47. Le mariage.

6 minutes de lecture

Le temps passa, Adèle et Bertrand se marièrent à l’église en août.

Camille, aux premières loges, les photographiait tant qu’elle le pouvait. Elle avait couru les boutiques avec sa « maminette » afin de trouver « la » robe de mariée qui permettrait à Adèle d’être à l’aise pour entamer le dernier trimestre de la grossesse tout en ayant, comme Camille le précisait, l’air « d’une vraie mariée ».

Elles tombèrent d’accord pour une robe avec une taille haute et de la fine dentelle. Adèle allait aussi porter un bibi en dentelle, assorti à sa robe.

Le dernier essayage eu lieu trois jours avant la cérémonie. Elle était accompagnée de sa belle-fille et de Vanessa qui se rapprochait fortement d’Adèle ces dernières semaines. Les deux femmes s’entendaient finalement très bien. Camille osa même les appeler « mes deux mamans » devant sa mère qui n’y fit aucune objection.

Le jour J, la cérémonie fut longue, mais la fraîcheur de l’église en contenta plus d’un, incommodés par un mois d’août très chaud.

Beaucoup d’amis vinrent dévoiler leurs vœux pour le couple. Adèle et Bertrand furent heureux et parfois surprit de la part de certains qui projetèrent des photos d’eux deux, vieilles de quinze à vingt ans, desquelles ils firent des commentaires sous-entendant qu’à l’époque déjà, ils avaient compris qu’ils finiraient ensemble.

D’autres furent plus émouvant, comme Blaise, l’ami d’enfance de Bertrand, qui expliqua combien il les enviait et les poussait à entretenir le bonheur qu’ils vivaient à deux.

L’après-midi fut réservé à la réception dans un manoir que les parents de Bertrand avaient loué pour l’occasion.

— Tes parents ont vu grand, mais c’est superbe !

— Oui, tous les invités peuvent rester jusqu’à demain midi, les enfants peuvent courir partout, il y a à boire et à manger pour tout le monde, c’est reposant. Regarde, mes parents sont tout fiers !

— Ils peuvent bien l’être, c’est un super cadeau pour nous et une organisation sans faille !

— Ça, c’est ma mère…

— Oui, je la reconnais bien là !

Ils s’embrassèrent, assis dans une balancelle, un peu à l’écart et à l’ombre. Ils savouraient ce moment de pur bonheur.

Soudain, Blaise apparus à leurs côtés, un peu nerveux. Il s’adressa à son ami,

— Bertrand, ta cousine, je crois qu’elle va accoucher !

Sortant de sa bulle, Bertrand lui demanda, en souriant et en caressant le ventre d’Adèle,

— Qui va accoucher ? Junior n’est prévu que dans deux mois, tu sais…

Blaise leva les yeux au ciel et ne put s’empêcher de sourire puis reprit un ton sérieux pour préciser,

— Mais non, pas Adèle, Daphnée, ta cousine ! Elle a des contractions depuis l’église, mais elle ne veut pas quitter la fête.

Il dodelina de la tête en rigolant puis précisa,

— Je n’ai pas trop envie qu’elle accouche ici, tu vois…

Sceptique, Bertrand lui dit,

— Tu crois ?

Adèle intervint,

— Euh, oui, Bertrand, si mes calculs sont bons, elle est presque à terme ! Souviens-toi, on avait tenu compte de cela par rapport au choix de la date du mariage, on s’était dit qu’une semaine ou deux avant terme, c’était bon.

Elle regarda Blaise et lui demanda,

— T’en penses quoi, toi ? Tu es dans le métier…

— Eh bien, je lui ferais bien un touché vaginal pour savoir où elle en est, mais, bon, je ne suis ni son gynéco ni sa sage-femme. Elle et moi, on ne se connaît que des fois où l’on s’est déjà croisé à vos petites fêtes. On s’entend bien, tu le sais, mais bon, l’examiner, c’est autre chose …

Blaise, l’un des rares hommes à effectuer le métier de sage-femme, avait bien repéré que Daphnée avait tous les signes qui lui permettaient de dire que le travail était enclenché, mais bon, comment intervenir sans être intrusif… Et puis, il aurait préféré faire plus ample connaissance avec elle, plus simplement, autour d’un verre, par exemple.

Il connaissait la situation de Daphnée et la comprenait. Lui-même était père célibataire ; son ex lui ayant laissé la garde de leur fils, Lucas, afin de pouvoir aller travailler de l’autre côté du pays sans contrainte.

