Rencontre

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Vous êtes Théophile ?

Le professeur sursauta, absorbé par l’observation des oiseaux picorant par-delà la fenêtre du petit café. Surpris qu’on utilise ainsi son prénom, il se leva d’un coup comme un enfant pris en faute.

A qui ai-je l’honneur ?

Devant lui, comme une apparition divine, une drôle de petite femme qu’il n’avait pas vu venir le toisait du regard. Elégante dans son tailleur un peu serré, ses lunettes fines, ses longues boucles d’oreilles lui frôlant sa nuque dénudée, elle avait par-dessus ses épaules une grande parka qui détonnait avec le reste. Avec ses cheveux serrés en chignon désordonné et un rouge à lèvre beige très sobre, elle ne payait pas de mine… Pourtant l’homme fut époustouflé par ses grands yeux verts à moitié cachés derrière ses verres.

Docteur Lamartine, je présume ? fit ce dernier en lui tendant la main, comme par réflexe.

Elle la lui serra aussitôt et s’assit en face de lui sans demander la permission. Elle avait l’air inquiète, presque louche, et se pencha sur la table juste après avoir hélé le serveur. Sa parka crépitait au moindre de ses gestes.

Merci d’avoir accepté notre entrevu.

Le plaisir est partagé, bredouilla presque le professeur, comme subjugué.

Je suis désolée de vous rendre visite ici mais… Ce que j’ai à vous dire doit rester non officiel.

Théophile haussa les sourcils, mais acquiesça.

Qu’en est-il ? demanda-t-il d’un ton qui se voulait affirmé.

J’ai lu plusieurs de vos rapports, et je voulais vous dire que mes propres observations se regroupent complètement…

Je sais, c’est ce que vous m’aviez dit.

Un serveur s’approcha enfin, interrogeant la femme. Elle demanda un capuccino sans même regarder la carte, décidée à écarter le gêneur.

Comme vous le savez, je suis volcanologue… Et les activités recensées il y a quelques semaines sont un véritable mystère pour moi.

Vous désirez mettre nos recherches en parallèle ?

Elle prit un air embarrassé.

Et bien… En fait, j’ai été licenciée.

Un ange passa. Le professeur se demandait ce qu’il pouvait bien faire là. Pourtant, il lui laissa le bénéfice du doute : il n’avait eu aucune réaction de son côté, et sa faculté n’avait pas donné suites à ses demandes.

Ils pensent que c’est une erreur dans mes notes. Que je suis la cause d’un échec sur plusieurs mois d’analyses…

Et qu’en pensez-vous ?

Elle le foudroya de son beau regard vert.

J’en pense que je ne me suis pas trompée. Et vous êtes la preuve qu’il se passe quelque chose…

Professeur Brivenet hocha la tête à nouveau et sortit de sa petite mallette plusieurs dossiers remplis de chiffres savants et de données statistiques.

Très bien voyons voir ce que vous valez…

Ce que je vaux ?! s’interloqua la docteur.

Je veux dire…

L’homme soupira, comme fatigué de devoir s’excuser. Il continua sans faire plus attention à la remarque de sa collègue. Elle plaqua alors sa main sur les papiers éparpillés devant elle.

J’ai déjà lu vos rapports, je vous aie dit.

Co… comment ? s’étonna-t-il, serrant sa tasse de café _noir et corsé comme il aime.

La jeune femme s’immobilisa, le fixa un instant.

Je me suis débrouillée pour mettre la main dessus. Cela n’a aucune importance…

Et vous vous étonnez d’être licenciée ? protesta Théophile

Elle soupira, comme agacée.

Ecoutez Hélène. C’est Hélène votre prénom, c’est ça ?

Elle acquiesça, prête à écouter.

J’ai vu en effet des perturbations que je ne saurais encore expliquer. Je ne sais pas ce que vous avez en tête, mais je compte résoudre ces problèmes de manière tout à fait rationnelle et scientifique. Donc si vous êtes l’une de ces tordues de conspirationnistes, de fana de l’Agartha ou que sais-je, vous ne vous êtes pas adressé à la bonne personne ! protesta le jeune homme.

Agartha ? s’étonna la volcanologue.

Un autre silence, suivit d’un autre soupire.

Ecoutez Théophile, je ne sais pas de quoi vous parlez. Je veux juste prouver que je ne suis pas une incapable. Qu’il y a bien quelque chose de bizarre là-dessous…

Le professeur la fouilla du regard, détailla son air impassible, ses joues roses, son nez charmant. Elle semblait vraiment sincère.

Et que proposez-vous ? osa-t-il demander.

La docteur se pinça les lèvres. Enfin, elle se rapprocha de lui, murmurant presque du ton le plus convainquant qu’elle pouvait.

Travaillons ensemble. Ok ?

Théophile, désarmé, se tassa dans sa petite chaise de plastique transparente. Enfin, il posa une main sur son front, écartant ses mèches noires en bataille qui trainaient sur sa tempe.

