Sommeil

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Le sommeil était agréable. Pendant un instant, il avait à nouveau été submergé par ses souvenirs mais tout d'un coup, le chat géant était revenu. Il l'avait emporté sur son dos et s'était envolé dans le ciel. Il avait bondit sur un reflet de lune et avait éclaboussé le ciel d'étoiles. Posés sur un nuage de passage, ils avaient regardé la Firme ou plutôt le brouillard de pollution qui l'environnait. Mais cela n'était pas très intéressant. À présent, il n'y avait plus de vérité, Tiego pouvait décider de se désintéresser de choses primordiales ou horribles mais accorder une importance cruciale à de petits détails. Et une brume toute grise et opaque n'avait objectivement aucune forme d'intérêt...

Quand ils retournèrent au sol, des plantes de toutes sortes se mirent à pousser sous les pattes de l'animal. Au bout de quelques temps, une foule de végétaux gigantesques avait grandi autour d'eux. Des animaux inconnus du garçon s'approchèrent de lui et de son étrange monture, qui maintenait à distance les quelques-uns à se montrer agressifs. Il se sentait en totale confiance.

Il se concentra un petit peu mieux sur ses sensations : la fourrure un petit peu rugueuse, le vent frais, l'humidité tiède de l'air, l'odeur de pluie et d'herbe coupée, presque masquée par celle, forte, de la bête, le bruissement du vent dans les feuilles et la rumeur des animaux qui s'agitaient en tous sens. L'obscurité offrait à chaque chose une part de mystère, sublimée par la pâle clarté de l'astre lunaire, qui avait grossi et jauni pendant qu'il ne regardait pas et formait désormais un grand disque aux multiples nuances d'or et d'argent. Un papillon de nuit s'envola dans sa direction. Au fur et à mesure qu'il regardait, qu'il écoutait, qu'il sentait, les mots lui venaient presque naturellement décrire ce que ses sens percevaient. Cependant il sentait tout de même que ses pensées et ses ressentis étaient limités par un manque de vocabulaire pour les exprimer, ne serait-ce qu'en pensée. Il aurait bien aimé apprendre le nom des choses, des végétaux, des animaux, des objets, des émotions... Il savait que pour cela, il fallait se réveiller, mais il n'y était pas encore prêt. La réalité l'effrayait toujours : là-bas, peut être que le grand chat ne serait plus là pour le protéger et l'aider à s'enfuir loin de ses pensées, de ses terreurs, de ses doutes, de sa mémoire. Il devait rester encore, le temps de se reposer, il déciderait ensuite de la marche à suivre. Alors il profita pleinement de chaque sensation. Sa monture fut soudain prise d'un frisson et se mit à bondir et à courir en tous sens. Le vent frais lui fouettait si fort le visage qu'il en eut les larmes aux yeux et... il poussa un cri de joie. Cela provoqua en lui une surprise que tempéra l'aspect normal et logique que prenaient les choses les plus étranges dans le monde des rêves. Cependant, quelque chose en lui se souvenait qu'une fois de retour dans la réalité, il redeviendrait silencieux alors il cria, parla et ria tout ce qu'il put. Il n'eut même pas mal à la gorge car il ne savait pas que l'on pouvait y éprouver une douleur lorsque l'on criait trop. Submergé par tant de sensations nouvelles, il ressentit un plaisir gigantesque mais également un besoin de se poser, le temps d'assimiler tout cela. Le grand chat sembla l'avoir compris et bondit vers le ciel, prit quelques appuis sur l'air pour s'envoler si haut que peu après, ils ne furent plus environnés que d'étoiles scintillantes. Tiego se coucha sur la fourrure qui s'était adoucie. La bête avait même grandi et il put s'allonger confortablement sur son dos. Il voulut se promettre de rester ici pour toujours mais une part de lui savait qu'il ne voulait pas vraiment cela ; tôt ou tard, il allait devoir se confronter à nouveau à la réalité. Dans sa détresse, il s'était senti seul mais il y aurait Blue et son nouveau grand-père pour le protéger. Bien que son manque d'affection énorme ait un besoin tout aussi grand d'être comblé, il préfèrait pour l'instant faire confiance à une créature immaginaire plutôt qu'à des humains. Ses parents, qui auraient dû veiller sur lui l'avaient abandonné... Y repenser lui fit mal, sa mémoire revenait progressivement, et douloureusement. Il se blotit dans la fourrure réconfortante de son compagnon et pleura à chaudes larmes. Même si cela l'apaisa, il douta que cette douleur disparaisse un jour.

Au bout d'un moment, il ressentit la nécessité que quelqu'un lui parle, lui dise des mots d'amour et l'écoute pour le consoler. Le gros chat remplissait les fonctions câlin et écoute mais il ne comprenait ni ne parlait. En revanche, dans la réalité, ce serait son tour de ne pas pouvoir parler... Tant pis, il devrait se débrouiller, il avait désormais besoin d'une présence humaine. Il sentit du mouvement sous lui et se remit à califourchon. Il se laissa ramener vers la Terre, vit la tache de brouillard se rapprocher mais la majestueuse créature effectua une courbe pour entrer dans une maison à l'écart du brouillard. Il en descendit et ils entrèrent côte à côte à l'intérieur, montèrent l'escalier, et arrivèrent dans la chambre de Blue. Il y vit Oni assis près de... lui ! On l'avait étendu sur un nid de couvertures et de plein de choses molles et douces de formes diverses : des carrés, des ronds, des animaux, dont certains qu'il avait vus dans le rêve, et même le gros chat. Lorsqu'il l'attrapa, sa version géante disparut et il réintégra son corps. Oni le remarqua immédiatement mais ne fit pas un geste, pour ne pas le brusquer, et Tiego lui en fut reconnaissant. Après les quelques instants que nécessite toujours le passage du sommeil à l'éveil, il se dirigea vers lui. Le grand-père lui demanda s'il pouvait marcher assez pour descendre les escalliers et retrouver Blue. Le garçon aquiesça. Ils descendirent tous les deux, prudemment. Lorsque la petite fille les vit, ses yeux brillèrent et elle se mit à pleurer.

...............

Oni installa des couvertures et des coussins et s'assit en face de la cheminée. Il prit les deux enfants sur ses genoux et les réconforta. Ils avaient vécu tant de choses. Sans la Firme, tous ces malheurs n'auraient peut-être pas eu lieu. Il l'avait vu monter en puissance, et il espéra qu'il serait encore vivant pour la voir disparaître.

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