Chapitre 5

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 Gabin ne questionna pas davantage la possession du pistolet. Il enfila son sac à dos et indiqua à Jean la marche à suivre. Alors que Jean s’apprêtait à actionner la poignée, celle-ci se mit à tourner. Gabin se jeta sur la porte et l’empêcha de s’ouvrir. Il ressentit une force le pousser et fit signe à Jean de l’aider. Après plusieurs secondes, la force de l’autre côté cessa, comme découragée.

 — On a encore eu de la chance ! fit Jean.

 Ils attendirent près d’une minute, s’assurant qu’il ne s’agissait pas d’une ruse, puis ils ouvrirent la porte tout doucement. Personne aux alentours. Sur la pointe des pieds, ils se déplacèrent jusqu’aux escaliers et les descendirent. Soudain, arrivés au premier étage, ils aperçurent une silhouette montant les marches.

 — Euh… Bonjour, tenta Jean.

 L’ombre ne répondit nullement. Elle continuait de grimper à la même allure. Les deux adolescents se figèrent.

 — Monsieur, dit Jean, vous savez pourquoi les profs ne sont pas là ?

 L’homme leva sa tête brutalement. Son expression froide les fit frémir. Il mit la main dans son dos et en sortit un morceau de bois d’un mètre de longueur.

 — Ouais ben c’est ça, répondez-nous pas, malpoli ! pesta Jean.

Gabin sentit son cœur s’emballer.

 — Viens !

 Il tira la manche de son ami et l’incita à le suivre dans le couloir du premier étage. Ils coururent à s’en briser les jambes. Quand Jean risqua un regard derrière-lui, il remarqua que leur poursuivant les rattrapait, d’une démarche presque robotique.

 — Mais il va nous lâcher à la fin ?

 — Grouille-toi ! Il faut vite qu’on atteigne l’autre escalier !

 — Je comprends pas, c’est quoi son problème à ce type ?

 Gabin atteignit le premier l’autre côté du couloir, qui débouchait sur le second escalier. Il se retourna pour voir l’adulte se jeter sur Jean. En plein vol plané, le faux surveillant lui fourra un coup de bâton sur la rotule. Ils s’écroulèrent tous deux sur le sol, mais l’ombre se redressa aussitôt. Alors qu’elle allait asséner une nouvelle frappe, Gabin s’interposa, se saisissant du cylindre dans ses mains. C’est alors qu'il constata toute la laideur de leur opposant. Surplombant l’adolescent du haut de ses deux mètres, la rage était imprimée sur son faciès grisâtre, contrastant singulièrement avec son costume impeccable. Le jeune homme remarqua en même temps la chaleur étonnante qui se dégageait du bâton, comme si de la lave coulait en son sein. Gabin le relâcha puis envoya son poing dans le ventre du géant. Cependant, il ne broncha pas, et Gabin ressentit une douleur à ses phalanges, comme s’il eut frappé du métal. L’adulte répliqua dans l’instant ; il fouetta son agresseur sur la gorge. Gabin s’écroula, manquant brusquement d’air.

 — Je le bute ? demanda Jean, prêt à tirer.

Gabin ne parvint pas à répondre.

 — Bon bah on dit que je le bute.

Un coup de feu. La balle passa à côté de l’homme en costume trois pièces.

 — Putain, c’est pas précis ces trucs-là ! râla Jean.

 L’ombre allait frapper Gabin au visage quand, soudain, la colère immuable des ses traits se changea en peur. Il détala aussi vite qu’il le put.

 — C’est ça trouillard, casse-toi ! s’amusa le tireur. Oh la la, t’as vu ça ? Comment j’lui ai foutu les choquottes !

 Gabin se releva lentement, reprenant comme il le pouvait sa respiration.

 — Bien joué. Allez, on se casse.

 Alors qu’ils allaient reprendre leur marche, ils virent une immondice dans leur dos. Une énorme balle rouge de six décimètres de diamètre, pourvue de centaines d’yeux clignotants et se déplaçant à l’aide de cinq pattes longiformes démunies de pied, leur faisait face.

 — Je le bute aussi ?

 Gabin se sentit paralysé devant cette monstruosité. Jean tenta de tirer, mais seul un ‘clic’ se fit entendre. La créature s’approcha d’eux, les épia. Gabin ne pouvait contrôler ses tremblements. Toutefois, la difformité se contenta de passer entre eux, poursuivant son chemin. Les adolescents restèrent près d’une minute à regarder le globe irréel s’éloigner.

 — C’était quoi ça ? demanda enfin Gabin.

 — Un monstre, sans doute.

 — Oui, sans doute. Merde, on a failli crever !

 — Non je pense pas. Par contre c’est vrai qu’il m’a fait mal à la jambe ce fils de pute !

 — C’était clairement pas un surveillant. J’ai vu son regard. Il n’est pas humain.

 — Bah si. Si c’est un humain. Par contre l’autre rond là, lui ok.

 — Continuons.

 La panique enflait les yeux écarquillés de Gabin, tandis qu’elle ne semblait avoir aucun effet sur son camarade. Les escaliers descendus, il demanda à Jean pourquoi il n’avait pas tiré sur le monstre rouge. Après consultation de son arme, il comprit :

 — Mec, t’avais pas rechargé ton flingue entre deux...

 — Oups, la boulette.

 — Arrête de faire le con putain, concentre-toi deux secondes !

 — Pardon…

 — T’inquiète. Bon, dépêchons-nous de décamper de là avant que d’autres rappliquent.

 — Ouais, fit Jean, un brin de tristesse dans la voix.


 Ils sortirent du bâtiment, traversèrent la cour et passèrent le grillage sans encombre. Une fois dans la rue, Gabin pointa le ciel du doigt :

 — Tu vois ce truc violet là-bas ?

 — Oui ?

 — Bah c’est ça un Monarque.

 — Ah bon ? Je croyais que c’était un phénomène météorologique.

 — Nan, c’est un putain d’être vivant.

 — Eh ben mon neveu ! Ça alors, c’est rudement grand !

 — Je te l’avais dit. C’est cent fois plus grand que la plus grande des baleines.

 — Balaise le bestiau.


 Ils entrèrent dans la maison de Gabin, qui referma derrière-lui. C’est alors que le téléphone de Jean vibra.

 — C’est ma mère.

 — Bah décroche !

 Jean s’exécuta.

 — Oh mon cœur, tu vas bien ?

 — Bah oui tout va bien pas de soucis.

 — Oh, je suis tellement soulagée de savoir que tu es en vie ! Tu es encore à ta maison ?

 — Non, je suis chez Gabin là.

 — Parfait, surtout, reste-là !

 — Je bouge pas.

 — Je t’aime mon fils, tu le sais ça ?

 — Ouais… Moi aussi.

 — Écoute, je dois te laisser, on se reverra bientôt. Mais surtout, méfie-toi des hommes en costume. Ne t’approche pas d’eux, fui-les comme la peste. C’est eux qui ont eu papa.

 — Comment ça ?

 — Je te raconterai. Prends soin de toi ! Je t’aime chérie.

 La mère raccrocha, au bord des larmes.


 — Je suis désolé pour ton père, fit Gabin.

 — Boh, t’inquiète, il s’en sort toujours !

 — J’ai pas l’impression que…

 — Fais-moi confiance, mon daron c’est un vrai dur.

 — Si tu le dis…




 Bon ben voilà, la vie suit son cours. Tout est comme prévu. Le chapitre suivant promet autant d’ennui que celui-là, c’est parfait !

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