Il ne savait vraiment pas ce qu’il faisait là.

La Meute, c’était le groupe le plus gros et le plus agressif de toute la Nouvelle Terre. La Nouvelle Terre ? C’était le nom qu’avait donné Danaë à ce nouveau monde qu’elle ne reconnaissait qu’à peine. Elle n’était pas très inspirée, et elle l’admettait sans peine. Mais qu’importe, puisque personne n’était plus là pour la juger. Mignonne lui avait raconté qu’au quatrième tremblement, les animaux s’étaient réveillés et avaient créé le chaos dans la ville. C’était vraiment la guerre. Le peu d’humains a alors été chassé, parfois même tué et dévoré… Elle n’avait su lui dire plus à ce sujet. Puis, au bout d’une semaine d’errement parmi les ruines, un groupe s’était rapidement constitué et avait commencé à recruter toutes les créatures pensantes. D’abord sans nom, ce regroupement menait la terreur parmi les mammifères du coin ; ensuite, sans vraie raison apparente, ils ont commencé à s’organiser. Leur letmotiv ? Rebâtir un monde fort et uni. Un monde uniquement d’animaux, bien sûr. Mignonne était resté vague sur leurs intentions à propos des humains, mais Danaë avait bien compris ce qui l’attendait si elle tombait entre leurs griffes.

— Et pourquoi vous ne voulez pas les rejoindre ? avait-elle demandé, pensive.

Après tout, donner du pouvoir aux animaux et réorganiser une civilisation autour de cette idée n’était pas si fou vue les circonstances. La chatte avait alors raconté que leurs raisons étaient variées : certains aimaient les humains ou avaient la nostalgie du passé, d’autres n’aiment pas le combat et le sang inutile versé. D’autres encore veulent la liberté, tout simplement, et voient d’un mauvais œil qu’une seule et unique créature puisse les commander. Ils étaient ainsi devenus des rebelles.

Les mots de la féline tournaient et retournaient dans sa tête. Impossible pour la lycéenne de dormir malgré le noir intense qui environnait les lieux. Voilà bien des années qu’elle n’avait pas vu un ciel aussi beau et étoilé, sans aucune pollution lumineuse pour le gâcher. Mais malgré le spectacle grandiose devant ses yeux, elle était triste et angoissée. Sa première nuit. Le fil du hamac lui sciait le dos, l’air frais la faisait vaciller dans le vide, soufflait à travers ses couvertures et la glaçait lentement. Vraiment impossible. Alors, sans faire un bruit, elle se tira jusqu’à la branche, descendit les escaliers de bois en essayant de les faire grincer le moins possible. Elle venait d’à peine toucher le sol quand elle entendit un grondement.

— Que fais-tu ici ?

Deux croissant de lune la foudroyaient du regard. Une silhouette noire s’arracha des ombres, s’approcha sans un seul bruit, sans un seul souffle. Elle avait des progrès à faire pour arriver à ce niveau de discrétion, se dit la jeune fille. Seuls les ronflements de Frosty, la tête blottie dans le poil de Taiga sous le feu crépitant d’une des torches allumées, et les grincements de dents de Scouic raisonnaient dans la nuit.

— Diablo ?

— Qui veux-tu que ce soit ?

La jeune fille soupira, agacée par ces incessants piques désagréables. L’homme-chat était adossé à un arbre, les bras croisés, les moustaches en bataille. De toute apparence, il venait de se réveiller et faisait semblant de veiller-là de façon très naturelle. Pfff, quel poseur, pensa Danaë.

— Je n’arrivais juste pas à dormir… finit-elle par répondre

— Alors, qu’est-ce que tu vas faire ?

Il avait posé la question de manière abrupte, presque agressive. Pourtant l’adolescente ressentit malgré tout une certaine retenue, peut-être de la pitié au fond de sa voix.

— Faire ?

— Tu vas essayer de trouver tes parents ?

Danaë hocha la tête sans rien dire.

— Il n’y a pas beaucoup de chance qu’ils soient en vie.

— Je te remercie pour ton intérêt, mais c’est la dernière chose que j’ai envie d’entendre… cracha-t-elle, excédée. La colère était montée d’un coup, comme trop longtemps contenue après des heures de harcèlement.

— Tu ne comprends pas.

Il s’approcha, décroisant les bras, sa queue d’ébène fouettant les airs d’agacement.

— Ho que si, j’ai bien compris. Ça va. Je me suis réveillée ce matin, laisse-moi le temps de m’y faire… et ensuite, je m’en irai. Oui, je vais chercher ma famille, et oui, je ne vais pas tarder. Ça te va ?

— Tu ne comprends vraiment rien… continua la panthère en secouant la tête.

— Mais tu vas arrêter, oui ?! cria Danaë, excédée.

Elle avança de rage, mais il l’attrapa aussitôt par le bras. Sa main était ferme mais douce, l’agrippait sans trop la serrer.