Daphnée et lui s’entendait bien, ils s’étaient rencontrés lors du mariage civil d’Adèle et Bertrand. Ils avaient souvent discuté ensemble, notamment, à propos des soucis de la monoparentalité, mais ils n’étaient pas allés plus loin. Blaise avait flashé sur elle, mais était mal à l’aise par rapport au père de l’enfant qu’elle portait, qui était susceptible de réapparaitre à tous moment. Il restait donc discret et prudent.

Cependant, à l’heure actuelle, pour Blaise, la situation semblait urgente. Adèle regarda Bertrand et lui proposa,

— Viens, on va voir sur place.

Les trois se dirigèrent vers la pièce où Blaise avait laissé Daphnée avec Marie et Charles.

Sur le chemin, ils croisèrent Charles qui leur indiqua que Daphnée avait regagné sa chambre, toujours accompagnée de Marie.

En s’orientant vers la chambre de Daphnée, ils furent rejoints par ses parents, inquiets et prêts à appeler une ambulance. Tout ce petit monde se bouscula jusque dans la chambre de Daphnée, ce qui irrita Blaise. La situation était stressante et le couloir bourdonnait comme une ruche

En le voyant entrer, Daphnée souffla, entre deux contractions,

— Oooh, Blaise, ça pousse, c’est de plus en plus bas… Ça fait mal…

Blaise tiqua. Il pensait être encore dans les temps pour pouvoir la faire évacuer par ambulance et ne pas devoir intervenir personnellement, mais il commençait à comprendre qu’il n’y couperait pas. Il lui demanda,

— Tu as contacté ta sage-femme ?

Lasse, Daphnée lui répondit,

— Oui, mais je tombe sur son répondeur, je lui ai laissé trois messages, elle n’a toujours pas rappelé.

Au vu de ce que Daphnée montrait comme signes, il sentit que l’accouchement était proche. Il était coincé. Il devait au moins l’ausculter, pour être sûr. Mais pour cela, il fallait un peu plus d’intimité dans cette chambre qui grouillait de monde.

Soudain, il prit les choses en main et s’exclama,

— Bon, il y a beaucoup trop de monde ici ! Daphnée, tu peux garder quelqu’un pour te soutenir, mais là, nous sommes trop nombreux, tu as besoin d’oxygène et d’intimité.

En les poussant à sortir, il demanda aux parents de Daphnée de se débrouiller pour lui faire parvenir des serviettes propres et des bassines d’eau, puis, se tournant vers Marie dont Daphnée tenait fermement la main, il dit,

— Ok, vous la soutiendrez.

Finalement, il s’adressa aux mariés du jour, avec un sourire malicieux,

— Et vous deux ? Adèle, si tu veux savoir ce qui se passera, pour toi, dans deux mois, vois avec Daphnée si tu peux rester. Bertrand, je préfère te savoir à proximité, au cas où !

Daphnée blêmit, Blaise la rassura,

— Juste une question de sécurité Daphnée. Je passe chercher ma trousse dans la bagnole, je me lave les mains et je suis à toi.

Ce qu’il fit, au pas de course.

Après auscultation, il claironna,

— T’es déjà à huit centimètres, pour une primipare[1], tu es rapide. Il est déjà bien engagé, la position céphalique est nickel, tu auras un accouchement eutocique[2] sans problème, je crois.

Voyant les mines interrogatives autour de lui, il traduisit,

— Euh, oui, elle presque à dilatation complète, le bébé est bien positionné et il est quasi prêt à sortir, c’est ça que Daphnée le sent pousser aussi fort.

Il précisa encore,

— Il n’y en a plus pour très longtemps.

Entre deux contractions, Daphnée sanglota,

— Je vais accoucher ici ? Mais, non, je vais aller à l’hôpital, vous devez continuer à faire la fête !

Comme Daphnée fit mine de vouloir se lever, Blaise lui affirma,

— Tu peux changer de position si tu veux, mais sache que tu n’iras pas bien loin et, que tu le veuilles ou non, tu accoucheras, ici, dans moins de deux heures !

Daphnée sembla se décomposer doucement. Des larmes coulèrent sur ses joues. Soudain, elle demanda,

— Est-ce que je pourrais rester seule avec Blaise un moment ?

Tout le monde sorti, les laissant seuls dans la chambre. Les serviettes et l’eau arrivèrent sur ces entrefaites.

***

[1] Se dit d'une femme qui accouche pour la première fois.

[2] Un accouchement eutocique est un accouchement qui se déroule tout à fait normalement sur le plan physiologique.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Dolhel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0