chapitre 10

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Ça n’a pas trop été difficile de convaincre mon père de me laisser partir camper pour le reste de la semaine. Je lui ai expliqué avoir besoin de grands espaces avant de m’enfermer de nouveau, qu’Askyn m’accompagnait et que Sirius viendrait nous ravitailler.

La proposition d’Adam, bien qu’elle m’ait surprise, m’a ravie et tombe à pic. J’ai vraiment besoin de me changer les idées. Et l’idée de passer cinq jours en Territoires Irradiés est excitante. Surement l’attrait de l’interdit.

Askyn semble aussi enchanté que moi de m’accompagner. Il avait déjà fait des allers retours pendant ces six mois, me dit-il, mais jamais aussi longtemps. Je le soupçonne d’être tombé sous le charme de Tiffany, mais qui ne le serait pas ?

Sur le trajet, tandis que la jeep nous secoue dans tous les sens, je raconte à Askyn les nouveaux engins sans roue et les distributeurs volants de pop corn. Je lui vante également les navettes construites par Titan Industries, et le plaisir de piloter. Je n’ose cependant pas lui avouer mon impatience de pénétrer prochainement dans le premier vaisseau amiral, cette envie m’apparaissant déplacée au vu des circonstances.

Nous arrivons enfin au ranch. Je suis médusée par l’avancée des travaux. Il est maintenant pratiquement terminé. Plusieurs dizaines de chevaux peuplent les enclos.
Tiffany vient à notre rencontre en agitant la main.

- Quelle excellente idée a eu Adam de vous inviter à passer quelques jours ici.

Je lui réponds en souriant.

-  Oui au final il n’est pas si désagréable que ça quand il y met du sien.

-  Ça, c’est de la part de ma grand-mère, explique Askyn en tendant à
Tiffany un des paniers laissé par Shirin. Et dans la version officielle,
il est destiné à nourrir deux personnes. Tiffany se met à pouffer.

- Alors je devrais te présenter la mienne. Venez, nous dit-elle en nous

entrainant vers le ranch, je vais vous faire visiter, ça a bien changé depuis la dernière fois Aura.

Le ranch est vraiment magnifique. Une immense salle de séjour avec une cheminée au milieu, des chambres avec vue sur les montagnes. Tiffany nous laisse nous installer. Quand nous redescendons, elle est en train de ranger nos victuailles dans la cuisine.

-  Il faudra m’expliquer comment vous avez réussi à ne pas devenir énormes.

-  Ah ah, l’exercice au grand air, dit Askyn

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- Et moi malheureusement, la cantine du Collège depuis mes 11 ans, dis-je en faisant la grimace.

J’embrasse le salon du regard.

-  A qui appartient tout cela ?

-  A Léto. Il est Maire de la Cité, du coup ça permet d’avoir de petits
privilèges. D’après ce que m’a raconté Askyn, si on devait comparer sa position dans la hiérarchie par rapport à votre système, il ferait partie du Commandement Suprême. C’est bien ça Askyn? lui demande-t-elle en le regardant.

-  Parfaitement, tu as bien retenu ma leçon, lui répond-il en souriant. Et chez vous l’équivalent de notre Commandement Suprême, c’est bien l’Etat Major ?

-  Eh oui, toujours des termes militaires, soupire-t-elle. C’est bien triste. Mais assez parlé de choses sérieuses, dit-elle, on est ensemble pour passer du bon temps. Venez, allons dehors, Aura doit faire le plein d’oxygène, elle risque d’en avoir un grand besoin bientôt, d’après ce que j’ai pu comprendre.
Tiffany nous emmène faire le tour du ranch, et nous montre fièrement les nouveaux chevaux. Une bonne moitié a déjà été débourrée. Tiffany m’explique qu’elle a choisi la médecine comme parcours, car, me dit- elle, elle aime soigner et soulager les gens. Ce qui ne m’étonne absolument pas, pour le peu que je connaisse d’elle.
A travers ses paroles, je découvre que la vie sur cette partie de la terre n’est pas si différente de la nôtre. Les irradiés ont reconstitué un système de société un peu identique à celui des Territoires Sains. Un Etat Major de 20 personnes président aux décisions. Un chef, le Chef de l’Etat Major, parmi ces 20 personnalités, mais n’étant qu’un exécutif se conformant aux décisions prises à la majorité. Chaque représentant de l’Etat Major est le Maire d’une des 20 cités des territoires. Après Storm, les habitants se sont regroupés entre eux, et au fil du temps, 20 grosses cités ont ainsi émergé. Léto est le Maire de la cité que j’ai entraperçue en allant chez lui.
Storm a tué beaucoup d’habitants. Soit sur le coup, soit suite aux irradions. Les survivants se sont trouvés dans l’obligation de se protéger contre les radiations encore actives. D’où la vie sous terre. A

des fins d’efficience bien compréhensibles, la société s’est compartimentée en corps de métiers: ceux qui soignent, ceux qui nourrissent, ceux qui gèrent, ceux qui enseignent, ceux qui cherchent des solutions techniques pour lutter contre les radiations... La priorité étant tournée vers cet objectif, la société des irradiés a ainsi généré de nombreuses carrières scientifiques. J’ai le sentiment qu’ils sont beaucoup plus développés dans ce domaine là que nous. Ne pouvant au début se déplacer par l’extérieur, ils ont construit sur la centaine d’années des tunnels souterrains reliant les cités, connectées entre elles par des espèces de trains extrêmement rapides propulsés par air comprimé. Avec la réappropriation de l’extérieur, les véhicules solaires ont refait leur apparition, et d’après Tiffany, des engins volants auraient été mis au point, mais elle ne les a encore jamais vu.

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Au final, la société des Territoires Irradiés est peut-être plus développée que la nôtre. Je n’ose même pas imaginer ma province à côté d’eux. Chez eux, toutes les cités se sont développées au même rythme, fonctionnant sur l’entraide et le transfert de technologie. Chez nous, le Commandement Suprême a écarté des provinces entières du progrès scientifique. L’ancien monde a continué sur ses travers, alors que les irradiés ont eu la possibilité, et peut-être l’intelligence de construire un monde nouveau, dans lequel personne n’est exclu.

Louis vient nous rejoindre en début de soirée, et nous préparons le diner à quatre. Il appartient au corps de métier assurant la nourriture à la population. Il surveille les cultures, s’assure de leur comestibilité, gère les plantations, et contrôle les stocks, les « exportations » et « importations » vers les autres 19 cités. Chacun dans la société a un rôle bien précis à jouer et une tâche à remplir. Grâce à cette organisation très stricte, leurs aînés ont pu survivre. Louis nous annonce sa prochaine nomination à la gestion du ranch.

Nous passons une excellente soirée. Cela fait longtemps que je ne m’étais pas détendue en société de la sorte. Je décide de profiter pleinement de ces cinq jours, sans penser à la suite. Je suis la première à monter me coucher, je suis encore sur le rythme du Collège.

Je m’endors comme une masse. Mais mon sommeil est agité. J’entends toujours la même voix : « Aura, ma petite Aura. Tu ne me reconnais pas ? Cherche bien au fond, tout au fond de toi ». C’est la voix de la personne du Réseau de l’hippodrome. Je me réveille en sursaut. Je suis en nage. J’écoute. Un silence absolu, sauf le gri-gri des grillons. Impossible de me rendormir. Autant rejoindre les grillons et prendre l’air dehors. Je me glisse hors de mon lit, et sans faire de bruit, pieds nus, je sors de ma chambre. A cette heure-ci, je ne risque de croiser personne.