— Tu ne feras pas long feu, dehors…

Ses yeux d’ambre vert la fixaient, l’agrippaient tout autant que sa patte. Soudain, une autre voix détourna leur attention.

— Vous en faites, du bruit…

C’était l’autre avec sa longue crinière qui avait entendu du raffut.

— Tout va bien D’Artagnan, répondit rapidement la lycéenne, à mi-voix.

Elle recula aussitôt, se libéra de l’emprise du félin d’un mouvement d’épaule. Puis, gênée, elle fit un signe de tête pour leur dire bonne nuit et se décida à remonter les escaliers. D’Artagnan se tourna vers le chat noir.

— Tu t’inquiètes tant que ça ?

Ce dernier ne desserra pas ses babines, continua de secouer la tête. Il était encore plus contrarié, regardant le sol en ronchonnant. Enfin, il osa quelques mots à voix basse, le ton grave.

— Elle va nous claquer entre les pattes.

— Tu veux faire quoi ? C’est une humaine. On sait comment ils sont…

La panthère acquiesça.

— Ne fait pas de bêtise, Diablo. Je sais bien que tes souvenirs te travaillent…

— Elle ne doit pas rester ici, continua le chat noir. Ils risquent de venir la chercher.

— Tu as encore allumé la radio, toi…

— Les recrutements s’intensifient. Soit on suit, soit on crève.

D’Artagnan croisa les bras, puis soupira.

— On en parle demain. On se décidera. Mais maintenant, dort.

Diablo garda la tête baissée, comme pensif, mais s’écarta lui aussi à ces mots.

— Bonne nuit, mon ami.

— A demain, conclut le chat noir d’un air grave.

*****

Accroupie au pied d’un tronc, Danaë enfourna plusieurs graines au fond de son sac. Elle ne voulait pas voler la nourriture qu’on lui offrait gentiment, alors elle tentait de faire ses réserves avec uniquement ce qu’elle trouvait. Des glands étranges, des noisettes peut-être, de la taille d’un gros œuf. Tout était immense, désormais. Elle les rajoutait donc avec toutes les petites choses qu’elle avait déjà collecté au fond de son baluchon en drap blanc. Nerveuse, elle grignota d’une main la biscotte sèche que Scouic lui avait généreusement laissé ce matin.

— Tu fais quoiii ?!

Derrière, la voix enjouée de Frosty la tira de ses angoisses. C’était lui qu’elle avait vu en premier ce matin, lui sautant dessus en lui léchant le visage comme s’ils s’étaient toujours connus. Frosty était un petit garçon _un jeune chiot, très affectueux. Pourtant, Danaë se demandait si Taiga ne l’avait pas envoyé pour la surveiller.

— Tiens ! Tiens ! Regarde, Danaë !

Frosty s’ébroua à côté d’elle, lui apporta tout un tas de graines, de coques, de brindilles, de mousses en tout genre qu’il laissa tomber juste à ses pieds. Il avait un sourire large jusqu’à ses oreilles redressées, la langue pendante de joie, la queue frétillante. Ses yeux de glace brillaient d’une confiance aveugle et, trop heureux de son cadeau, il engouffra son museau dans la paume de main de la jeune fille en jappant de satisfaction. Danaë sourit, attendrie. Non, elle devait se tromper. Jamais Taiga, qui semblait pragmatique et rationnelle (elle ne pensait pas un jour parler d’un husky avec ces termes), n’aurait fait confiance à ce chien-fou.

— Dis, pourquoi tu es là, Frosty ?

Il répondit d’un ton enjoué avec sa voix fluette.

— Car je veux savoir ce que tu fais !

— Rien de bien intéressant, j’en ai bien peur…

Il renifla l’air, puis jeta un œil vers le sac de l’adolescente.

— Tu veux partir… ?

Danaë soupira, ne sachant que répondre.

— Je dois retrouver mes amis, ma famille…

— On peut t’aider ! jappa le garçon avec enthousiasme.

— Non, j’en doute, non…

Frosty se lécha les babines, comme par réflexe, puis pris un air pensif.

— Moi, ma famille, c’est Taiga. Et puis les autres aussi.

— Je ne savais pas que les chiens aimaient les chats…

Le jeune garçon la regarda sans comprendre puis repris.

— Quand je me suis réveillé, j’ai su tout de suite que je devais les suivre.

La jeune fille leva les yeux vers le chiot.

— Comment ça ?

— Et bien… Quand j’ai vu Taiga, j’ai su tout de suite que c’était ma grande sœur ou ma mère. Pas forcément car elle me ressemble… juste, je le savais. Et on s’est regroupé petit à petit jusqu’à venir se réfugier ici. On est soudé, on se fait tous confiance.

Il se rapprocha de Danaë, posant une patte sur sa main, et reprit :

— Tu sais, je comprends que c’est dur pour toi. Tu es seule, sans personne. Je me souviens encore d’avant, de comment les humains étaient gentils avec moi. Il y avait une petite fille… elle me fait un peu penser à toi.

