurer dans un épisode de la version Arcanienne de Cauchemars en cuisine. L'araignée se régalait d'un bol de... quelque chose qui défiait la description.

— Soupe de scarabées du désert au venin de Scorpion des îles Kaïs, expliqua-t-elle joyeusement. Mon préféré !

Maritxu regarda le bol, puis Zirighriix, essayant de masquer sa répulsion.

— Euh, ça a l'air... nutritif, répondit-elle, cherchant ses mots. Je crois que je vais me contenter des racines et des feuilles.

— Oh, c'est un plat spécial pour moi, précisa l’araignée. Pour toi, ce serait un aller simple pour l’enfer avant même d'avoir fini ton assiette !

Maritxu s’appuya sur un coude, étonnamment à l'aise dans ce cadre inhabituel. Entre les discussions légères, les rires et les délices inattendus, elle se sentait comme intégrée dans une famille certes excentrique, mais attachante. Le repas, la conversation légère et les rires créaient une atmosphère chaleureuse, presque réconfortante. Son regard croisa celui d’Ylr'anore et elle réalisa que malgré les frissons d'horreur et les surprises parfois terrifiantes de ce monde, elle appréciait ces moments de quiétude inattendus avec ces trois êtres extraordinaires.

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