L’air dehors est délicieusement parfumé. Il y a un grand carré d’herbe devant la maison. Je m’y allonge sur le dos en écartant les bras comme pour embrasser le ciel en face de moi et je regarde les étoiles. Bientôt, plus personne sur cette terre ne pourra faire cela, et une grande partie d’entre nous sera en haut.

Je ferme les yeux. Une chouette hulule au loin. Je commence à somnoler lorsque je sens le sol vibrer sous des pas. Je roule sur l’herbe pour me redresser et je vois la silhouette d’Adam se découper sous la lumière de la lune.

-  Je suis désolé, je n’ai pas voulu te faire peur. Reste allongée.

-  Que fais-tu ici ? Je te croyais au QG avec ton père.

-  Oui, mais nous avons terminé en début de soirée, donc je me suis dit
que j’avais le temps de venir ici avant que vous ne terminiez la soirée. Quand je suis arrivée, les autres étaient encore en bas, mais tu étais montée te coucher.
Je me rallonge sur le dos.

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- Oui, je dois être une petite nature. Je viens refaire ici le plein de forces avant de replonger dans mon univers.

Il s’assoit à côté de moi.
- Je comprends, moi aussi, je viens me ressourcer ici.
Je m’étais promis de pas penser au futur pendant ces cinq jours, mais c’est plus fort que moi.

-  Comment les choses avancent-elles ?

-  Assez rapidement. Tu sais, contrairement à vous, d’après ce que m’a
décrit Sirius de votre organisation, nous sommes un peuple luttant pour sa survie. Les informations que tu nous as confirmées vont certes changer un certain nombre de choses, mais nous avons appris à réagir vite et nous adapter. Léto est parti à l’Etat Major pour les informer, et les décisions vont être adoptées très rapidement. Nos scientifiques sont très bons, et d’après Sirius, meilleurs que les vôtres. Ils vont sans délai plancher sur des solutions alternatives pour nous permettre d’affronter cette nouvelle épreuve.
J’emplis mes poumons de cet air parfumé, que bientôt nous n’aurons plus ni en bas, ni en haut.

-  J’ai parfois l’impression de vivre un mauvais rêve.

-  Je comprends, dit-il. Mais le plus simple dans ces situations, c’est de
savoir accepter pleinement les évènements. Alors seulement tu peux
avancer. Il ne faut plus regarder en arrière, mais en face. Il s’arrête, puis reprend :

- Et à chaque situation, il faut prendre le bon côté des choses. Sans

cela, jamais peut-être nous serions nous tous rencontrés. Et, ajoute- t-il en regardant vers la maison, j’en connais deux qui, à mon avis, ont trouvé une satisfaction à celle-ci.

Je ne comprends pas le sous entendu. Je fronce les sourcils. Il me regarde et sourit.
- Ah mince, j’ai peut-être commis une bévue. En six mois, beaucoup de

choses se sont passées, et là, si tu ne t’es encore rendue compte de rien, en cinq jours, tu vas difficilement passer à côté. Mais peut-être ne sait-il pas comment te l’annoncer ? Il est vrai que vous semblez très proches tous les deux, ça nous a tous beaucoup intrigués au début.

Askyn ! Askyn sort avec Tiffany ! Je digère l’information. Ça me fait bizarre. Ce n’est absolument pas de la jalousie, j’apprécie trop Tiffany pour cela. Mais imaginer devoir le partager avec quelqu’un d’autre, après toutes nos années ensemble, me fait un petit, même un gros pincement au cœur.

Adam se méprend sur mon silence.
- Je suis désolée, je ne savais pas que tu tenais à lui à ce point là.
Je le coupe de suite.
- Non, non, ce n’est absolument pas ce que tu crois. J’aime Askyn, et je

l’aimerais toujours. Mais je l’aime comme un frère que je n’ai jamais eu. Il fait vraiment partie de moi. On a été élevé ensemble, et on s’est retrouvé tous les deux quand on a perdu nos mères quasiment en même-temps, moi la mienne et lui juste après. On s’est donc renfermé, mais sur nous deux. Je tiens à lui comme à la prunelle de

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mes yeux. Je l’aime, et je serais prête à tout sacrifier pour lui. Mais pas dans le sens où tu l’imagines. Et je pense que lui aussi ressent la même chose envers moi. Comme si on était de vrais jumeaux. J’imagine qu’il fallait qu’un jour le cordon entre nous se rompt. C’est fait.

Je m’arrête, puis je reprends :
- Je suis contente pour lui, mais aussi, c’est comme si j’avais un grand

vide. C’est difficile à expliquer. Mais je suis ravie que ce grand vide soit le fait de Tiffany. Cette fille est exceptionnelle, on se sent tellement bien quand on est avec elle.

Adam rigole doucement et tente de détourner la conversation.

-  Ah oui, mais elle triche avec cela.

-  Que veux-tu dire ?

-  Tu ne l’as pas senti ? Tu sais qu’elle fait partie des soignants. Tu ne
t’es pas demandée pourquoi ? Le côté parfois positif des radiations, c’est qu’elles ont agi sur certains, et que ces personnes ont la chance d’avoir développé des parties jusque là insoupçonnées de notre cerveau.

-  Oui je sais, Duncan nous a expliqué les mutations génétiques engendrées.

-  Eh bien Tiffany a le don d’apaiser et même de soigner par magnétisme. C’est pour cela que tout le monde se sent si bien avec elle.
Sans réfléchir, je demande à Adam :

- Et toi ? tu as développé quelque chose ?
Je regrette instantanément d’avoir posé cette question idiote. Son ton est surement plus sec qu’il ne le souhaite :
- A priori, jusqu’à maintenant, on n’a rien détecté chez moi. Je n’ai

même pas eu ça en lot de consolation. Mes vrais parents n’auront

pas eu, au final, de regrets de ne pas m’avoir recherché. Effectivement, certaines personnes de chez nous quittaient volontairement la zone saine afin de retrouver l’enfant soustrait par les autorités. Louis nous avait expliqué au diner que dans ce cas là, l’enfant une fois retrouvé, on saluait le courage des parents en les intégrant à la société de l’autre côté du bouclier.
Je ne sais quoi dire, je murmure bêtement : « Je suis désolée ».
- Non, ne le sois pas. J’ai eu énormément de chance d’avoir été

recueilli par Léto. Il me considère comme son vrai fils, et je n’ai

jamais connu que lui. Je pense qu’au final, j’y ai gagné.
Je ne sais pas pourquoi, je cherche sa main, je la trouve et la lui sert. Il ne la retire pas.
- Bon mademoiselle, il serait peut-être temps d’aller nous coucher, si

demain nous voulons profiter pleinement de la journée. Qu’en dites-

vous ?
Il m’aide à me relever. Nous rentrons sans bruit dans la maison. Puis devant la porte de ma chambre, il s’arrête et me dit en souriant :
- Bonne nuit.

* **

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Le soleil illumine ma chambre. Je me réveille, ou pour être plus exacte, Askyn me tire de mon sommeil.
- Ah, ah, me sussure-t-il à mon oreille, à mon tour de venir te

surprendre au saut du lit.
Je me retourne et me cache sous les draps
- Gros malin. Plus facile de me réveiller que de m’annoncer me quitter

pour une autre.
Il est coupé net dans son élan :

-  Tu es au courant ? Qui te l’a dit ?

-  Adam, dis-je en grognant sous les draps.
Pas de réponse. Je risque un œil dehors. Askyn semble figé sur lui- même. Je sors ma tête des draps.

- Ne t’inquiètes pas, je vais m’en remettre. Je fronce le nez.
- Mais tu aurais pu me le dire.
Il s’assoit sur le rebord de mon lit :

-  Je suis désolée Aura, mais je ne savais pas comment te l’apprendre.