— A moi ? Tu te souviens d’avant ?

— Oui, je me souviens aussi de la sève qui battait en moi, ou de l’eau qui m’entourait… Je me souviens de la chanson que ma mère chantait aussi. Ainsi que des milliers d’autres chansons dans des milliers de langues… Mais je serais bien incapable de les chanter désormais…

Danaë fixa ses yeux clairs, interloquée. Ce qu’il disait n’avait pas vraiment de sens…

— Jeune fille, viens.

La voix mélodieuse de Taiga sonna un peu plus loin. Frosty releva la tête, le nez au vent, jetant un regard curieux à sa sœur.

— Qu’est-ce qu’il y a, Tata ? demanda-t-il avec d’un ton innocent.

— Nous avons discuté à propos de ta nouvelle amie.

Elle tendit la main vers Danaë.

— Viens.

L’adolescente se rapprocha du campement et vit le petit groupe l’attendre d’un air grave. Elle serra son sac avec appréhension. Mignonne lui sourit immédiatement, comme pour la rassurer. Décidemment, elle portait bien son nom. Finalement, c’est Diablo qui commença à aborder le sujet. Ça part très mal… se dit la jeune fille, amer.

— Nous devons statuer sur ta présence ici, aborda-t-il sèchement.

— Sur ton avenir ici, précisa Mignonne en assassinant Diablo du regard.

Et bien, si certains ne le désiraient pas, elle ne voulait s’imposer à personne. De toute façon, elle n’avait rien demandé, et puisque les créatures armées qui les suivaient n’étaient plus là, elle n’avait plus vraiment de raison de tarder. Elle répondit d’une voix claire et déterminée.

— Dites-moi si vous avez vu des traces d’humain, proches ou lointaines. Un indice, quelque chose, et j’irais par là. C’est tout ce que je demande.

— Attend, jeune fille, temporisa Taiga.

Elle siégeait au centre, sa magnifique robe noir et blanche se démarquant devant l’arrière-plan de verdure. Le port haut, l’allure serein, elle imposait le respect.

— Contrairement à ce que tu peux croire, nous ne voulons pas te mettre en danger.

— Ni même te faire partir, continua D’Artagnan, adossé à une immense racine couverte de mousse.

Il lui lança un de ces clins d’œil de son cru. De son côté, Diablo croisa les bras, les yeux remplis d’une flamme étrange.

— Les humains ont très peu de chance de survivre dans le coin…

C’était Cupcake qui prononça ces dernières paroles. Il ne faisait pas au départ partie du groupe de parole, mais il venait d’approcher, une pile de bois sur les épaules qu’il laissa tomber près d’un foyer. Danaë regarda mieux autour d’elle : en fait, ils n’étaient pas que quatre ou cinq à l’observer. Tout le village caché semblait tourné vers elle. Elle distingua de petites têtes d’alouettes et d’animaux en tout genre qui dépassaient des passerelles, des bosquets et des tentes alentours, attendant la sentence. Ils étaient curieux de la tournure des évènements.

— Nous sommes tous d’accord pour dire que la présence d’humain est quelque chose que nous n’avons pas l’habitude de gérer, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du camp… soupira Mignonne. Cependant, nous ferons tout pour que tu trouves ta place au sein de notre famille.

L’adolescente rougit, touchée par l’aide inconsidéré de la chatte. Pourtant, elle secoua la tête, baissant le regard.

— C’est très gentil mais… ne prenez pas tant de peine. Je voudrais juste…

— Retourner chez toi ?

Danaë écarquilla les yeux. Taiga lui tendit alors une carte d’un air détaché. La carte de sa ville.

— On se doutait bien que tu répondrais cela… continua Mignonne, les oreilles tombantes, le regard inquiet.

— Dis-nous où tu habites, et on t’y amène. Juste pour voir…

La jeune fille déglutit, admira le bout de papier d’un air interdit. Le souffle court, elle pointa du doigt sa minuscule rue coincée entre deux axes principaux. Tous se penchèrent pour mieux voir. Tous se regardèrent avec une pointe d’appréhension.

— Tu es sûre ? demanda Diablo.

— Sûre de savoir où j’habite… ? répondit la lycéenne, sarcastique.

Alors la husky repris la carte et la replia.

— Très bien. Demain, on t’y amène.

La jeune fille repris enfin son souffle, comme si son avenir était devenu d’un coup un peu moins sombre.

— Merci… murmura-t-elle, n’y croyant pas.

Ils s’écartèrent tous enfin, la laissant encore tremblante sous le petit kioske sauvage. Pourtant, elle n’était pas tout à fait seule ; des milliers de petits yeux luisants continuant de l’observer. Sa présence semblait en interloquer plus d’un. Il ne lui semblait pourtant pas avoir été ainsi épiée la veille, mais elle se souvint aussi ne pas avoir croisé grand monde. C’était à croire qu’ils avaient attendu cette réunion pour enfin se montrer, ou en tout cas oser poser le regard sur elle. Quelque chose la fit tiquer : les petits visages qu’elle arrivait à attraper étaient parfois minuscules, ponctués de grands yeux innocents. Des enfants. Danaë comprit alors la prudence à son arrivée ici.

