Le Démon de l’Enfance

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Enroulé dans une épaisse couverture de laine, un bol de potage brûlant entre les mains, Aymeric restait figé sur sa chaise, à proximité du vieux poêle à bois. Au-dehors, la tempête faisait rage. Le vent faisait tournoyer les flocons et soulevait la neige par paquets, formant çà et là quelque improbable congère.

Emma caressa les cheveux bouclés de son petit-fils. Perdu dans ses pensées, celui-ci frissonna sous le geste.

— Tu devrais retourner te coucher, mon chéri. Il est trop tôt, le jour ne s’est même pas encore levé…

Aymeric fit non de la tête. La vieille dame lui reprit son bol, réajusta son châle sur ses frêles épaules voûtées et s’installa dans un fauteuil aussi fatigué qu’elle. Elle observa silencieusement l’enfant pendant un long moment. Et elle vit de la terreur dans le brillant de ses yeux.

— Raconte-moi, Aymeric. Raconte-moi ce cauchemar qui te fait si peur…

La charpente et les murs geignaient sous les rafales qui les giflaient avec violence. Le crépitement du feu ne suffisait pas à couvrir ces plaintes.

— Tu ne les entends pas ? s’enquit alors le garçonnet, les prunelles comme hypnotisées par la flamme.

— Qui ? Qui devrais-je entendre, mon chéri ?

— Les enfants… Les enfants qu’Il arrache à l’hiver, à la nuit. Les enfants du Midi.

— Ce n’est qu’une légende, Aymeric !

Le gamin braqua soudainement un regard empli de colère sur sa grand-mère.

— Non ! s’insurgea-t-il avec véhémence. Il va venir me chercher, je le sais ! Il est déjà en route…

— Mais enfin, Aymeric…

— Le Démon de l’Enfance, Mamie. Le Démon de l’Enfance…

Le môme chuchotait presque à présent.

— Il a besoin de moi. Il a besoin du soleil qui est en moi pour ramener la chaleur du printemps dans nos contrées. Il est déjà en route. Je le vois, il avance péniblement dans la poudreuse, vêtu d’une grande cape à capuche sombre. Il approche…

Au même moment, une masse brune apparut subitement à la fenêtre. Aymeric hurla comme un fou.

— Je veux pas y aller, Mamie, je veux pas !

La vieille dame se précipita vers son petit-fils pour le prendre dans ses bras, mais il se débattait comme un diable. Elle obliqua son visage en direction de la porte qui s’ouvrit dans un grincement glaçant.

— Voyons, mon chéri, ce n’est qu’Antoine Maréchal ! Tu sais, le monsieur qui nous approvisionne en bois de chauffage…

— Salut la compagnie ! Eh ben, je peux vous le dire, y fait un temps à ne pas laisser sa mule dehors…

Les larmes affluaient sur les joues d’Aymeric. Parce qu’il en était certain : le Démon de l’Enfance viendrait le chercher dans les prochaines nuits. Parce qu’il était un enfant du Midi ; parce que sans lui, l’hiver durerait toujours.

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