-  Espèce d’idiot, dis-je en me redressant. Tu pensais quoi ? Que j’allais
te faire une scène ?

-  Tu ne m’en veux pas alors ? Je secoue la tête.

- Tu es complètement fou. Tu ne pouvais mieux trouver que Tiffany.

Tu as beaucoup de chance. Et à deux on est plus fort. Il s’approche de moi, et me serre dans ses bras :

-  Mais tu seras toujours ma princesse

-  Grand dadet, bien sur que je le sais.
Une ombre passe alors devant ma porte entrouverte. Elle s’arrête puis repart. Je m’écarte d’Askyn. C’est vrai que notre attitude prête à confusion, moi à moitié déshabillée et les cheveux en bataille, lui torse nu. Et puis mince, Askyn et moi avons toujours eu une relation particulière, tant pis pour ceux qui ne comprennent pas.
Tout le monde est déjà en bas lorsque nous descendons. Je salue Duncan que je n’avais pas encore vu. Adam semble ne pas me prêter attention.

-  Alors, Duncan, tu viens nous aider à attraper des chevaux ?

-  J’aimerais bien ma belle, me répond-il en souriant, mais je suis ici à la demande de ton oncle.
Je lève un sourcil, interrogative.

- Eh oui ma jolie, il s’inquiète et voudrait que je te prépare à ce qui

t’attend. Sur tous les plans. Je dois aussi te montrer tous les moyens de communication dont on dispose. Bien sur, nous avons des relais sur place qui t’aideront en cas de besoin, mais si tu maitrises tout toi-même, ça sera déjà plus simple. Mais ne t’inquiètes pas, dit-il en souriant, on fera ça le matin, comme ça tu pourras souffler l’après- midi.

Il me désigne Askyn et Adam.

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- Et tous deux se sont portés volontaires pour m’aider dans ton entrainement. Tu es d’accord ?

Je soupire.

-  J’imagine que je n’ai pas trop le choix ?

-  Effectivement non. Ce vieux gredin de Sirius m’a dit que tu avais une
bonne résistance physique, et que tu apprenais vite en cas d’enjeu réel. Sur ce plan, tu vas être servie, termine-t-il sa phrase avec un sourire en coin.

-  Fichez lui la paix, interrompt Tiffany, et laissez-là prendre tranquillement son petit déjeuner.
Je lui retourne un regard reconnaissant. Elle me répond par un sourire. Comment Askyn a-t-il pu imaginer que je pouvais ressentir une seule once de jalousie envers elle ?
Après le petit déjeuner, Duncan nous mène au sous sol dans une salle capitonnée. Je devine la salle d’entrainement, le sol est recouvert d’un tapis de mousse épais.

- Aura, me dit Duncan. Que sais-tu des armes du Commandement

Suprême ?
Je le regarde avec étonnement, je pensais que nous allions nous entraîner.

-  Eh bien au Collège, on nous apprend le maniement des armes
blanches. Ensuite nous pouvons disposer de lasers, en pistolet ou sabre. Mais cela s’arrête là. Y aurait-il des armes que je ne connais pas ?

-  Effectivement oui. Je ne sais pas si Sirius est entré dans les détails, mais cela fait maintenant une cinquantaine d’années que nous avons infiltré certains de vos services. Ça a plutôt été facile, vos gouvernants sont tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils n’ont pas imaginé un seul instant que nous étions en mesure de survivre, de reconstruire une société, et de nous intéresser à ce qui se passe de l’autre côté pour être en mesure de répliquer en cas de nécessité.
Il marque une pause, puis reprend en souriant :

- Je me trompe, ou c’est l’image que tu avais de nous avant de

nous connaître ?
Pour toute réponse, je hoche honteusement la tête en silence.
- Au final, c’est plutôt rassurant, répond-il. Nous vous avons donc

infiltré et rapporté des petites choses qu’on t’a apparemment

cachées.
Je fixe Duncan avec un air interrogateur.
- Ton oncle m’a dit qu’il t’a appris à faire des exercices de respiration

quand tu étais petite ?
Je suis encore plus surprise. Quel est le rapport entre les exercices de respiration d’oncle Sirius et ces histoires d’armes cachées ? J’affiche une réponse ironique.
- Complètement. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, un, deux, trois,

quatre, cinq j’expire
Duncan conserve son sourire en coin.

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- Tu ne crois pas si bien dire. Bon on va tester tes réflexes. Tiens attrape ce bouclier.

Je réceptionne le boitier et je le fixe à mon poignet.
- Adam, tu lances le module ?
Adam a l’air inquiet. Il regarde Duncan, puis moi-même. - Déjà ? Sans préparation ? Tu es sur ?

Duncan ne m’a pas quittée des yeux. Il me fixe avec un petit sourire.
- Sirius m’a dit que sa nièce avait toutes les capacités requises pour

cette mission. On va donc s’en assurer. Vas-y.
Je les regarde tous trois d’un air interrogateur. Adam a l’air au supplice pendant qu’Askyn se tient dans un coin de la salle, sans rien dire. Adam ouvre une boîte et une petite boule en sort, volète dans la pièce, screenant celle-ci.
- La petite boule que tu vois Aura est une tueuse. Elle est réglée pour

tuer tout être humain dont le cœur bat au-dessus de 90 pulsations par minute. Tu comprends son intérêt ? Ce sont les gardiennes du temple. Plus besoin d’hommes que l’on peut soudoyer. C’est avec ça que le Commandement Suprême conserve ses plus grands secrets. Et quand on sait qu’on est danger, difficile de conserver un rythme cardiaque à la normale.

Pendant qu’il parle, mon cœur commence à s’emballer. D’instinct, j’ai activé mon bouclier. Bien m’en a pris, car j’entends un crépitement. Un premier éclair. Je pare avec le bouclier.
La boule me suit, je cherche un endroit où me cacher. Je passe derrière le sac de boxe. Fizz ! un éclair vient le frapper.

- Inutile de chercher à fuir Aura. Concentres-toi sur ta respiration. Quitte à t’asseoir par terre et ne plus bouger jusqu’à redescendre en dessous de 90. Tu dois être capable de dominer ton corps et tes émotions.

Je ferme les yeux. Mon cœur bat la chamade. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, un, deux, trois, quatre, cinq j’expire. Je cherche dans mon esprit quelque chose qui pourrait me détendre. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, un, deux, trois, quatre, cinq j’expire. L’image de mon chat apparaît devant moi. Bien sur. Caramel. Caramel roulé en boule sur mon lit. Caramel s’étirant lorsqu’il se réveille. Caramel se collant à moi en ronronnant. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, un, deux, trois, quatre, cinq j’expire. Mes muscles se détendent peu à peu. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, un, deux, trois, quatre, cinq j’expire. Une douce chaleur commence à m’envahir. J’ouvre doucement les yeux. La boule est à la hauteur de ma tête. Je visualise la tête de Caramel à sa place. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, un, deux, trois, quatre, cinq j’expire. La boule tourne autour de moi, puis repart doucement et je la vois entrer dans la boîte qu’Adam referme aussitôt.

Je me laisse tomber sur le sol. Le bouclier se rétracte. Je transpire de sueur.
J’entends des applaudissements. C’est Askyn.
- Bravo Aura ! Je leur avais bien dit et Sirius aussi. Tu es une des rares

à avoir passer le test avec brio ! En général, ils sont tous morts. Je le regarde en ouvrant de grands yeux.