La journée passa avec beaucoup de légèreté. Savoir ce qu’elle allait faire au moins un jour à l’avance donnait à la lycéenne la sensation de repères. Retourner en ville, revoir ces rues qu’elle connaissait tant, qu’elle peinerait à distinguer sous ce manteau vert mais qu’elle reconnaitrait enfin avec toute la joie d’un voyageur retrouvant un être cher… Son sang bouillonnait autant d’appréhension que d’excitation. Elle remplissait donc son baluchon avec d’autant plus d’enthousiasme en prévision d’un nouvel avenir incertain, plus lointain cette fois. Moins effrayant.

— Tu vois, je t’avais dit qu’on t’aiderait !

La voix de Frosty sonna à côté d’elle comme un glapissement satisfait. Il la fixait avec une joie non dissimulée, les mains derrière le dos, sa queue touffue toujours en train de balayer l’air. Danaë ne put retenir un léger sourire amusé à la vue de sa langue pendante, et hocha la tête pour le remercier. Frosty, c’était un peu un rayon de soleil parmi toute cette immensité de chaos et de verdure belliqueuse. Autant que Mignonne pouvait être le soutien essentiel à sa survie. Elle remercia secrètement le ciel de les avoir ainsi rencontrés, car elle n’aurait pas donné cher à sa peau ou à sa santé mentale sans eux. Et les autres… Heureusement qu’elle était bien tombée.

La soirée fut de même, jolie bulle d’espoir dans ces débuts hasardeux avec ce nouveau monde. Danaë se retrouva coincée entre Cup et Scouic, Frosty sur les genoux, assise près d’un feu de camps. Des dizaines d’autres créatures s’étaient présentées, ou plutôt s’étaient enfin montrés à ses yeux. Des hommes oiseaux comme Steller, bien que pour la plupart moins impressionnants, mais aussi d’autres chatons, chiots, lapereaux, hamsters et renardeaux qui s’empressaient de l’admirer, lui tirant parfois quelques mèches de ses cheveux châtains.

— Oust, oust, les gosses ! gronda gentiment D’Artagnan, faisant un signe de la patte.

Ce dernier avait changé d’habit et, plus distingué que jamais, s’était empressé d’inviter la jeune fille à danser sur quelques accords de guitare. Elle refusa tout net : la danse, ce n’est absolument pas son fort. Ni les sourires charmeurs du beau félin, ni les encouragements de Frosty et les couinements de Scouic ne lui fit changer d’avis. Hors de question de se montrer devant tous ces gens.

Enfin, quand tous burent et se rassasièrent, ils se mirent à chanter : d’étranges chansons que la jeune fille pensait reconnaître, revenues du fond des temps comme un appel du passé, un écho de l’Histoire. Certaines paroles étaient compréhensibles, d’autres roulaient les r, tiraient sur les voyelles, faisaient couler les l comme elle n’avaient jamais entendu. Et quand les hommes et femmes oiseaux se mirent en chœur, elle n’en crut pas ses oreilles : jamais plus beau son, plus belle harmonie ne l’avait touché ainsi. Et jamais elle n’avait entendu son aussi aigüe, aussi grave, aussi rauque, aussi doux… en quelques minutes seulement. Même le sorte de perroquet au fond s’y était mis, et tous esclaffèrent de rire à sa ritournelle pittoresque.

La nuit passa en un clin d’œil, et enfin le soleil se leva. Il perçait à travers les immenses arbres et lui caressait le visage. Un réveil à la perfection. Tout montrait cette journée sous les meilleurs hospices. Danaë s’étira en gémissant, ne prit pas garde aux quelques baies laissées là à son attention.

— C’est aujourd’hui, entendit-elle au contrebas.

C’était Diablo qui l’attendait en bas de la passerelle, les mains derrière le dos.

— En voiture ! somma Cupcake de sa voix grave.

Mignonne l’attendait devant la portière déjà ouverte, en train de charger d’étranges sacs en toile verte. Danaë l’interrogea du regard, et elle comprit que c’était bien le minimum à prendre pour survivre dans la ville sauvage.

— Je n’ai pas dit aurevoir aux autres… murmura-t-elle enfin, gênée.

— Car tu penses vraiment que tu ne reviendras pas ? lui demanda D’Artagnan avec surprise.

— Si je retrouve mes parents…

Il éclata de rire, à tel point qu’elle faillit se vexer. Diablo passa entre eux, les bras croisés.

— Où penses-tu aller, même si tu les retrouves ? posa ce dernier d’un ton monocorde.

— Je…

La lycéenne chercha une bonne réponse pour le moucher. Elle n’y arriva pas, laissant sa voix se perdre dans le silence.

