Chapitre 6

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 — Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Gabin, qui tournait en rond.

 — Je sais pas, y’a quoi à faire chez toi ? T’as la Play nan, on peut se faire une petite partie si t’es chaud ?

 — Je te parle pas de ça. C’est la fin du monde. Qu’est-ce qu’on peut faire pour empêcher ça ?

 — La fin du monde ? T’as pas l’impression d’exagérer un peu là ?

 — Je suis pas sûr. Ça y ressemble en tout cas.

 — Te fais pas de bile, tout va se régler de lui-même, tu verras.

 — Comment tu peux le savoir ?

 — Jusqu’à présent, tous nos problèmes graves se sont résolus. Y’a pas de raison que ça change.

 — Oui, mais et si cette fois-ci, c’était différent ?

 — Alors raison de plus pour jouer à la Play ! Si c’est nos derniers instants, autant s’amuser plutôt que de s’angoisser pour essayer de changer une situation à laquelle on n’y peut rien.

 — Ouais… T’as sans doute raison.

 Gabin alluma son téléviseur et sa Playstation. Ils jouèrent pendant près de quarante minutes. Le pouvoir du jeu vidéo leur fit oublier pendant un moment l’apocalypse. Soudain, on toqua à la porte. Paniqué, Gabin éteignit le jeu, pour ne pas faire de bruit.

 — Hey ! râla Jean. J’étais en train de gagner !

 — Chut ! Y’a quelqu’un.

 — Qui ça ?

 — Ben j’en sais rien ! chuchota vivement Gabin.

 — On va voir ?

 Le tambourinage continuait.

 — T’as raison, faut savoir qui c’est. Restons discrets.

 Plutôt que de se montrer devant la porte, ils regardèrent à travers la fenêtre qui donnait sur la rue. Ils virent une femme dans un costume trois pièces, identique en tous points à ceux des « surveillants ».

 — Baisse-la tête ! s’étrangla Gabin quand il remarqua que la femme tournait la sienne vers eux.

 — Elle nous a vu ?

 — Je sais pas… Peut-être. Peu importe, il faut pas ouvrir.

 — Mais pourquoi ? Ça se trouve elle est gentille.

 — N’importe quoi ! T’as pas entendu ta mère ? « Méfie-toi des hommes en costume. »

 — Si, justement. Ce n’est pas un homme en costume, mais une femme en costume.

 — Je suis presque sûr que c’est la même chose.

 — Euh… Gabin, t’es sérieux ? Tu connais pas la différence entre hommes et femmes ?

 L’adolescent fit claquer ses lèvres et tourna les yeux avant de rétorquer :

 — Mec, réfléchis deux secondes, « hommes » c’est peut-être un terme générique pour dire « humains » en général !

 — Et qu’est-ce qui me le prouve ?

 Gabin soupira.

 — T’es saoulant toi quand tu t’y mets.

 — Pardon. Elle est partie ?

 — J’en sais rien, j’entends plus rien

 Les deux compères se relevèrent lentement et faillirent souffrir d’une crise cardiaque quand ils virent la femme qui les observait, juste derrière la fenêtre.

 — Oh putain ! s’étouffa Jean.

 — Merde, elle nous a vu !

 — Aidez-moi, je vous en prie ! suppliait la femme en frappant désespérément sur les vitres. Laissez-moi rentrer !

 — Ignorons-la.

 — Elle est différente, fit Jean.

 — Comment ça ?

 — Les autres ne parlaient pas, elle si.

 Gabin ne put que confirmer ces propos. En outre, s’étant retrouvé si proche du visage rageur du faux surveillant, il constata que celui de la femme était bien différent. Il n’était pas d’un gris parme, mais d’un rose éclatant et ses traits n’étaient pas figés dans une expression colérique. Après tout, certaines personnes avaient bien le droit de porter des costards sans pour autant être des monstres. Des larmes coulèrent sur les joues de l’humaine en détresse.

 — C’est vrai. Je vais lui ouvrir.

 Lorsque Gabin ouvrit la porte, la femme se jeta à l’intérieur de la maison en criant : « Merci ! Merci ! ». C’est en la refermant que l’adolescent remarqua une orbe rouge munie de cinq pattes sur le trottoir d’en face, qui s’approchait sans se presser.

 — C’est quoi ce délire ? demanda-t-il.

 — Vous êtes qui ? interrogea Jean.

 — Je ne pourrais jamais assez vous remercier, dit la femme. J’ai eu tellement peur, j’ai cru que j’allais y passer pour de bon.

 Jean fixa le visage de la nouvelle arrivante. Il la trouvait très jolie. Quant à Gabin, il se mit à fixer le bâton accroché dans son dos.