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- Je rectifie ! Devraient tous être morts
Duncan éclate alors de rire devant ma tête, et dit :
- Tu ne crois tout de même pas qu’on a laissé de vrais lasers ? C’est

juste de la lumière pulsée.
Je lance à Adam et Askyn un regard furieux. Duncan rigole de plus belle. - Et tu es encore plus brillante que les autres. On équipe normalement

les candidats avec un bracelet qui indique le niveau de pulsation

cardiaque.
Je ferme les yeux. J’entends Duncan dire aux garçons.
- Je crois que c’est bon pour aujourd’hui, Aura a eu son compte

d’émotions fortes. Vous avez quartier libre pour la journée. Et il nous quitte en sifflotant, l’air très satisfait.

* **

Je pars me doucher sans un regard ni un mot pour Adam et Askyn.

L’eau ruisselle sur mon visage. Je suis encore sous adrénaline. Et furieuse. Non pas pour avoir été mise à l’épreuve. En acceptant de travailler pour le Réseau et bientôt pénétrer les locaux du commandement, je m’y étais préparée. Mais apprendre que le commandement a à sa disposition des armes aussi perverses, et que mon grand-père a cautionné ces instruments de mort me met dans une rage froide. Le Réseau est plus élaboré que ce que j’imaginais, pour avoir eu connaissance de ces informations confidentielles.

Quelqu’un frappe à ma porte. Askyn vient sans doute s’excuser. J’attrape une serviette, je crie « Entre » et me tourne délibérément vers la fenêtre pour lui montrer que je ne suis pas contente. Dès qu’il est dans la pièce, je lui lance :

- Eh bien merci, l’esprit fraternel. D’abord Tiffany, après ces boules à pulsation. C’est quoi la troisième surprise de la journée que tu m’as cachée ? lui dis-je en me retournant d’un coup.

Je me retrouve nez-à-nez avec Adam. De surprise, je glisse en me prenant les pieds dans le tapis, et je me serais affalée par terre s’il ne m’avait pas rattrapée. Il est plus puissant qu’il n’en a l’air, j’ai l’impression d’être un fétu de paille dans ses bras. Pour me retenir à lui, j’ai du coup lâché la serviette qui tombe à moitié par terre.

Adam me regarde dans les yeux, et me dit :
- C’est ça, l’esprit fraternel entre toi et Askyn ? - Et avec un petit

sourire - je ne suis pas certain que Tiffany, avec toute son ouverture

d’esprit, apprécierait quand même.
Deux solutions s’offrent alors à moi : soit je me mets en colère, soit j’éclate de rire. A vrai dire, je n’ai pas le temps de choisir, un fou rire monte dans mes cotes. Je me remets sur pieds, resserre la serviette autour de moi, et m’assieds sur le lit.
- Adam, tu viens me féliciter j’espère ? Ou t’excuser ? Ou les deux à la

fois ?

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Il regarde le sol, gêné.
- Je suis désolé, mais Duncan voulait vraiment tester ton niveau de

self contrôle. On doit vraiment te préparer à ce que tu risques d’affronter. Le Commandement cache bien ses atouts, même auprès des personnes qui le servent. Ils sont peut être naïfs sur certains points, mais sont très méfiants apparemment sur d’autres. Tu serais donc tombée droit dans le piège.

Je ne réponds pas tout de suite. Puis je demande en le regardant :

-  Et alors, la prochaine étape ?

-  On va te faire éprouver des situations de stress, et tu devras te
contrôler en maitrisant tes pulsations cardiaques. On n’a que quelques jours, et on n’a jamais formé quelqu’un dans un délai aussi court. Heureusement Sirius t’a bien entrainée à la base.
Je fais la moue. Justement, je découvre un aspect de mon oncle inconnu. Nous a-t-il formé toutes ces années moi et Askyn juste pour servir ses propres intérêts et non pour notre éducation, comme il se plaisait à le présenter ? Adam me prend la main.
- Aura, si on fait ça, c’est parce qu’on veut te protéger. Tu comprends ?
Je me reprends, et secoue la tête.

- Oui, oui, vous avez raison. Excuses moi de jouer à l’enfant gâtée. Il

faut juste que je me mette une bonne fois dans la tête que nous entrons dans une espèce de guerre sans répit jusqu’à la prochaine tempête.

Ma voix tremble en prononçant ces mots. Adam serre ma main plus fort :
- Tu sais, tu n’as pas à avoir honte. Moi aussi, au fond de moi, je suis

terrorisé par ça. Mais je ne veux pas me laisser submerger par cette peur, car elle risque de me paralyser. Alors c’est pour cela que j’agis. Et les simulations aident à cela. Car si on se laisse abattre, nous perdrons tout.

Je le regarde. Et puis j’ose lui poser la question :
- C’est pour ça qu’à certains moments tu parais si distant? ou

ailleurs ? Il sourit :

- A chacun sa technique. Tiffany rigole tout le temps, Louis plaisante. Mais c’est une façon d’évacuer notre stress. On se débrouille à sa façon, chacun avec son caractère.

J’acquiesce, sans rien dire.
- Nous voulions partir l’après midi pour vous faire visiter les

alentours. Tu es partante ?
Je fais oui de la tête.
- Dans ce cas, je te conseille de t’habiller, sinon ta petite tenue

risquerait de donner d’étranges idées à certains, me dit-il en quittant la pièce.

Nous passons une excellente après-midi. Nos amis nous emmènent près d’un lac où nous nous essayons à la pêche. Tiffany et Askyn sont faits l’un pour l’autre. Je n’ai jamais vu Askyn aussi radieux.

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Adam se révèle être un compagnon charmant. Il me montre comment on lance sa canne pour attraper le poisson. Je n’ai jamais fait ça auparavant, chez nous il fait très sec, donc pas de lac.

Nous abandonnons Tiffany et Askyn et allons marcher dans la forêt. L’air est rempli d’odeurs de mousse et de pins. Le chemin débouche sur l’extrémité du lac. Un grand tronc d’arbre est tombé là. Je m’assieds dessus. Adam s’installe à côté de moi. Nous ne disons rien et profitons du moment. On entend le chant des oiseaux au loin.

Je suis la première à rompre le silence.
- Tu sais quoi, Adam ? Je me dis que ce sont peut-être nos derniers

instants comme cela, ici, dans la nature. Dans quelques années, on

sera soit sous terre, soit en haut, dis-je en regardant le ciel.
Je fais une pause, puis je murmure :
- Ou soit nul part aussi, peut-être.
Il ne répond pas. Je continue.
- Alors je pense qu’il faut profiter de ces quelques jours qu’il nous

reste. Bon promis, je vais bien être assidue le matin pour les exercices, mais après je ne veux que passer de bons moments comme aujourd’hui. Et oublier tout le reste.

Je le regarde.
- Tu crois que c’est possible ?
Il me sourit, s’approche de moi, et me prend la main.
- Très bien mademoiselle. On va tâcher de respecter ces consignes. Je soupire d’aise.
- Alors parfait. Retournons rejoindre les autres, je meurs de faim.

* **

Nous passons de nouveau une excellente soirée. Louis et Duncan nous ont rejoint après avoir passé leur journée au QG de Léto. Ils nous expliquent travailler tous les deux sur la logistique à adopter lorsque tout le monde regagnera les entrailles de la terre lorsque Storm II s’abattra sur notre planète.

Ma nuit est de nouveau agitée. Cette voix d’outre-tombe revient sans cesse. « Aura, Aura ! Tu ne me reconnais pas ? ». Mon cerveau la recherche la nuit jusqu’au fin fond de ma mémoire.

Le lendemain matin, je me lève tôt et je pars courir alors que le soleil vient à peine de se lever. Autant profiter de ces ultimes moments de liberté jusqu’au dernier. Lorsque je rentre, je croise Duncan qui me lance un regard approbateur. Je me douche et j’enfile une tenue propre à l’entrainement.