— Tu vois, pas besoin de leur dire aurevoir, continua D’Artagnan d’un ton enjoué.

Elle rentra alors dans la voiture et la portière se ferma aussitôt. C’était le gros Range-Rover qu’elle connaissait de l’avant-veille. Enfin, Cupcake enclencha la clé, le moteur ronronna, et le 4x4 se hissa entre les monticules. Il tanguait comme un bateau en pleine tempête, mais tenait le coup.

D’un coup, un bruit sourd raisonna sur la vitre à sa droite. Une boule de poil blanche, noire et rose s’agglutinait sur le verre teinté, et la jeune fille reconnu aussitôt Frosty qui léchait la surface lisse en couinant. Elle descendit la fenêtre, fit un dernier câlin au chiot.

— Taiga ne veut pas que je vienne !

— Elle a raison, c’est dangereux, répondit Danaë dans un souffle.

Aussitôt, sa voix regagna en bonne humeur.

— Ne t’inquiète pas pour moi ! Scouic reste ici aussi !

La demoiselle hocha la tête, jeta un œil derrière l’épaule de Frosty et vit le grand rouquin lui faire un petit salut. Il s’approcha, lui tendit un petit paquet recouvert de tissu. Danaë le remercia aussitôt, posant le cadeau sur ses genoux. Ce dernier lui répondit dans un long couinement étrange.

— Allez, allez, on y va, grommela gentiment Cupcake.

Danaë referma la vitre en secouant sa main. Elle se sentit un peu bête, mais après-tout, ils en valaient bien la peine. Un peu plus loin, la silhouette de Taiga se dessinait entre les branches, la saluait aussi d’un léger mouvement de la main. Enfin, Danaë s’enfonça dans son siège, le sourire aux lèvres.

La route du retour lui parut moins sombre, moins inquiétante, pleine de promesse. Le chaos végétal avait des airs d’aventure, et promettait de recracher ses secrets sous ses racines tordues. Une fois de retour sur l’asphalte, tout y était plus grandiose, plus inspirant et surprenant. Même les yeux acerbes de Diablo lui parurent comme deux lumières amicales, deux lunes mystérieuses dans l’ombre de l’habitacle. Enfin, les premiers bâtiments de la ville se dessinèrent à l’horizon : des immeubles effondrés, des enseignes pâles devenues illisibles. Le panneau de l’entrée était rouillé, recouvert de vert, à moitié plié par les vents. Pourtant, Danaë sourit à sa vue.

Bientôt, les croisements se firent plus nombreux, les feux de signalisation recouverts de poussière siégeant piteusement entre les crevasses et les buissons. Inquiets, Mignonne avait sorti sa tête par la fenêtre, fouillant le ciel du regard.

— Un problème ? demanda Danaë, troublée.

— On ne sait jamais quand un de leurs espions volants arrive… expliqua D’Artagnan.

Il avait mis un large chapeau qui lui protégeait les yeux, et le tenait fébrilement en essayant d’observer lui-aussi l’azur.

Finalement, après avoir roulé le plus possible le long d’une des routes boisées, couverte par les feuillages, le Range Rover stoppa en plein milieu d’une ruelle.

— On descend ! annonça Diablo.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda encore la jeune fille, lançant un regard interrogateur à son voisin.

Il ne répondit pas, l’obligeant à sortir. Enfin, le pied posé sur le sol, son sol, la poussière giflant son visage, elle balaya du regard les restes de la ville.

— C’est par là, indiqua-t-elle avec enthousiasme du bout du doigt.

Elle devait encore à trente ou quarante minutes de marche de chez-elle, mais au moins elle avait reconnu l’endroit. Pourtant, difficile de vraiment discerner les alentours dans cette ambiance morte, balayée par des vagues de poussière et d’herbes sèches.

— On continue à pied, ordonna Mignonne, tirant un sac du large coffre du 4x4.

— Pourquoi ?

— Trop dangereux. L’accès est trop difficile par là-bas, et on risque d’attirer l’attention.

Danaë hocha la tête. Elle se doutait bien de la difficulté de l’entreprise, et de la prudence qu’ils devaient prendre, mais elle préférait être sûre de ce qui se passait. La Meute semblait tenir la ville, peut-être même le pays tout entier, sous son joug, et n’avait pas de territoire particulier. Ou plutôt, de nombreux endroits pouvaient permettre de les croiser : les ministères, les mairies, tous les bâtiments de pouvoir ou de décision, lui avait déjà Mignonne la veille.

Le petit groupe s’enfonça dans les ruines, tout droit vers l’endroit qu’elle avait montré. Ils longèrent un fleuve, foulant les pierres jonchant les quais, puis s’engouffrèrent dans une ancienne ruelle complètement bouchée.

