Je me retrouvais assise dans le grenier, à même le sol, les jambes croisées, face à cette malle que j'avais toujours connu. Tante Adèle voulait que chacun de nous emporte avec lui un souvenir de "mamie Violette" avant que d'autres personnes ne s'approprient les lieux et chassent définitivement le souvenir de notre grand-mère. J'étais donc montée dans le grenier avec mes cousins tandis que nos parents s'occupaient de vider la salle à manger. Christophe s'était déjà emparé du fusil de chasse de mon grand-père décédé quatre ans plus tôt tandis que Lucie tenait dans sa main le chapeau de paille de mamie "Violette" qu'elle portait encore l'été dernier.
En ouvrant cette malle, j'avais l'impression de violer l'intimité de ma grand-mère. Des objets hétéroclites y reposaient depuis des années : une paire de lunettes, des photos noires et blancs d'ancêtres inconnus posant dans des lieux également inconnus, une lampe à pétrole dont le verre était brisé... Je déplaçais chaque objet minutieusement, jusqu'à trouver tout au fond, une boîte en fer rouge aux liserés noirs. En la soulevant, un nuage de poussière s'échappa de la malle ce qui me chattoya le nez. Je frottais le couvercle avec la manche de mon gilet et comme par magie, les lettres "Poulain Chocolat" apparurent ; confirmation que mamie Violette était une gourmande avérée. Christophe et Lucie passèrent derrière moi pour rejoindre l'escalier avec leurs trésors en main. tandis que Véronica fouillait toujours dans le meuble en chêne avec minutie à l'autre bout du grenier.
Avec curiosité, j'ouvris donc le couvercle presque religieusement pour y découvrir des lettres attachées avec une cordelette jaunie, et adressées à Mme Violette DURANO. Je pris délicatement ces lettres entre mes mains et passaient mes doigts dessus l'écriture penchée et soignée. Je fis glisser la cordelette et ouvrit la première lettre.
"Très Chère Violette, voilà deux jours que la pluie tombe et que le moral est au plus bas. Les troupes sont fatiguées après un combat acharné contre les allemands. Je vais bien et mange à ma faim. J'espère que le travail à la ferme n'est pas trop pénible pour toi et que les petits ne te fatiguent pas trop. Je t'embrasse. Ton aimé. Jean".
A ce moment là, sans lire les autres lettres j'ai su que je tenais mon souvenir et que ces lettres gardées précieusement pendant des années dans cette boîte en fer avaient une importance toute particulière pour mamie Violette.