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Je me rends directement dans la salle. Je remarque sur la droite un grand fauteuil avec en face un écran. Duncan est en train de choisir un programme sur celui-ci. Il me sourit.
- Comme Adam a du te l’expliquer, nous allons tester sur toi plusieurs

configurations de situations anxiogènes, pour que tu puisses

apprendre à gérer les battements de ton cœur.
Je regarde le fauteuil.
- Là-dessus ?
Duncan m’explique.
- Nous n’avons rien inventé comme méthode scientifique nouvelle,

celle-ci existait bien avant Storm. Nous nous servons de l’hypnose pour entrer dans ton inconscient, et les capteurs nous retranscrivent à l’écran ce que tu es en train de vivre. Au final, l’écran est juste une aide. Si tu connais déjà les lieux dans lesquels on veut te faire pénétrer, je peux juste te faire entrer en hypnose et te guider avec ma voix. Si tu n’as pas d’idée de l’endroit, nous te faisons visualiser la configuration des lieux, avant de t’y rendre toujours sous hypnose.

Il prend des capteurs, qu’il m’installe sur les tempes.
- Ça, c’est pour contrôler les parties du cerveau qui fonctionnent, et

qu’on puisse te suivre dans ta progression.
Enfin, il me passe un pendentif autour du cou
- Et ça, c’est la caméra qu’on te fournira, qui va filmer toute ton

action, et bien sur les documents que tu pourras trouver, quand tu t’infiltrera dans les locaux du Commandement. Tu n’en as pas besoin maintenant, mais autant te mettre en condition réelle.

Je m’allonge sur le fauteuil. Duncan me tend un casque. Je le mets sur mes oreilles puis essaie de m’installer confortablement. Et là, j’entends une voix qui me parle. Sans hésitation, je reconnais celle de Tiffany.
- Bonjour Aura. Tu vas t’installer confortablement. Et commencer à te

détendre. Je te laisse fixer un point dans la pièce. Voilà, c’est fait. Maintenant tu vas oublier tout ce qui t’entoure et tu vas te concentrer sur ma voix. Rien que ma voix. Tout s’efface autour de toi. Tu continues de fixer le point. Et tu commence à te détendre. Tes épaules se relâchent, ton dos se relâche, tes jambes se relâchent. Et maintenant tu vas te concentrer sur ta respiration. Ça tu sais faire. Tu inspires, tu expires, tu inspires, tu expires. Tu es complètement détendue. Tes yeux se ferment, tes paupières sont de plus en plus lourdes. Ton corps est parfaitement détendu. Tu n’entends plus que ma voix. Je vais maintenant compter jusqu’à 5, et à 5, tu t’enfonceras, de plus en plus loin, de plus en plus vite. 1, 2, 3, 4, 5

Et là je m’enfonce, je descends, je descends. J’ouvre les yeux. Je regarde tout autour de moi. Je reconnais les lieux. C’est le bureau de mon grand père. Je suis là pour essayer de trouver des documents utiles pour notre cause. J’entends le plancher craquer. Mon cœur bat. Tout à coup, je vois apparaître une tête chercheuse sur le côté. Ma respiration ! Je dois contrôler ma respiration. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, Un, deux, trois, quatre, cinq, j’expire. La tête chercheuse s’approche

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doucement de moi. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, Un, deux, trois, quatre, cinq, j’expire. Mon cœur commence à ralentir, mes muscles se détendent. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, Un, deux, trois, quatre, cinq, j’expire. C’est bon, la tête chercheuse repart et continue son tour. J’ouvre sans faire de bruit les tiroirs. Un document intitulé « Storm » apparait. Je l’ouvre. Il contient des plans, des cartes. J’en filme le contenu grâce au pendentif. Je m’apprête à refermer le tiroir quand tout à coup j’entends une porte claquer au rez- de-chaussée, et des bruits de pas. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, je dois me cacher. Sur le côté, une petite table avec une nappe jusqu’au sol. J’y plonge, essaie de me cacher tant bien que mal, m’arrange pour que la nappe ne bouge pas. La porte du bureau s’ouvre et la lumière s’allume. Mon cœur s’accélère de plus en plus. Je vois soudain une tête chercheuse face à moi, passée sous la nappe et qui me tire une salve en plein dans le front. Je me réveille en sursaut, des gouttelettes de sueur le long de mes tempes. Je suis nauséeuse.

Devant moi se tient Duncan.
- Pas agréable de se réveiller d’un coup lorsqu’on est sous hypnose,

n’est ce pas ?
Je réponds par un grognement.
- Oui, mais tu vois ainsi l’utilité de l’exercice. Quand tu es dans une

pièce avec une tête chercheuse, tu dois constamment contrôler tes pulsations cardiaques, quelles que soient les circonstances. Et pas seulement au début.

Il me propose de faire une pause, ou me demande si je veux recommencer tout de suite. J’opte pour le deuxième essai.

Je me réinstalle confortablement sur le fauteuil et je remets le casque sur mes oreilles. De nouveau la voix relaxante de Tiffany. Il me semble que cette fois-ci, je descends beaucoup plus rapidement que la première fois.

Cette fois-ci, je me retrouve dans un grand couloir vide. C’est surement les locaux du Commandement Suprême. Je sais que je dois pénétrer dans la pièce du fond. J’ai un pistolet laser à la main. J’avance doucement. Tout à coup, je m’arrête et me plaque contre le mur. Une patrouille. Mon cœur s’affole. Heureusement, apparemment pas de tête chercheuse dans le coin. Je laisse la patrouille passer. Je reprends ma progression et arrive devant la porte. Il faut un pass. Je sors le mien. Le boitier bipe et la porte s’ouvre.

Devant moi, une dizaine de têtes chercheuses patrouillent la salle. Mon Dieu ! Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, Un, deux, trois, quatre, cinq, j’expire. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, Un, deux, trois, quatre, cinq, j’expire. Je me glisse sur le côté. La porte se referme. Si je n’ai pas peur, je ne crains rien. Je dois considérer ces têtes comme des choses inoffensives. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, Un, deux, trois, quatre, cinq, j’expire. Des oiseaux. Une tête arrive vers moi et se met en face de mes yeux. Je lui fais un grand sourire. Ce sont des oiseaux, ils vont m’aider à dérober les plans du bouclier, et seront ravis ainsi de

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tromper le Commandement suprême, qui les a réduits en tueurs. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, Un, deux, trois, quatre, cinq, j’expire. Ma méthode a l’air de fonctionner. Mon corps se détend. Un ordinateur central trône au milieu de la salle. Le menu défile devant mes yeux. J’insère ma clef. Ça y est, ça charge. Trois têtes chercheuses volètent autour de moi. Le téléchargement est terminé. Je regarde les oiseaux autour de moi et lève le pouce en signe de victoire. Je retire la clé...et soudain l’alarme se met à hurler ! Le vacarme fait faire un bond à mon cœur, et les têtes chercheuses rappliquent toutes vers moi. Des oiseaux ! Je me ressaisie de suite. Je fais face aux têtes, et je leur explique qu’il n’y a rien à craindre, c’est juste l’alarme. Mon cœur ralentit.

Je me dirige vers la sortie, Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, Un, deux, trois, quatre, cinq, j’expire. Une fois dans le couloir, au lieu de courir, j’ai une idée. Je laisse la porte du couloir ouverte et j’attends. Comme je l’avais prévu, les têtes chercheuses se mettent à voleter dans les couloirs. Je les laisse se disperser, et moi je me dirige vers la sortie tranquillement. Je me cache, une première patrouille passe devant moi en hurlant des ordres que je ne comprends pas. Je les laisse passer, puis je continue ma progression. Et soudain j’entends le frétillement avant le laser, et des hurlements. Les têtes chercheuses viennent d’éliminer la patrouille. Je sors avec un grand sourire sur les lèvres.