La jeune fille avait à peine fouillé du regard les quelques barques flottantes encore, comme par miracle, sur l’onde paisible du canal. Elle craignait d’y trouver des choses terribles, et même si sa curiosité l’intimait d’y jetait un œil, son cœur se serrait à chaque fois. Il lui arrivait parfois, ça et là, de distinguer d’étranges tâches sombres, mêlées de rouge et de marron, comme du vieux sang qui avait coulé, giclé et séché là. Que s’était-il passé ? La personne était-elle morte ? Où était désormais son cadavre ? Était-ce un homme, un enfant, une créature ? Parfois, quelques éclats qui semblaient être ceux de balles entouraient l’endroit et donnait une petite idée de ce qui s’était passé. D’Artagnan récupéra même quelques douilles juste à côté d’un petit jardin d’enfant enseveli par les ronces.

Mais là, dans cette nouvelle vaste rue ravagée, il n’y avait plus rien à observer. Plusieurs immeubles s’étaient effondrés, et d’immenses tiges étaient sortis des crevasses, comme une bambouseraie géante au-dessus du béton.

— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Cupcake en soupirant.

Mignonne sortit une carte de sa poche arrière, observa les alentours en plissant ses longs yeux en amande. De la poussière s’était accrochée à ses vibrisses supérieurs, brillant dans les rayons de soleil du presque midi. C’était un joli tableau que cette étrange chatte posée sur ses deux pattes, habillée et dressée comme une aventurière aux aguets, la carte dépliée devant elle.

— Contourner va nous prendre des lustres. Le pont plus à l’est s’est effondré, on sera bloqué aussi.

— Et donc ? demanda D’Artagnan, jetant lui aussi un œil sur la carte.

La calico soupira, fit un geste de sa tête vers la gauche.

— Il y a une galerie commerciale un peu plus loin. Si nous pouvons y entrer, sa sortie de l’autre côté nous fera gagner pas mal de temps.

— Alors allons-y ! répondit Cupcake.

Danaë crut presque déceler de l’enthousiasme dans la voix du gros chien bourru. Cela la fit sourire.

— Je connais l’endroit, osa-t-elle enfin avancer. Enfin, je veux dire… J’y allais de temps en temps, avant. Je sais à peu près trouver mon chemin.

— Voilà qui est parfait ! continua Cupcake, un gros sourire illuminant son faciès écrasé.

Il lui tapota l’épaule avec d’autant plus d’entrain et se dirigea aussitôt vers la direction proposée par la chatte.

Tous s’engouffrèrent enfin dans la galerie un peu plus loin. Les portes étaient tombées, mais l’ouverture était encore accessible, proposant dans les vastes vitrines délabrées d’étranges mannequin aux habits vert de mousse, aux accessoires cassés devenus marrons. Seules les silhouettes longilignes et désarticulées, sans aucun visage, rappela à Danaë l’existence effacée des humains. Voilà tout ce qui reste de nous, se dit la jeune fille en soupirant, mal à l’aise face à ces poupées de plastiques lisses et froides. Elle sursauta en voyant l’une de ces mains blanches dépasser de sous quelques pierres, puis enjamba l’éboulement sans y faire plus attention.

— Le chemin ne sera pas facile, chuchota Diablo, grondant presque entre ses moustaches.

— Ce n’est pas grave, on y arrivera, répondit l’adolescente d’un ton volontaire.

Le matou s’arrêta, surpris, son visage sombre semblant un peu moins fermé que d’habitude. Il hocha enfin la tête, et, lui proposant sa main pour l’aider à grimper un talus de pierre, la tira d’un simple geste vers lui. Danaë n’y faisait pas attention, trop concentrée par la dure avancée à travers la galerie accidentée, mais le chat noir la fixait avec un peu plus d’attention, un peu moins d’agacement. Peut-être qu’on arriverait à en faire quelque chose de cette humaine, finalement.

Soudain, un bruit sourd raisonna à travers l’endroit, fit tomber quelques filets de pierre du plafond craquelé. C’était un ronronnement, une sorte de grondement même qui battait au-dessus d’eux, étouffé par l’épaisseur des pierres. Pourtant, tous s’arrêtèrent, regardant les airs.

— Un hélico, commenta D’Artagnan, sur le qui-vive.

— Il ne s’est pas posé très loin… souffla Mignonne, agacée.

— Ils ont même des hélicoptères ? s’étonna Danaë.

Mignonne hocha la tête, les babines serrées.

— On continue. Il n’y a pas de raison pour qu’ils passent par ici.

— Et s’ils décident aussi que c’est ici le chemin le plus court ? continua Diablo en levant un sourcil.

— Humf… Soyons vigilant.

Mignonne était passée devant, suivie de près par Cupcake qui portait les sacs les plus lourds du groupe. Danaë les suivait quand un autre bruit retentit à quelques centaines de mètres d’eux : c’était les portes de l’entrée de la galerie, ou ce qu’il en restait qui s’étaient définitivement écroulées. Quelqu’un avait décidé de les écarter une bonne fois pour toute. Un jappement de rage éclata à l’autre bout de l’allée intérieure, retentit jusqu’à eux et les figèrent sur place.

