Chapitre 1 : Attaque au Château

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La jeune fille aux cheveux noirs, un foulard noué autour de la bouche, l’empêchant ainsi de respirer la fumée toxique s’échappant des murs en flammes, courut. Elle évita habilement le feu qui, petit à petit, s’enfonçait dans les murs, les pierres qui s’écroulaient sur son passage et les cadavres de ceux qui vivaient dans le château.

Serrant fermement le manche d’acier de son arme, déjà noirci par l’air, laissant la lame racler le sol dans une mélodie stridente. Elle aimait le bruit du métal raclant le sol, cela la réconfortait, et de réconfort elle en avait besoin. Son royaume, son château où elle a vécu ses dernières années venait d’être attaqué, mystérieusement, et par un coup du sort elle eut été séparée de son maître, sa sœur, son amie. Mais la jeune fille ne devait pas céder à la panique, si elle ne voulait pas compromettre la mission donnée par son maître : retrouver la princesse de Pique et la mettre en sécurité, hors du palais.

Un léger bruissement d’air attira son attention, et la fille aux cheveux noirs fit un bon en arrière, évitant ainsi l’immense patte velue, et les griffes qui, par la puissance du coup, s’enfoncèrent dans le sol déjà abimé. Devant elle se dressait un colosse musculeux, entièrement recouvert de poils bruns, une tête difforme sur-laquelle est – semble-t-il – posé n’importe comment des yeux jaunes globuleux et des dents – presqu’aussi jaune – acérées comme les lames qu’elle aiguisait chaque jour. Un simple coup d’œil lui suffit pour repérer le point faible du monstre, et quelques secondes de plus pour lui trancher la tête d’un coup de faux. Il fallait se dépêcher, il ne lui restait plus beaucoup de temps avant que le palais soit définitivement aux mains ennemies.

La brune attache une importance particulièrement forte à sa faux, cette arme si singulière. C’était la première arme que lui ait offert son maître, celle qui eut vu toutes ses peines, ses joies, ses difficultés, celle qui l’eut suivi depuis le début de sa renaissance, depuis son adoption. Et maintenant, ce pays, son pays, était en danger, et elle se devait de le sauver ! Même si pour l’instant ses actes paraissaient insignifiants, même si elle sut déjà que le Royaume de Pique eut été condamné, une lueur d’espoir persistait néanmoins, car si elle arrivait, par miracle, à en sortir la princesse, ce pays pourrait être reconstruit. Pas comme avant, ce n’est point possible. Mais pour la jeune fille, une culture ne pouvait être détruite, un pays non plus, car tant qu’il reste des personnes qui ont la possibilité de le reconstruire, ce n’est jamais la fin. Et c’est sur ces réflexions que l’apprentie courut vers sa destination, à la recherche de la personne qu’elle se devait sauver. Sa princesse de Pique.

Après maints demi-tours – dû aux nombreux culs-de-sac formés par les éboulements, et les passages impraticables à cause des monstres – la brune trouva enfin ce qu’elle cherchait.

Devant elle, une adolescente terrée dans un coin, en position fœtale, comme si elle voulait –dans ce geste – ressentir à nouveau la sécurité maternelle. Au-dessus d’elle, la main d’un monstre s’apprêtant à s’abattre.

L’apprentie ne chercha pas à réfléchir et se précipita pour parer l’attaque avec le manche de sa faux. Malheureusement pour elle le monstre eut plus de force, et malgré ses efforts, elle commença à ployer, son arme descendant de plus en plus vers le sol. La brune y mettait toutes ses forces, mais ses pieds glissaient sur le liquide rougeâtre qui recouvrait le sol dallé et ses bras tremblants menaçaient de lâcher prises à n’importe quel moment. Il ne lui restait que peu de solutions, encore inconnues pour l’instant. Son cerveau réfléchissait à vive allure, essayant de trouver le moyen le moins risqué de se débarrasser du colosse monstrueux.