Mon réveil est cette fois-ci beaucoup plus agréable que le premier. Je suis un peu cotoneuse, mais détendue.

Face à moi, Duncan hurle de rire. Cette fois-ci Adam est à ses côtés.
- Bravo, me dit Duncan, tu as trouvé la parade la plus efficace. J’avoue

que le coup des oiseaux, on ne me l’avait pas encore fait.
Je retire le casque et enlève les capteurs. Je suis contente de moi. Adam m’aide à me lever du fauteuil. Bizarrement, je suis plutôt en forme.

-  L’hypnose, c’est suffisant pour aujourd’hui, m’annonce Duncan. Je
pense que tu as compris le principe. Maitriser sa peur, en travaillant sur d’autres représentations mentales te permettant de la surmonter. Tu vas devenir très forte à ce petit jeu.

-  Duncan, comment mon cerveau a-t-il choisi de visualiser ces endroits ?

-  Ça je ne peux te répondre. Ton subconscient y est surement pour quelque chose.
Je demeure perplexe. Le bureau de mon grand-père, je connais. Mais la salle avec un ordinateur central au milieu ?
Askyn pénètre à ce moment là dans la pièce. Duncan me regarde et me dit :

- Prête pour l’entrainement physique ?

Nous passons le reste de la matinée à nous entrainer à l’arme blanche, au laser, notamment à parer aux coups en se protégeant grâce au bouclier. Je reconnais qu’en cinq jours, j’aurais fait autant de progrès

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qu’en six mois de cours au Collège sur cette discipline. Je n’ai jamais été aussi prête à affronter ce qui m’attend là-bas.

* **

Le temps file à une vitesse folle. Les matinées sont rythmées par les exercices d’entrainement sous hypnose et ceux physiques. D’après Adam, l’entraînement éveillée ou sous hypnose possèdent des niveaux d’efficacité identiques car les mêmes centres du cerveau sont activés. Tiffany m’apprend à me mettre seule en hypnose, au cas où je souhaiterais me détendre ou m’entrainer à appréhender une situation. En médecine, elle utilise énormément cette technique, soit pour aider à lutter contre la douleur, soit pour aider son patient à accélérer sa guérison en le faisant visualiser des éléments positifs.

Duncan me remet un transmetteur cellulaire, afin que je puisse rester en contact avec lui, dont le canal de transmission ne pourra être intercepté par le Commandement.

Je passe le reste de mon temps libre à m’occuper des chevaux capturés ou à me promener le plus souvent seule avec Adam, Askyn et Tiffany partant de leur côté, ce que je comprends parfaitement.

Adam me propose d’aller camper à la belle étoile le dernier soir près du lac, afin de laisser Tiffany et Askyn seuls pour leur dernière soirée. Nous nous y rendons à cheval. Nous nous arrêtons près d’un banc de sable qui forme une petite plage. Je déballe nos affaires pendant qu’Adam va chercher du bois.

L’endroit est si beau et si calme. Adam a allumé un feu, et fait griller de la viande. Le feu crépite et fait des étincelles. Une bonne odeur se dégage.
Nous sommes ainsi l’un à côté de l’autre, face au feu et au lac. Je soupire - Si le temps pouvait s’arrêter.

Adam rigole
- Si le temps s’arrêtait, tu t’ennuierais. Je me mets à rire aussi.

-  C’est vrai, tu as raison. – Je reprends plus sérieusement – Enfin, ce
n’est pas une raison pour se prendre une autre tempête sur Terre.

-  Ça malheureusement, on ne le choisit pas, me répond-il sur un ton plus grave. Nos arrières-arrières grands parents n’avaient pas prévu ça aussi dans leur vie. Nous au moins, nous avons la chance de choisir la façon dont nous allons réagir. Et de prendre notre vie en main. En attendant, dit-il en retirant la viande du feu et la déposant sur les assiettes que nous avons apportées, il faut se nourrir pour
avoir des forces, mademoiselle.
Nous mangeons en silence, profitant du spectacle du coucher de soleil sur les montagnes. Puis nous nous étendons sur nos duvets, la tête face aux étoiles.

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- Que va-t-il se passer Adam ?
Il ne répond pas tout de suite.
- Eh bien tu vas retourner au Collège, continuer à jouer à l’étudiante

modèle. Gagner la confiance de ton grand père, apprendre le

maximum de choses des scientifiques du Commandement.
Il s’arrête. Puis reprend.
- Dans une vie normale, je t’aurais invité à passer le week-end au

ranch de mon père, et on aurait pu se faire des piques niques le soir. Je pouffe.

-  Je ne te savais pas si romantique que ça. Qu’est-il arrivé au jeune homme glacial qui m’a secourue il y a un certain temps, et qui m’adressait à peine la parole ?

-  Ce jeune homme était un sombre idiot, et il n’imaginait pas que la demoiselle accepterait de prendre des risques énormes pour venir en aide à des personnes qu’elle ne connaissait pas il y a à peine six mois.
Je pouffe de plus belle.

- Mon dieu, combien j’ai du vous paraître stupide et ridicule ce jour-

là. J’étais tétanisée car je pensais que vous alliez me contaminer.
Il m’attrape la main.
- Et là, ça y est ? Tu n’as plus peur ?
Je me souris à moi-même.
- Après l’épreuve des têtes chercheuses, je pense qu’il vaut mieux

finir irradiée que transpercée par ces charmantes petites choses ! Nous rions tous les deux.
- Trêve de plaisanterie, me dit-il. Tu me promets de ne pas prendre de

risques inconsidérés ?
Je me roule vers lui et je lui dépose un baiser sur la joue.
- Promis.
Je me replace sur le dos. J’écoute le chant des grillons. Mes yeux se perdent dans l’immensité du ciel étoilé. Je finis par m’endormir.

Malheureusement, mon cerveau ne me laisse aucun répit. «Aura, Aura », me dit la voix. Et je cherche, je cherche. A qui est cette voix ?
Je me réveille en sursaut. Adam est penché sur moi.

-  Tu as fais un cauchemar, me dit-il

-  Cette voix... Je secoue la tête.

-  La femme de l’hippodrome. Je la connais. Je connais sa voix. Mais je
n’arrive pas à me rappeler. Ça a du déclencher quelque chose chez
moi. Presque chaque nuit, mon subconscient cherche.

-  Tu devrais faire une séance d’hypnose avec Tiffany. Si c’est enfoui en
toi, elle t’aidera à le faire ressortir.

-  Oui tu as peut-être raison.

Un frisson me parcourt. Je ne réussirai pas à me rendormir. Je me lève et regarde le lac briller sous le reflet de la lune.
- Tu sais Adam, j’ai l’air confiante...
Je m’arrête, aspire une grande goulée d’air, puis je lance d’un trait :
- Mais je suis morte de peur.