— On se planque ! incita Diablo dans un feulement discret.

Danaë se plaqua sur le sol, juste à côté de D’Artagnan qui lui fit un sourire encourageant. Elle secoua la tête, fronçant les sourcils. Pourtant, elle ne se sentait pas complètement terrorisée, ainsi entourée de ses compagnons.

Une petite troupe entra dans le tunnel sombre des vitrines brisées et longèrent l’allée centrale avec prudence. Ils étaient armés, braquant leurs canons vers chaque interstice d’ombre et de métal. La jeune fille leva légèrement la tête et aperçu les silhouettes élancées au contrejour des chiens de la dernière fois. D’autres, plus massives et plus lentes, passaient derrière et traînaient de lourdes charges en poussant d’étranges meuglements. La première rangée s’avançait à pas vifs vers eux, bondissant presque sur leurs pattes arrière. Danaë se plaqua contre le sol de plus belle, le souffle court.

— On fait quoi ? murmura D’Artagnan. Ils vont nous repérer.

— Il faut qu’on sorte de là, gronda Cupcake.

D’un bond, Diablo sortit comme un monstre de sa boîte.

— Qu’est-ce que tu fais ?! s’enquerit Mignonne, stupéfaite.

Aussitôt, le félin courra de l’autre côté du chemin, s’engouffra dans ce qui restait d’un petit cinéma aux affiches délavées. D’abord sans un bruit, ses pas se firent plus lourds une fois éloignés de ses amis.

— Diablo ! appela Danaë dans un souffle.

Cupcake lui attrapa le col et la tira en arrière.

— Vite ! C’est le moment d’y aller !

La lycéenne se redressa, jetant un coup d’œil derrière son épaule. Des coups de feu éclatèrent. Pire, elle vit un étrange objet noir lancé contre le mur de la bâtisse.

— A terre ! ordonna Mignonne en se plaquant derrière un gros caillou.

La déflagration fut encore plus violente que prévue. La terre éclata dans une apocalypse de roches et de débris, et Danaë cru même que le plafond allait encore s’écrouler sur elle. Des éclats lui déchirèrent la peau, l’égratignèrent jusque sur le visage. Elle sortit enfin sa tête d’entre ses mains, essaya de décoller ses cils empêtrés de poussière blanche.

— Mais qui est le bougre d’abruti qui a lancé une grenade ?! entendit-elle à peine hurler plus loin.

Visiblement, personne ici ne voulait finir emmuré vivant. Danaë se redressa, les oreilles sifflantes, la tête bourdonnante, essayant vainement de repérer ses ennemis à travers le nuage brun qui flottait autour d’elle. Elle toussa, déstabilisée, et ne put s’empêcher de râcler sa gorge brûlante. Elle enfouit rapidement sa bouche dans son sac de tissu, continuant de tousser en étouffant ses bruits.

— Danaë !

C’était Mignonne qui l’appelait doucement, comptant sur le brouhaha des éboulements pour couvrir sa voix. Elle ne la voyait pas, l’entendait à peine dans le chaos de son crâne, mais se dirigea lentement vers ce qu’elle pensait en être la source.

— Là ! Là ! appela la jeune fille, haletante, se tenant les tempes de douleur.

Elle arriva enfin à distinguer la silhouette longiligne de la chatte à travers l’épaisse brume, quand, à quelques pas à peine, ses pieds se dérobèrent. Un craquement souterrain gronda à quelques mètres, laissant apparaître une nouvelle fissure courant jusqu’à elle. Son talon s’enfonça un peu plus, et son souffle se coupa par la surprise. Que se passe-t-il ?! Là, juste en dessous d’elle, le sol s’ouvrait, tombait en cascade de pierre vers des abîmes inconnus. Elle poussa un cri malgré elle quand elle se sentit happée par le vide. Une main vive l’attrapa, lui plantant des griffes acérées dans le poignet.

— D’Artagnan, au secours ! gémit-elle à mi-voix.

Des ordres furent aboyés juste derrière eux. Pourtant, le grand félin ne bougea pas d’un pouce, tirant la jeune fille de toutes ses forces. Elle était légère mais sa main glissait, lacérée de plusieurs traits rouges, et son corps tout entier était déjà avalé par le gouffre en dessous d’elle. Il suffisait d’une fraction de seconde, une seule, pour la remonter. Danaë vit le regard inquiet de son nouvel ami, qui semblait la supplier de tenir le coup. Elle vit aussi les contours de Mignonne se ruant au-dessus d’elle, comme au ralentit. Elle vit enfin les silhouettes noires, entourées de poussières, brandissant une arme juste derrière D’Artagnan. Elle poussa un autre cri, tenta de se rattraper sur la paroi friable. Non ! Un coup, un seul. La main de son sauveur fléchit, la lâcha tout à fait, et son corps s’écroula dans un bruit sourd. Mais Danaë n’eut le temps d’en voir plus. Happée par le vide, elle tomba enfin tout à fait dans le noir.

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