Les filles aux cheveux jaunes
Je l’ai reconnue tout de suite. C’était bien Abrahel. Celle que j’avais rencontrée autrefois et que j’espérais ne plus jamais revoir. Je vous parle d’il y a des années, quand nous étions nettement plus jeunes, le monde et moi, quand notre fortune était l’Avenir.
Abrahel n’est pas une femme jolie jolie si vous voulez, mais elle est parfaitement irrésistible pour ceux qui aiment ce genre là. Je n’en faisais pas partie. La prunelle de cette chipie semblait un meeting de tous les mauvais regards de la création. Il y avait dans ce regard, de l’hyène, du tigre, du cochon, du cobra, de la sole frite et de la limace.
Je ne suis pas certain qu’un homme venant de quitter une femme depuis dix minutes soit capable de dire comment elle est habillée, mais Abrahel se grave dans les mémoires comme la petite vérole sur le visage des graveleux.
Elle portait un énorme manteau noir dont les pans étaient soutenus par une douzaine de filles aux cheveux jaunes, aux seins démesurément rebondis, à la croupe exagérée, au teint plâtré de fard, aux yeux charbonnés, aux lèvres sanguinolentes, lacées, sanglées en des robes extravagantes. On les sentait forcées de racheter par une excessive fascination leur peu de candeur et leur douteuse ingénuité.
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