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Je l’entends se lever à son tour, il se place derrière moi.
- Tu sais, c’est plutôt rassurant comme réaction. Je m’inquiéterais si tu n’avais pas peur. Nous avons tous peur. Et on a du courage que si

on a la peur, sinon c’est de l’inconscience.
Il marque une pause, ses bras viennent m’enserrer contre lui, puis il reprend :
- Et on a souvent plus peur pour les autres que pour soi-même. S’il ne

tenait qu’à moi, je te garderais ici et t’empêcherais d’y retourner.
Je me tourne lentement vers lui en levant la tête vers son visage. Ses yeux noirs plongent dans les miens, et doucement, il approche ses lèvres des miennes. Son baiser est doux, comme s’il hésitait. Je passe alors mes bras autour de son cou, ce qui a pour effet de le libérer de ses derniers doutes et son baiser s’enflamme. Sans cesser de m’embrasser, il me soulève dans ses bras puis me dépose sur nos duvets restés au sol. Il s’allonge au-dessus de moi et fait descendre ses mains dans le bas de mon dos. Encouragé par mon attitude, il achève de remonter mon tee shirt et le jette sur le côté. Je fais la même chose avec le sien. Mes mains lui caressent les épaules puis descendent le long de sa colonne vertébrale. Il place son visage dans mon cou puis murmure à mon oreille :
- Tu es sure de ce que tu fais ?
Je hoche la tête, et lui demande :
- Pas toi ?
Il me regarde de ses yeux sombres, et me répond en souriant.
- C’est peut-être une des seules fois de ma vie où j’en suis aussi

certain.
Et il m’embrasse à nouveau.

* **

Je me réveille la première. Le soleil commence à pointer dans le ciel bleu. Je me colle à Adam et l’embrasse dans le cou. Il ouvre les yeux.
- Je suis rassuré, me dit-il. Ce n’était donc pas un rêve.
Et sans attendre que je lui réponde, il se penche vers moi et m’embrasse. Nous restons l’un contre l’autre sans rien dire pendant de longues minutes.

Puis il dit à regret.
- Il va falloir revenir à la civilisation, mademoiselle.
Il m’aide à me lever. Nous nous rhabillons, puis rangeons nos affaires sur les chevaux. Avant de monter, il me coince entre nos deux montures, me prend dans ses bras, se penche vers moi et m’embrasse en disant « un dernier baiser avant la route ».

Nous arrivons trop tôt à mon goût au ranch. Duncan est en pleine discussion sur la terrasse avec Askyn et Sirius. Ils sont penchés au- dessus d’une carte. Ils relèvent la tête en nous voyant arriver.
- Alors cette nuit à la belle étoile ? nous demande Askyn avec un

sourire en coin.
J’ignore délibérément ses sous entendus.

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- Un peu fraîche, mais parfaite.
Et, avec à mon tour, un sourire sur les lèvres :
- Sais-tu où est Tiffany ? J’aimerai lui demander un service avant de

partir.

Je laisse mon cheval à Adam pour aller retrouver Tiffany. Il en profite pour me voler un baiser sans que personne le voie. Je lui souris, puis part en direction du ranch.

Tiffany est dans le salon, avec un panier de plantes devant elle. Elle lève la tête quand elle m’entend arriver, puis comme prise en faute :
- Je sais, nous avons des remèdes hautement scientifiques capables de

faire revenir un mort de l’au-delà. Mais tout vient des plantes, et celles-ci sont parfois utiles. Tu vois cette jolie fleur avec des clochettes ? Elle s’appelle digitale. Quel charmant nom, tu ne trouves pas ? Eh bien, quelques feuilles absorbées, et tu tues ton homme ! Nos ancêtres s’en servaient comme poison mortel.

Je m’assoie dans le canapé.
- Tiffany, pourrais-tu m’aider? Je fais un cauchemar récurrent.

J’entends une voix qui m’appelle, je connais le son de cette voix, j’en suis certaine, mais je n’arrive pas à mettre un nom dessus. Adam m’a dit que tu pourrais m’aider par l’hypnose.

- Bien sur, me répond-elle. Tu veux le faire maintenant ? Car après, je pense que vous ne devrez pas tarder, me dit-elle avec un air triste.

J’ai envie de lui répondre qu’elle aura au moins la chance de revoir son amoureux rapidement, alors que moi je pars sans savoir si je vais revenir. Mais je préfère me taire. Mon histoire avec Adam ne regarde que lui et moi.

Elle me fait installer dans le canapé et me prend la main, qu’elle fait doucement balancer de gauche à droite. Ça y est, mes paupières commencent à être lourdes. Je ferme les yeux et je me laisse aller. J’entends des rires d’enfants, des bruits de petits pas. Puis en flash une jeune femme blonde. Elle me sourit. Le choc est énorme. C’est ma mère. Jamais je ne l’avais vue en rêve. Tous mes souvenirs sont bloqués avant l’accident. Je suis sur une balançoire. Je l’entends rire. Tout est flou autour de moi, et au ralenti, comme dans un film. Et tout à coup, j’entends la voix. Une deuxième jeune femme. « Aura, Aura regardes moi, je suis là ». Une forme floue. Une jolie brune. Mais qui est-elle ? Je l’entends rire avec ma mère.

Je rouvre les yeux. Je suis en nage. Tiffany est penchée au dessus de moi.

-  Aura, tu vas bien? Je ne sais pas ce que tu as vu, mais tu viens de subir un choc émotionnel. Tu tremblais de partout. Désolée, du
coup j’ai préféré te faire revenir.

-  Ma mère, je lui murmure. Ma mère. Je ne l’avais pas revue depuis
qu’elle est morte. Sauf en photo. Et là elle était là, vivante. Tiffany me prend la main.

- Ma pauvre chérie ! Je suis désolée de t’avoir fait revivre ça.

109

- Ce rire, il est en connexion avec ma mère. Cette femme connaissait ma mère. Mais je n’arrive pas encore à mettre un nom sur son visage.

Adam entre dans la pièce à ce moment là. Il s’approche de moi rapidement.

-  Tout va bien Aura ? Que s’est-il passé ? dit-il en regardant Tiffany

-  Apparemment, l’hypnose a débloqué quelque chose de
complètement enfoui en elle, mais son subconscient ne veut pas le
laisser immerger à la surface. J’en suis encore désolée, Aura. Je reprends mes esprits et lui serre la main.

- Non Tiffany, tu n’y es pour rien. Grâce à toi, je viens de revoir ma

mère. Ne t’inquiètes pas, surtout.
Adam m’aide à me lever.
- Viens, je vais t’aider à préparer tes affaires.

Une fois dans ma chambre, à l’abri des regards, il m’enlace.
- Ça va ? Tu es vraiment toute pale.
Je m’assoie sur mon lit. Je décide de tout lui raconter. Ma mère, notre disparition, les secours qui nous ont trouvées en terre irradiée, le ballet des hélicoptères. Je lui explique que pour moi, c’est le trou noir. Je n’ai plus aucun souvenir de cette période d’avant. Ni même un souvenir de ma mère. Et maintenant, ce rire me ramène à elle.
- Au moins, Tiffany m’a aidée à avancer. C’est en rapport avec ma

mère, et je peux mettre un visage, aussi flou soit-il, sur ce rire.

Maintenant, pourquoi la personne du Réseau connaissait ma mère ? Adam me prend la main.
- Ecoutes, je sais que les identités du Réseau sont secrètes et jamais

dévoilées. Seuls Hades et Helios, à la tête du Réseau, les connaissent véritablement. Mais je peux toujours demander à mon père de voir ce qu’il peut faire.

En guise remerciement, je lui dépose un baiser sur la joue. Il me fait basculer sur le lit.
- Inutile que tout le monde soit au courant pour nous deux, me dit-il,

ses lèvres contre les miennes.
Je hoche la tête. J’ai toujours été pudique sur ma vie privée, et apparemment Adam partage ma philosophie sur le sujet.
- Je veux te dire donc au revoir ici, car en bas, ça ne sera pas possible. Et il m’enlace de toutes ses forces en enfouissant ses mains dans mes cheveux. Mes lèvres trouvent les siennes. Son baiser semble ne jamais vouloir s’arrêter, quand on entend la voix d’Askyn crier:
- Aura, on lève le camp dans 10 minutes. Dépêches-toi !
A regrets, Adam se décolle de moi, en disant : « la voix de la Raison ». Quatre à quatre, je fourre dans mon sac toutes mes affaires. Adam le prend et avant de sortir, me donne un dernier baiser, en me faisant promettre de donner des nouvelles le plus souvent possible.
Je hoche la tête en silence, et nous descendons rejoindre tout le monde.