« Mince, mince ! Si ça continu comme cela, on va tous y passer !!! Allez réfléchi, réfléchi, comment tuer ce lourdaud ?! Peut-être que si je lâche ma faux et réussis à lui porter un coup avec mon couteau ? Non, je n’aurais pas le temps de l’atteindre, trop loin… Quelle idée en même temps de le mettre dans la poche arrière ?! Et si… non trop risqué, j’aurais sa main dans le bide avant. Bon, que faire ? Il me reste approximativement trente secondes avant de finir définitivement morte, la dernière chose que j’ai bien envie qu’il m’arrive ! Surtout que si je meure, la princesse de Pique aussi, et cela voudrait dire que le royaume est définitivement mort ! Je n’imagine pas la catastrophe si cela arrive !!! … Oh, mais ça pourrait marcher ? Allez ! On tente le tout pour le tout ! »

L’apprentie avait enfin trouvé l’idée qui allait peut-être les sortir toutes les deux de ce pétrin, et eut un sourire carnassier sur ses fines lèvres rosées, avant de crier d’un coup :

- BOUH !

Le monstre – décontenancé par ce cri inattendu – ne vit pas le coup de pied qu’il se prit en plein ventre de la part de la jeune fille. Bien sûr, le coup n’était pas assez puissant pour complètement le faire tomber, mais suffisant pour permettre à l’apprentie de sortir son couteau, et d’un geste précis le planter au milieu du torse, là où se trouve le cœur du colosse. Le regard de l’être monstrueux passa de la jeune fille à la lame planté dans son torse, et dans un étranglement mourut, son corps retombant bruyamment sur le sol déjà ensanglanté, tâchant la pierre autour de lui d’un violet noirâtre.

L’apprentie se tourna ensuite vers l’adolescente apeurée, qui avait suivi la scène d’un air horrifié.

- Ne t’approche pas ! cria-t-elle avant même que la jeune fille ne puisse s’expliquer, gesticulant des bras comme si elle voulait éloigner le mal d’elle.

- Ne t’inquiète pas, je ne te veux pas de mal.

- Que veux-tu alors ?

- Te sauver.

- Alors pourquoi tu n’as pas sauvé mes parents ?! Pourquoi tu les as laissé mourir ?!

La brune ne sut que répondre à cette princesse endeuillée par la mort de ses parents. Il est vrai que si elle était arrivée plus tôt, elle aurait peut-être pu les sauver, empêcher le monstre ainsi de les tuer. Mais elle fut venue trop tard, et cela, personne ne pourra le changer. On ne remonte pas dans le temps.

- Je suis désolée pour tes parents, je sais ce que ça fait de les perdre – sa voix se cassa un léger instant, avant de se reprendre – mais je te sortirai de cet endroit. C’est pour ça que je suis venue, pour pouvoir t’aider.

- Et pourquoi le ferais-tu ? Pour l’argent ? Le pouvoir ?

- Je te le dirais qu’à une seule condition, celle que tu me suives sans discuter.

La princesse mit quelque temps à répondre, pesant le pour et le contre de ce choix :

- D’accord je te suis, mais je veux d’abord connaitre ton nom.

- Lynmia, Votre Altesse. répondit l’apprentie en un souffle.

- Cassandra – murmure la princesse avant de se reprendre - juste Cassandra s’il vous plait.

- Bien, Cassandra, dit Lynmia avant de lui prendre la main et de l’entrainer à l’extérieur du palais en flamme.

*

Non loin du royaume de Pique, deux personnes regardaient le triste spectacle qui se dressait devant eux. Le palais royal réduit à l’état de cendres et de pierres teintées de rouge, les villages en poussières où quelques maisons luttaient encore contre les flammes. Ce jour marque la fin du Royaume de Pique, détruit par les monstres en l’espace d’une nuit. Ils n’avaient rien épargnés, et cela aurait étonné les deux jeunes gens qu’il y ait des survivants.

Leurs regards se croisèrent, et dans un accord silencieux s’éloignèrent du royaume dévasté, devenu une terre à présent sous l’emprise des monstres.

La première s’arrêta soudainement, le regard dans le vide. On pouvait apercevoir grâce à la lumière de la lune un début de larmes perler au coin de ses yeux couleur azur, des larmes de tristesse, de culpabilité, de regrets.

Ils regrettaient tous les deux.

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