 — Vous n’avez pas à nous remercier, signifia Jean, nous ne faisons que notre humble devoir.

 — Vous devez avoir soif, proposa Gabin, nerveux.

 — Oui, c’est vrai. Je n’ai jamais eu la gorge aussi sèche.

 — Je vous en prie, servez-vous, il y a une bouteille d’eau sur le buffet.

 — Merci, merci.

 La femme rejoignit la cuisine. Avant que Jean ne quitte le couloir, son ami le retint par la manche.

 — Quoi ?

 — Y’a un truc qui cloche.

 — Sa beauté ?

 — Non. Elle est un des leurs.

 — Comment ça ?

 — Elle a un bâton, comme eux.

 — Merde, j’avais pas vu.

 — Reste prudent.

 — T’inquiète.

 Ils rejoignirent leur invitée avant qu’elle ne se pose des questions.

 — Avez-vous un verre à me prêter ?

 — Oui bien sûr, dit Gabin en lui en tendant un.

 — Merci.

 Elle avala d’une traite son eau, puis se resservit un autre verre, qu’elle engloutit aussi vite.

 — Qu’est-ce qui vous est arrivé ? s’intéressa Jean.

 — J’étais pourchassée.

 — Par qui ?

 — Par quoi. Un monstre aux mille yeux.

 — Le genre de rond rouge là ?

 — Tout à fait. Vous en avez déjà croisé ?

 — Ouais, mais il nous a ignoré.

 — Ça ne m’étonne pas. Il n’attaque pas les gens comme vous.

 — « Comme nous » ?

 Gabin jeta un regard inquisiteur à son ami. Lui ne voulait pas connaître les réponses, la femme pourrait se sentir compromise et se retourner contre eux. Il attrapa discrètement un couteau, qu’il cacha derrière ses habits.

 — Oui, soupira l’incrustée. Je ne me sens pas de vous l’expliquer pour l’instant.

 — Pas de soucis, ne vous forcez pas, tenta Gabin.

 — Bien dit, répliqua Jean. Nous ne voudrions pas embarrasser une femme si ravissante.

 — Je vous remercie, répondit-elle sans paraître affectée outre mesure par ce compliment.

 — Mais je ne me suis même pas présenté ! fit Jean, mimant l’étourderie. Je suis Jean, et voici mon ami Big Foot.

 — Appelez-moi Gabin… soupira-t-il.

 — Enchantée. Mon prénom est Katherine.

 — Stylé !

 — Merci.

 — Au fait, s’inquiéta Gabin, le monstre ne risque pas de venir ici ?

 — Je n’espère pas. Souvent, simplement disparaître de leur champ de vision suffit à les semer.

 — « Souvent » ?

 — Oui.

 — Bon, tant mieux.

 — Vous voulez quelque chose à manger ? proposa Jean.

 — Volontiers !

 — Il me reste des gâteaux je crois, expliqua Gabin à contre-cœur.

 — Parfait, je n’ai rien avalé depuis plus de vingt-quatre heures.

 Gabin ouvrait le placard à biscuit quand son ami demanda :

 — Et sinon, c’est quoi ce manche à balais dans votre dos ?

 — Oh, euh, eh bien, comment dire…

 Gabin eut l’impression que ses yeux sortirent de leur orbite. Il referma bruyamment le placard.

 — Je vous en prie, asseyez-vous pendant qu’on va chercher des gâteaux au garage. Vous devez être épuisée.

 — C’est bien vrai… Merci.

Avant que Jean n’ouvre sa bouche, Gabin le pris par le bras et l’amena au garage.

 — Qu’est-ce qu’il y a ?

 — Mec, lui pose plus de questions !

 — Mais pourquoi ?

 — Imagine elle comprend qu’on l’a percé à jour. Elle va vouloir nous buter pour garder le secret. Il faut qu’on passe pour des débiles qui comprennent rien si on veut garder l’effet de surprise.

 — Elle a l’air de notre côté pourtant. Elle pourrait peut-être nous apprendre des infos capitales.

 — Non ! Reste silencieux à partir de maintenant, laisse-moi faire.

 Gabin se saisit d’une boîte de biscuits chocolatés.

 — Et ne la laisse pas regarder dans le placard. Il faut pas qu’elle voit qu’il restait des gâteaux dedans, OK ?

 — No problemo.

 Gabin prit une grande respiration, puis apporta la nourriture.

 — Et voilà les…

 Il ne parvint pas à finir sa phrase. Katherine avait posé sa longue massue sur la table. Elle regardait droit devant elle, les mains sur les cuisses.

 — Je vais tout vous expliquer.

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