* **

110

C’est Sirius qui nous ramène au Palais. Je dois repartir le lendemain matin pour le Collège.

Je dîne avec mon père. Je lui invente les détails de mon road trip avec Askyn, et lui dit avoir passé un excellent moment.
Il a l’air fatigué. Je lui demande s’il a du nouveau concernant l’évacuation.

- Toujours pas, me répond-il. Mais d’après les rumeurs, les choses s’accélèrent. Le vaisseau amiral vient d’être placé en orbite autour de la terre, et deux autres vaisseaux devraient suivre sous peu. Le canal du Commandement suprême tient régulièrement la population informée des progrès effectués. Ainsi, dit mon père, lorsque l’ordre d’évacuation sera donné, cela n’étonnera personne.

A part ceux qui resteront sur terre faute de place, ai-je envie de lui rétorquer. C’est à dire 80% de tes administrés.

Je monte rapidement dans ma chambre. La séance d’hypnose est encore présente en moi. Comment faire pour découvrir l’identité de l’autre femme? Retrouver des photos de l’époque de ma mère pourrait m’aider.

Ma réponse se trouve peut-être dans la sous-pente. Je souffle la poussière d’un des cartons. Des vêtements. Ce n’est pas ça. Un second carton. Des jouets d’enfants. J’ai plus de chances avec le troisième. Je m’installe par terre non sans avoir éternué plusieurs fois.

Je saisis un premier paquet. Ça me fait bizarre. Moi et Askyn bébés. Shirin plus jeune avec nous dans ses bras. Je n’ai jamais vu ces photos. Mon père a retiré tout ce qui pouvait lui rappeler ma mère après l’accident. Et tout à coup, cette photo. De surprise, je la lâche. Elle tombe sur le sol dans un tas de poussière.

C’est impossible, impossible. Je ramasse la photo et sort de la pièce, laissant tout pèle mêle. Je cours à ma chambre, le souffle coupé. Un, deux, trois, quatre, cinq, j’inspire, un, deux, trois, quatre, cinq, j’expire. Impossible, impossible. Je regarde l’heure. Le soleil n’est pas encore couché. Le seul à pouvoir me répondre, c’est Sirius. Je n’arriverais pas à dormir sans savoir.

Je me glisse discrètement en dehors du palais, la photo contre moi. Personne dans le hangar des véhicules. Je saute dans une des jeeps, et je file en direction de chez Sirius. Je sors la photo, je la regarde. Ce n’est pas possible.

J’arrive à une telle vitesse chez Sirius que la jeep fait une embardée lorsque je m’arrête. Je coupe le moteur, je descends et je crie son nom. La porte s’ouvre. Sirius apparaît. Il me regarde avec étonnement.
- Que se passe-t-il ? Quelque chose de grave est arrivé au Palais ?

Je hurle :

-  Tu savais ! Tu savais !

-  Je savais quoi ? me répond-il calmement
Je lui exhibe la photo et m’étrangle en parlant :

111

- La mère d’Askyn! Elle est vivante! C’est elle mon contact de l’hippodrome

Sirius semble pâlir. Il me prend par le coude.

-  Inutile de hurler. Rentres, on va parler à l’intérieur.

-  Ne pas hurler ? Elle est vivante depuis tout ce temps, et ils ne le
savent pas ! Qu’est-ce que tu caches d’autres à Askyn et Shirin ? Sirius s’énerve, me saisit par le bras, et me fait entrer dans la maison.

- Assieds toi, me lance-t-il en me poussant sur le canapé.
Je lui lance le regard le plus haineux de mon existence entière. Sirius fait les cent pas devant moi.
- Jessica faisait partie du Réseau. Elle a du être dénoncée. En tous les

cas, un commando sans doute envoyé par le Commandement a débarqué chez elle en pleine nuit. Ils étaient trois. Elle a réussi à les tuer, mais le père d’Askyn y est resté. Elle n’avait d’autre choix que de fuir. Elle n’a pas voulu emmener Askyn, les conditions étant alors différentes de celles que tu connais maintenant. On a mis au point cette histoire de razzia, et on a caché Askyn dans la maison en attendant les secours.

Je suis atterrée.

-  Et elle est restée cachée toutes ces années ?

-  Tu ne connais pas Jessica, me répond-il en secouant la tête. Elle a
repris le service très vite. Elle avait tout perdu, elle n’avait donc plus rien à perdre. Elle est devenue un de nos agents les plus actifs et les plus célèbres. C’est une vraie légende dans le Réseau, bien que personne ne connaisse sa véritable identité. Elle vit dans la Mégalopole, et c’est elle qui nous a ramenée les informations les plus importantes, dont les têtes chercheuses. Elle a failli être capturée lors de la mission au laboratoire du Commandement, elle s’en est sortie par miracle.
Il s’arrête pour reprendre son souffle, puis reprend.

-  Je ne savais pas que c’était ton contact à l’hippodrome. Si j’avais su,
je m’y serais opposée.

-  En tous les cas, elle, elle savait très bien qui j’étais. Je regarde Sirius.

-  Et maintenant, je dis quoi à Askyn ? Que pendant toutes ces années,
sa mère était vivante ?

-  Tu sais très bien que c’est impossible. Les gens du Réseau ne
doivent pas pouvoir s’identifier. Et Askyn en fait désormais partie. Comment pourra-t-il conserver son libre arbitre s’il sait que sa mère en fait partie, et qu’elle assure de surcroit les missions les plus périlleuses ?
Sirius s’arrête, puis reprend.

- Et si Jessica sait maintenant que tu as rejoint nos rangs, elle se doute

bien que son fils aussi. Ça sera à elle de lui faire savoir, mais ni à toi,

ni à moi. Cette décision ne nous appartient pas.
Je me lève. Je suis furieuse. Comment faire face à Akyn maintenant ? Que d’autre me cache Sirius ?

-  Et ma mère ?

-  Oui, ta mère ?

112

- Tu ne vas pas me laisser croire qu’en ayant son frère et son amie d’enfance dans le Réseau, elle est morte juste comme ça, en plein Territoires Irradiés ?

Je m’approche de lui. J’essaie de contenir ma rancœur, mais c’est difficile
- Quel rôle jouait-elle ? Comment est-elle morte ?
Sirius me regarde en secouant la tête.

- Aura, même si je le savais, je ne te le dirais pas. Et, ajoute-t-il en me regardant dans les yeux, nous n’avons jamais su ce qui s’était passé. La seule hypothèse qu’on a pu émettre, c’est relier la mort de ta mère et l’attaque chez Jessica. Tout le monde savait qu’elles étaient liées. Les tueurs ont peut être pensé que ta mère avait appris quelque chose à Jessica, d’où leur attaque.

Je me dirige vers la porte. Je viens de découvrir mon oncle Sirius sous un nouveau jour. Membre du Réseau, et surement à un poste plus élevé qu’il ne le laisse croire.
Avant de sortir, je lui adresse une dernière question :

- Et quel est le nom de code adopté par Jessica ? Tu peux me le dire maintenant, étant donné qu’elle a fait le choix délibéré de me contacter ?

Il hésite puis me dit : « Némésis » La déesse de la Vengeance.

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