- "Mais nous avons déjà mangé comme quatre, en haut, dans la maison", rétorquais-je à monsieur "D"." Ne me dites pas que le festin va continuer, je commence à ne pas me sentir très bien".

- "Mais non, cher ami, vous ne serez pas obligé de manger à nouveau. Les poulets sont pour les sacrifices. Pour son mariage, nous faisons plaisir à Abrahel. Et elle adore les sacrifices que l'on peut faire pour elle. Elle aime voir le sang jaillir en jets pulsés, gicler sur l'assistance, et dégouliner des mains des grands prêtres. Cela l'amuse toujours beaucoup et la rassure quant à notre dévotion à son égard. C'est une personne sensible, malgré tout, et nous devons en prendre soin. Nous lui devons beaucoup. Elle nous a rendu de grands services autrefois."

A l'évocation de ces sacrifices rituels, le sang quitta brusquement mon visage et j'eus comme un évanouissement.

La nausée me prit et je dus m'appuyer contre la boiserie du couloir pour ne pas tomber brutalement et vomir honteusement dans un coin.

Ah, ah, ah !

Monsieur « D » s’esclaffait. Les yeux brillants comme un couteau suisse, il faisait ses commentaires.

Les gnomes disparurent et leur vacarme s’estompa progressivement.

Nous traversâmes plusieurs salles garnies de blasons, d’armures moyenâgeuses et de portraits d’ancêtres. Il me semblait refaire dans l’autre sens le dédale de couloirs interminables et enchevêtrés que j’avais parcourus tout à l’heure, mais à aucun moment je n’eus à traverser un miroir. J’en déduisais, par conséquent, que j’étais toujours dans le monde virtuel annoncé par Monsieur « D ». Il fallait donc que je me raisonne. Ce que je voyais n’était pas la réalité, ne pouvait pas être la réalité.